La justice salvadorienne a confirmé la peine prononcée contre une femme, accusée d’« homicide aggravé ». Depuis 1997, l’avortement est totalement interdit.
Trente ans de prison. La peine prononcée en 2008 contre Teodora Vasquez, âgée aujourd’hui de 34 ans, a été confirmée hier par un tribunal du Salvador. Son crime ? Avoir été victime d’une fausse couche. Un meurtre, selon la justice de ce petit pays d’Amérique centrale de six millions d’habitants qui, depuis vingt ans, considère la perte d’un bébé comme un « homicide aggravé ». Un délit puni de trente à cinquante ans de réclusion, alors que l’avortement est, lui, passible de deux à huit ans de prison.
Teodora Vasquez était enceinte de neuf mois lorsque les faits se sont produits, il y a dix ans. Réfugiée dans les toilettes du collège où elle travaillait, elle a tenté en vain de contacter les urgences. Affaiblie par une grave hémorragie, elle s’est s’évanouie. Son bébé n’a pas survécu. Découvrant ce petit cadavre, un employé alerte alors la police. Teodora est arrêtée. Elle est condamnée en première instance à trente ans de prison. Le parquet a estimé qu’elle avait « caché » sa grossesse et qu’« elle ne voulait pas d’un bébé ».
La société civile mobilisée pour la dépénalisation
Depuis la modification de l’article 133 du Code pénal, en 1997, l’avortement est totalement interdit au Salvador, alors que, auparavant, il était autorisé sous certaines conditions. De plus, une réforme de la Constitution en 1999 assure que l’État « reconnaît comme personne humaine tout être humain depuis l’instant de sa conception ». « Peu importe que la vie de la femme soit en danger, que le fœtus ne soit pas viable, qu’une gamine de 11 ans victime d’un viol soit enceinte », écrit l’organisation Amnesty International, qui soutient Teodora Vasquez, dans sa revue du mois de novembre. « Peu importe aussi qu’une jeune femme débarque, juste après une fausse couche, à l’hôpital public aux urgences en saignant abondamment. Dans le doute, le personnel médical appellera la police, de peur d’être ensuite accusé de complicité d’avortement, à moins que ce ne soit la famille, les voisins… » poursuit l’ONG.
L’histoire de Teodora Vasquez est loin d’être un cas isolé. En juillet dernier, c’est une adolescente tombée enceinte après un viol et ayant ensuite perdu le bébé (victime d’une pneumonie) qui a elle aussi écopé de trente ans de prison. Elle avait accouché dans la salle de bains de son modeste logement. La justice a considéré qu’elle avait fait un déni de grossesse. Au total, au moins 26 femmes auraient été arrêtées après une fausse couche, selon l’AFP.
Face à cette situation, la société civile salvadorienne tente d’interpeller l’opinion publique. Le 28 septembre, décrétée Journée internationale de la dépénalisation de l’avortement en Amérique latine et dans les Caraïbes, une marche a été organisée dans les rues de San Salvador. Dans le cortège, trois femmes en tenue blanche maculée de sang et menottées dénoncent le sort des femmes victimes de fausses couches, mises en prison pour avoir été soupçonnées d’avortement. Deux jours auparavant, une trentaine de médecins avaient créé l’Union des médecins pour la santé des femmes. Leur premier combat est de soutenir l’un des deux projets de loi à l’étude. La députée de gauche Lorena Pena souhaite autoriser l’IVG dans quatre cas : en cas de risque pour la femme, de risque pour le fœtus, de viol sur mineure, de viol sur adulte. L’autre texte, porté par un député de droite en porte-à-faux vis-vis de son parti, évoque deux cas (risques pour la femme et viol sur mineure). Mais, face à l’opposition de la droite et à l’approche des élections législatives du mois de mars, il y a peu de chance que le Salvador assouplisse sa loi sur l’IVG.
Damien Roustel, L’Humanité
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