Ahed Tamimi, héroïne palestinienne de 16 ans, a d’une gifle rendu dingues les Israéliens

mercredi 10 janvier 2018.
 

Arrêtée dans la nuit du 18 au 19 décembre 2017 par l’armée israélienne, Ahed Tamimi a été inculpée par un tribunal militaire et maintenue en détention pour 16 chefs d’inculpations.

Mardi dernier, les Forces de défense d’Israël ont abattu Hamed al-Masri, 15 ans, d’une balle dans la tête, blessant grièvement l’adolescent de Salfit qui, par ailleurs, ne portait pas d’arme. Vendredi, les militaires ont fait de même avec Mohammed Tamimi, de Nabi Saleh, sans arme lui aussi, le blessant tout aussi grièvement à la tête. Vendredi encore, les militaires ont tué – toujours d’une balle dans la tête – Ibrahim Abou Thuraya, amputé des deux jambes. Et, le même jour, Ahed Tamimi était dans la cour de sa maison avec une amie et a giflé un homme des FDI qui avait fait irruption chez elle.

Du coup, Israël est sorti furieux de sa torpeur : mais comment ose-t-elle ? Les trois victimes de cette fusillade barbare n’intéressent pas les Israéliens et les médias ne prennent même pas la peine d’en parler. Mais la gifle – et le coup de pied – d’Ahed Tamimi ont déclenché une colère furieuse. Comment peut-on oser gifler un soldat des FDI ? Un soldat dont les amis giflent, tabassent, kidnappent et – bien sûr – abattent presque quotidiennement des Palestiniens ?

Vraiment, elle a tous les toupets, la Tamimi. Elle a violé les règles. Gifler n’est permis que de la part des soldats. C’est elle, la véritable provocation, et non pas le soldat qui a fait irruption dans sa maison. Elle, qui a eu trois proches parents tués par l’occupation, elle dont les parents ont été arrêtés d’innombrables fois et dont le père a été condamné à quatre mois de prison pour avoir participé à une manifestation à l’entrée d’une épicerie – et c’est elle qui a osé résister à un soldat ! Voilà le culot des Palestiniens. Tamimi était censée tomber amoureuse du soldat qui avait forcé la porte de sa maison et, ingrate qu’elle a été, elle l’a récompensé d’une gifle. Tout cela, à cause de « l’incitation à la violence ». Sans quoi, elle n’aurait certainement pas manifesté cette haine à l’égard de son conquérant.

Mais cette pulsion de revanche à l’égard de Tamimi a d’autres sources (Le ministre de l’Éducation, Naftali Bennett a déclaré : « Elle devrait finir ses jours en prison. »). La fille de Nabi Saleh a fait éclater plusieurs mythes chers aux Israéliens. Le pire de tout, elle a osé détériorer le mythe israélien de la masculinité. Brusquement, il se fait que le soldat héroïque, qui veille sur nous jour et nuit avec audace et courage, se fait vilainement contrer par une fille aux mains nues. Que va-t-il advenir de notre machisme, si Hamimi le met en pièces si facilement, et de notre testostérone ?

Tout d’un coup, les Israéliens ont vu l’ennemi cruel et dangereux auquel ils sont confrontés : une gamine bouclée de 16 ans. Toute la diabolisation et la déshumanisation des médias flagorneurs ont volé en éclats d’un seul coup en étant brusquement confrontées à une gamine vêtue d’un sweater bleu.

Les Israéliens ont perdu la tête. Ce n’est pas ce qu’on leur a raconté. Ils sont habitués à entendre parler de terroristes et de terrorisme et de comportement criminel. Il est difficile d’accuser Ahed Tamimi de tout cela ; elle n’avait même pas de ciseaux en main. Où est la cruauté des Palestiniens ? Où est le danger ? Où est le mal ? On en perdrait la tête. Brusquement, toutes les cartes ont été rebattues : Pendant un rare instant, l’ennemi avait l’air si humain. Bien sûr, on peut compter sur la machine israélienne de propagande et de lavage de cerveau, si efficace, pour assassiner sans attendre le personnage de Tamimi. Elle aussi se verra coller l’étiquette de terroriste née pour tuer ; on dira alors qu’elle n’avait pas de motifs justifiables et qu’il n’y a pas de contexte pour expliquer son comportement.

Ahed Tamimi est une héroïne, une héroïne palestinienne. Elle est parvenue à rendre dingues les Israéliens. Que diront les correspondants militaires, les incitateurs de droite et les experts de la sécurité ? Quelle est l’efficience de 8200, Oketz, Duvdevan, Kfir et toutes ces autres unités spéciales si, à la fin de la journée, les FDI sont confrontées à une population civile désemparée, fatiguée de l’occupation et incarnée par une jeune fille portant un keffieh sur l’épaule ?

Si seulement il y en avait bien davantage comme elle ! Peut-être des filles comme elle seraient-elles en mesure de secouer les Israéliens. Peut-être l’intifada des gifles réussira-t-elle là où toutes les autres méthodes de résistance, violente ou non violente, ont échoué.

Dans l’intervalle, Israël a réagi de la seule façon qu’il connaît : un enlèvement nocturne de son domicile et son arrestation ainsi que celle de sa mère. Mais, dans le fond de son cœur, tout Israélien décent sait sans doute non seulement qui a raison ou qui n’a pas raison, mais aussi qui est fort et qui est faible. Le soldat armé de pied en cap qui fait irruption dans une maison qui ne lui appartient pas, ou la gamine sans armes qui défend sa maison et son honneur perdu à mains nues, par une gifle ?

Gideon Levy

* « Ahed Tamimi est une héroïne, une héroïne palestinienne » ». Pour la Palestine : http://www.pourlapalestine.be/gideo...

Publié le 20/12/2017 sur Haaretz sous le titre : A Girl’s Chutzpah : Three Reasons a Palestinian Teenage Girl Is Driving Israel Insane. https://www.haaretz.com/opinion/.pr...

* Traduction : Jean-Marie Flémal

* Gideon Levy, “le journaliste le plus haï d’Israël”, est un chroniqueur et membre du comité de rédaction du quotidien Haaretz. Il a obtenu le prix Euro-Med Journalist en 2008, le prix Leipzig Freedom en 2001, le prix Israeli Journalists’ Union en 1997, et le prix de l’Association of Human Rights in Israel en 1996. Il est l’auteur du livre The Punishment of Gaza, qui a été traduit en français : Gaza, articles pour Haaretz, 2006-2009, La Fabrique, 2009

Libérez Ahed Tamimi ! Stop à la dictature israélienne dans les territoires palestiniens !

Ahed Tamimi, 16 ans, a été enlevée ce 19 décembre 2017 à l’aube par les forces d’occupation israéliennes qui ont fait irruption dans sa maison familiale.

La vidéo sur Ahed Tamimi ci-dessous permet de comprendre la violence militaire et policière permanente des forces coloniales israéliennes d’occupation dans les territoires palestiniens occupés.

https://www.facebook.com/MiddleEast...

Garde à vue de nouveau prolongée pour Ahed Tamimi

https://www.youtube.com/watch?v=8gM...

Déjà dix jours de détention arbitraire

Nouvelle mise à jour : Bassem Tamimi a été placé en détention puis relâché par les forces israéliennes aujourd’hui, 20 décembre, alors qu’il assistait à l’audience, au tribunal militaire d’Ofer, pour sa fille Ahed dont la détention a été prolongée au moins jusqu’à lundi.

Durant la nuit, lors de raids violents, les forces d’occupation ont appréhendé une cousine de la famille, et une militante de premier plan, Nour Tamimi, 21 ans, dans sa maison familiale à Nabi Saleh. Cela veut dire qu’Ahed et deux membres de sa famille, Nariman et Bassem – tous deux étant à la tête de la défense de la terre à Nabi Saleh – sont actuellement détenus par les forces d’occupation israéliennes.

Mise à jour : la mère d’Ahed, Nariman Tamimi a été arrêtée au moment qu’elle est allée prendre des nouvelles de sa fille !

Ahed Tamimi, 16 ans, est une célèbre activiste du village palestinien occupé de Nabi Saleh. Son courage et celui de sa famille ont fait le tour du monde entier depuis que le village s’oppose aux soldats israéliens armés, aux confiscations de terres et à l’installation de colonies qui s’emparent des ressources locales – au point que même le puits du village a été confisqué.

Le père d’Ahed, Bassem, a posté sur Facebook qu’Ahed était visée depuis qu’elle avait été attaquée par les médias israéliens pour avoir protesté contre les soldats de l’occupation qui, à Nabi Saleh, avaient abattu un adolescent de 14 ans d’une balle enrobée de caoutchouc dans la tête. Le garçon, Mohammed Tamimi, se trouve actuellement dans un coma artificiel. Bassem Tamimi a déclaré que les militaires avaient fait irruption dans la maison familiale avec une extrême brutalité, qu’ils avaient frappé Nariman Tamimi, la mère d’Ahed, ainsi que ses frères et sœurs, qu’ils avaient également confisqué téléphones, caméras, PC portables et autres appareils électroniques. Ahed a été emmenée vers une destination inconnue par les soldats de l’occupation.

Ahed a acquis une renommée internationale en raison de sa défense des droits des Palestiniens sous l’occupation, et, entre autres, pour avoir pris la défense de son petit frère arrêté par un soldat israélien et avoir protesté contre les confiscations de terres visant Nabi Saleh et d’autres villages à la périphérie de Ramallah.


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