Octobre 17 : héritage et nécessaires refondations

dimanche 5 novembre 2017.
 

Dans son dernier livre 1917-2017 : Que reste-t-il de l’Octobre russe ? Roger Martelli, communiste et historien, scrute ce que cette période dit à ceux qu’animent le « désir de rupture radicale » avec le capitalisme. Dialogue entre l’auteur et Laurent Lévy.

Laurent Lévy : Une première remarque avant d’entrer dans le vif du sujet porte sur le "genre" d’ouvrage dont il s’agit. Tu présentes en effet une série de réflexions sur Octobre et son héritage, mais non seulement ces réflexions sont inscrites dans la chronologie, mais chacun des trois premiers chapitres (les suivants sont des réflexions sur l’époque contemporaine) comporte une chronologie précise, qui nous fait passer de 1917 à 1991 – toute l’histoire du soviétisme, de la révolution russe à la disparition de l’URSS. Je suppose que l’idée n’est pas de donner au public une énième histoire de la révolution russe ou de l’Union soviétique – il en existe beaucoup et de très bonnes, et la bibliographie que tu fournis en propose un certain nombre – mais de donner à réfléchir à sa signification et sa portée sans perdre de vue l’enchaînement des choses, rappelé dans ces chronologies. Comment décrirais-tu ton projet en écrivant ce livre ?

Roger Martelli : Je n’ai effectivement pas voulu écrire un livre d’Histoire sur la révolution russe et ses lendemains. Comme tu le dis, les bons ouvrages ne manquent pas et je ne suis pas un spécialiste de la Russie et de l’URSS. Mais, communiste et historien du communisme français, je ne pouvais pas me dispenser d’un regard sur ce qui fut si longtemps un modèle. J’ai donc choisi le genre de ce que les anglo-saxons appellent un "essai", pour dire ce que je retenais personnellement d’une bibliographie prolifique. La plus grande partie de l’ouvrage est consacrée à ce regard. Et on comprendra aisément que mon point de vue tourne autour de la question des questions : ce qui est advenu après 1917, et notamment le tournant stalinien, est-il ou non la conséquence inévitable du choix de cet automne flamboyant ? Le stalinisme est-il ou non la vérité du communisme ? Ou suffit-il de dire qu’il en est une perversion ? La dernière partie traite plus directement de la question du titre : que reste-t-il de l’Octobre russe ? Répondre à cette question, c’est prendre la mesure que le XXe siècle est clos. Octobre ne se répétera donc pas. Il reste toutefois un héritage, nécessairement pluriel, et on trouve des héritiers, directs ou indirects. Pour le dire vite, demeure le désir de rupture radicale, avec un "système" - le capitalisme - qui est à la fois le même et profondément différent. Et doit se maintenir la conviction que la volonté, si elle sait être cohérente et inscrite dans le temps, peut infléchir l’Histoire humaine dans un sens ou dans un autre. À charge pour nous de continuer ce qui peut l’être. Mais ce n’est qu’au prix de radicales refondations...

LL : Il y a quelques années, Benjamin Stora avait écrit sur "La dernière génération d’Octobre"1. Il me semble qu’il y a là une intuition forte, que tu confirmes en disant que « le XXe siècle est clos ». Avant d’en venir au livre lui-même, je voudrais t’interroger sur un point : Octobre s’inscrit dans une histoire, et est en un sens un moment, même décisif, d’un cycle qu’il n’inaugure pas, celui de l’ère des révolutions - que l’on peut pour sa symbolique faire remonter au 89 français, même s’il y avait déjà eu la Glorieuse Révolution anglaise ou la Révolution américaine. C’est toute une période historique au cours de laquelle des millions d’hommes et de femmes auront connu une espérance révolutionnaire qui les portait. Les communards avaient la Révolution française en tête, et les bolcheviques la Commune. Tout ce folklore était présent dans les imaginaires des générations suivantes. J’ai le sentiment que la décennie 80 a marqué une rupture de ce point de vue, et que cette rupture permet de relativiser Octobre - dont le centenaire semble aussi difficile à célébrer que l’avait été le bicentenaire de la Révolution française. Cette comparaison te semble-t-elle pertinente ?

RM : Je ne sais si l’on peut parler de "cycle". La Révolution française n’ouvre pas à proprement parler un long cycle révolutionnaire, mais amorce une longue période de politisation populaire révolutionnaire, autour du double pivot de l’organisation (les sociétés populaires) et de l’institution d’un pouvoir concentré qui "pilote" la rupture radicale de l’ordre politique et social (le gouvernement révolutionnaire, la Terreur). Elle amorce aussi le face-à-face violent de la révolution et de la contre-révolution. Dès lors, la pensée révolutionnaire va passer de modèle en modèle et de rectification en rectification. Le modèle "terroriste" de 1792-1794 porte vers les métaphores de la dictature du prolétariat. Plus tard, le modèle de la Commune porte soit sur la méthode de l’autonomie populaire (la filiation proudhonienne et anarchiste), soit vers l’obsession de la Semaine sanglante (tout faire pour écraser la terreur contre-révolutionnaire). Le socialisme "marxiste" d’après 1871 tire de l’échec de la Commune la nécessité d’une voie pacifique de type parlementaire. Mais la violence de l’impérialisme avant 1914 et la "brutalisation" amorcée en 1914 délégitiment cet effort et relancent le modèle "dictatorial" et "avant-gardiste".

Si quelque chose se referme, ce n’est sans doute pas le "cycle" révolutionnaire, mais la logique de la modélisation. S’il n’est pas facile de disserter aujourd’hui de 1917, c’est qu’on ne sait pas très bien quoi en tirer. En posant la question "que reste-t-il de l’Octobre russe ?", je suggère la réponse paradoxale : tout et rien. La révolution ne sera pas ce qu’elle était, mais on ne peut pas se passer de l’horizon révolutionnaire. Il n’y a pas de fatalité en Histoire et l’idée de révolution porte vers la valorisation de la volonté collective ; mais le volontarisme est une perversion toujours possible de la volonté. Penser la révolution de nos jours, c’est se donner les moyens de travailler de façon cohérente des contradictions, sur des périodes de temps imprévisibles. Mais pour penser des contradictions, la première chose est de ne pas les ignorer. Scruter l’histoire d’Octobre et de ses lendemains reste en cela un passage obligé, hors de toute histoire sainte… ou satanique.

LL : L’histoire d’Octobre, donc... Tu rappelles ce que l’on sait mais que l’on oublie, que Octobre n’arrive pas comme ça, comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, mais au milieu d’une tourmente révolutionnaire qui traverse en Russie toute l’année 17. Peux-tu préciser un peu ce point ? Tu évoques les "deux révolutions" de 1917 – Février et Octobre. Et il est clair que isoler la seconde de la première empêcherait d’en comprendre le sens et la portée. C’est toute la question de la révolution comme processus et comme événement. Quels sont selon toi les éléments de continuité et de rupture entre les deux révolutions de 1917 ? Octobre n’est-il pas plutôt un moment dans une révolution qui ne se comprend que dans l’unité de son développement et de ses points tournants ? La stratégie et les perspectives des bolcheviks sont-elles bouleversées par l’insurrection ? Était-elle inscrite dans la logique des événements précédents ? Des thèses d’Avril par lesquelles Lénine convainc ses camarades du mot d’ordre "Tout le pouvoir aux soviets" à l’insurrection par laquelle les bolcheviks prennent le pouvoir, y a-t-il d’abord rupture ou continuité - ou les deux à la fois ?

RM : Il faut effectivement analyser les deux révolutions de 1917 comme les pièces d’un processus unique, mais la seconde n’est pas le parachèvement nécessaire de la première. On sait le paradoxe de la Révolution de Février : tout pouvait pousser à la conviction que le régime tsariste devait s’effondrer, mais les révolutionnaires ont été les premiers surpris du déclenchement du mouvement de masse dans la capitale russe. À tel point qu’ils ont mis trois jours pour se convaincre qu’il s’agissait bien d’une révolution et qu’ils devaient se hâter, s’ils ne voulaient pas perdre définitivement la main. Ce qu’ils font, en reprenant l’institution du Soviet, née en 1905 et oubliée entre-temps.

Penser la révolution de nos jours, c’est se donner les moyens de travailler de façon cohérente des contradictions, sur des périodes de temps imprévisibles. Mais pour penser des contradictions, la première chose est de ne pas les ignorer. Scruter l’histoire d’Octobre et de ses lendemains reste en cela un passage obligé, hors de toute histoire sainte… ou satanique.

Mais pour le reste, rien n’était écrit, pour une raison toute simple : dans la Russie totalement désorganisée de 1917, il n’y a plus de pouvoir concentré mais une multitude de pouvoirs éparpillés : ce qui reste d’administration, le Soviet qui vient de renaître et une multitude extraordinaire de comités qui se créent un peu partout et qui pèsent sur les institutions relativement les plus solides. Du coup, personne ne sait plus très bien ce qu’il en est. Les partis "bourgeois" classiques (les "Cadets") pensent qu’ils ont un pouvoir de contrôle parce qu’ils ont un gouvernement. La majorité au Soviet pense qu’elle peut jouer le rôle d’un superviseur et d’un moyen de pression sur le gouvernement. En fait, ni l’un ni l’autre n’a la situation en main. On a dit à l’époque qu’il y avait deux pouvoirs ; la réalité est qu’il y en a une multitude, donc pas de pouvoir réel. Les bolcheviks, à la limite, "prennent" un pouvoir qui n’existe pas...

Les révolutionnaires de l’époque lisent la situation, au fur et à mesure, à partir des modèles qu’ils ont en tête. L’idée majoritaire au départ est que Février ouvre la voie d’une rupture bourgeoise, que la bourgeoise va naturellement assumer les fonctions du pouvoir et que c’est par la suite que l’on pourra passer à une seconde phase révolutionnaire, plus populaire, paysanne ou ouvrière. Or la force de Lénine est dans une intuition qu’il nourrit depuis 1914 : la guerre a déstabilisé l’ordre des sociétés européennes et bouleversé la temporalité classique. Désormais la main appartient à ceux qui ont l’audace de l’offensive. La bourgeoisie n’a pas plus de moyen de contrôle que l’aristocratie : le prolétariat et ses alliés doivent en profiter pour accélérer le cours de l’Histoire et prendre l’initiative sans attendre. Lénine met un peu de temps à peaufiner son intuition et à convaincre, mais il réussit. La première révolution surprend les révolutionnaires ; la seconde, sur fond de luttes populaires continues, est décidée, contrôlée et réalisée par eux, qui plus est sans effusion de sang.

LL : On peut en venir à ce qui fait la substance de ton livre. Car si la révolution est un succès – la prise de pouvoir est effective – il n’est pas exagéré de dire à un siècle de distance que les choses tournent mal… C’est une question angoissante pour tous les communistes, puisqu’elle pose en définitive la suivante : la révolution est-elle possible ? Tu ne partages pas la vulgate qui voudrait que "Staline est déjà dans Lénine", mais tu es très nuancé sur les éléments de rupture et de continuité dans ce qui conduit de l’un à l’autre. Il y a bien sûr les enchaînements de l’Histoire, et en particulier la terrible guerre civile des premières années, et aussi l’échec des processus révolutionnaires à l’Ouest. Mais je voudrais que tu donnes ton sentiment sur une autre vulgate, celle qui voudrait que la mise en place du système stalinien résulte d’une "contre révolution". N’est-ce pas là une vision paradoxalement rassurante de ce qui s’est joué dès les années vingt ?

RM : La théorie de la "contre-révolution", développée au départ par l’Opposition de gauche à Staline, a incontestablement sa force pour dire que la dynamique stalinienne a tourné le dos aux espérances fondatrices. Mais elle a le défaut d’exonérer la période antérieure de tout défaut. Or, même si la méthode léninienne est aux antipodes de celle de Staline, on est bien obligé de constater que, pour une part tout au moins, le ver était déjà dans le fruit. J’ai dit tout à l’heure que les bolcheviks prennent à l’automne 1917 un pouvoir qui n’existe pas. Confrontés aux difficultés extrêmes d’une Russie post-révolutionnaire désorganisée, ils n’ont pas d’autres moyen pour agir que de restaurer l’État. Le Lénine théoricien pouvait bien mettre en garde contre le risque de l’étatisme, en pratique le recours à l’État, dans sa forme la plus rigoureuse, est apparu comme la seule manière de faire pièce à la logique du marché et aux assauts de la contre-révolution véritable. Le bolchevisme au pouvoir ne fut rien d’autre qu’un étatisme pratique, la "dictature du prolétariat" étant prise à la lettre d’un pouvoir ultra-contraignant et non comme un principe métaphorique. Le stalinisme n’était pas la seule manière de poursuivre cette voie. La NEP imposée par Lénine au printemps de 1921 ouvrait sans doute d’autres possibilités. Mais l’intuition léninienne ne résiste pas aux aléas des années 1920. La logique administrative semble la plus réaliste et la plus raisonnable. Le stalinisme, au départ, ne fut rien d’autre qu’une exacerbation de la pente étatiste originelle. Hélas, il le poussa jusqu’à la démesure et à la tragédie.

La tradition trotskiste ajoutera l’idée que la "contre-révolution stalinienne" marque la prise de pouvoir d’un groupe social, la bureaucratie, qui se substitue au prolétariat théoriquement maître du système. C’est en fait anticiper sur la suite. Le stalinisme est d’abord une phase de destruction brutale de l’ancien monde, sans que se stabilise un nouvel ordre d’organisateur de la société. C’est par la suite, dans le stalinisme vieillissant et plus encore dans le post-stalinisme que s’impose le pouvoir d’une nomenklatura, issue directement des couches populaires et qui concentre entre ses mains la régulation globale du système soviétique.

Je tiens donc que l’imposition du modèle stalinien ne fut pas une contre-révolution, mais une voie paroxystique de la révolution qui, en l’absence de tout frein possible, poussa l’étatisme et le volontarisme vers un abandon de fait des valeurs émancipatrices qui sont au cœur du parti pris communiste.

LL : Un ver dans le fruit, pas de "contre-révolution", pas de "Thermidor"… un échec final comme inscrit dans les prémisses-mêmes de la révolution… n’est-ce pas une vision très pessimiste, voire tragique, de toute cette histoire ? Si le XXe siècle est fondé sur la Révolution russe, est-il fondé sur un malentendu ? Ton livre s’intitule Que reste-t-il de l’Octobre russe ? La question est-elle la même que celle qui demanderait "Que reste-t-il du communisme ?" ou - ce n’est pas la même question, mais elle n’est pas sans rapport - "Que reste-t-il de la révolution ?" Ce que tu évoques, comme l’obligation où se sont trouvés les bolcheviks de construire un État qui avait disparu, là où leur théorie disait qu’il devait dépérir et disparaître, est-il encore d’actualité ? Il y a déjà plus de 35 ans que Enrico Berlinguer avait pris acte de ce que la Révolution d’Octobre avait perdu sa « force propulsive ». Mais pour nous, les communistes, quel est selon toi notre héritage ?

RM : Quand Berlinguer affirme que la force propulsive d’Octobre est finie, elle balbutie depuis longtemps... Non le ver n’est pas dans le fruit de la révolution mais, très vite, dans celui de la post-révolution. Le génie de Lénine est de comprendre, avant les autres, que la Grande Guerre avait marqué une césure dans l’Histoire européenne et mondiale, en bousculant le rythme des évolutions sociales, en exacerbant la conflictualité sociale et en offrant, de ce fait, des opportunités que le combat parlementaire n’avait pu développer avant 1914. Sa faiblesse est celle de la pensée révolutionnaire de son temps : elle sait en théorie que l’étatisme est une impasse, mais, en pratique, elle ne sait pas faire vraiment autre chose qu’osciller entre le recours aux normes de l’État pour réguler autrement que par la concurrence, et l’injection de plages concurrentielles pour écorner la rigidité des méthodes administratives. Encore une fois, je suis persuadé qu’il n’y avait pas de fatalité dans le triomphe du stalinisme. Mais il faut bien constater qu’il y avait en lui une simplicité pratique qui a beaucoup contribué à sa popularité, en URSS et ailleurs. Je suis convaincu que, pour comprendre ce qui s’est passé dans la Russie post-révolutionnaire, il faut combiner trois affirmations, sans jamais les séparer : Staline n’est pas contenu dans Lénine ; il y a rupture et non continuité entre les deux ; mais il y a des failles dans le dispositif léninien qui se transforment en gouffres avec Staline. Cela signifie qu’on ne peut pas faire, après un siècle bouleversant, comme si l’idée de révolution se suffisait en elle-même, tout entière contenue dans les discours qui la légitiment, sans regard rétrospectif sur son exercice. La révolution est un passage obligé pour l’émancipation ; elle n’en est pas la réalisation. Ce n’est pas une question d’optimisme ou de pessimisme, mais de responsabilité.

Le parti pris de rupture systémique, et donc de révolution, est aujourd’hui encore le seul parti pris réaliste. Mais l’expérience du XXe siècle ne nous a pas offert un modèle en tout point recevable de gestion sociale, de méthode transformatrice et de conception de l’organisation politique. Et qu’on ne me dise pas qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, quand le bébé a failli s’y noyer. Le temps est au commun, mais pas à sa forme étatique "administrée". Il est à la cohérence des pratiques critiques, mais pas à la centralité hiérarchique. Il est à l’organisation politique concertée, mais pas à la "forme parti" traditionnelle. Il est à la reconstitution des liens du politique et du social, mais pas sous la forme de la subordination de l’un à l’autre ou de leur radicale séparation. Il n’est pas à un mouvement pendulaire vers "l’individu" ou vers le "collectif", mais à une recomposition des deux notions. Il n’est pas à la correction du despotisme possible par l’institution de contre-pouvoirs, ou à la cohérence imposée pour éviter l’éparpillement des luttes transformatrices, mais à la subversion des façons de penser la mise en commun des projets, des propositions et des actions.

Penser en même temps la nécessité de la révolution et sa radicale réinterprétation, la continuité fondamentale du parti pris communiste et sa refondation tout aussi fondamentale... C’est ce "en même temps" qui m’importe et que ne peuvent nous aider à penser ni les tenants de la mort de l’idée révolutionnaire ni les chantres de la seule continuité.

Que nous reste-t-il de l’Octobre russe ? Tout et rien, disais-je au début de notre entretien. Rien si nous nous laissons aller à la nostalgie ou à l’éradication mémorielle ; tout, si nous adoptons une attitude refondatrice assumée. Ne pas recommencer et ne pas renoncer : inventer.

Publié dans le dernier numéro de Cerises.

Roger Martelli, 1917-2017 : Que reste-t-il de l’Octobre russe ? Éditions du Croquant, 2017, 214 p. 12 €.


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