2017 " Le dégagisme a fait son oeuvre." (Jean-Luc Mélenchon)

mercredi 3 janvier 2018.
 

Entretien avec Jean-Luc Mélenchon dans La Provence.

Jean-Luc Mélenchon : "Si Macron croit que la vie est un perpétuel Pont d’Arcole, il se trompe"

Jean-Luc Mélenchon passe une partie des fêtes de fin d’année à Marseille. Le député marseillais qui est toujours à la recherche d’un pied-à-terre, "avec vue sur mer car elle m’apaise", a fait de la cité phocéenne "le cratère du volcan politique" français.

Jean-Luc Mélenchon a choisi de rester un peu à Marseille pour les fêtes. Arrivé avec fracas sur le Vieux-Port à l’occasion des élections législatives de juin, le leader de La France insoumise a d’abord tout renversé. Puis, à la faveur d’un résultat sans ambiguïté, s’est installé. Plus souvent à Paris où il symbolise l’opposition à Emmanuel Macron, le député à l’ambition nationale se cherche toujours un pied-à-terre avec vue sur mer. "Je suis né au bord de la mer", rappelait le natif de Tanger lors de sa dernière sortie publique sudiste, à l’hôpital de la Timone, vendredi dernier. "Quand je la regarde, je me sens apaisé. J’en ai besoin, ça me fait du bien. Je suis tellement bien quand je suis à Marseille". Un discours qui indique aussi un besoin de faire un break. De reprendre son souffle et de "reprendre à zéro", depuis Marseille, sa stratégie politique face au gouvernement et un jeune adversaire, Emmanuel Macron, qui ne lui a laissé aucun répit.

Que retiendrez-vous de cette année politique totalement débridée ?

Jean-Luc Mélenchon : Il est certain qu’elle n’a pas été une année banale. Sur les vingt derniers mois, j’ai dû prendre une vingtaine de jours de pause, tout au plus. Une année dure, dure, dure. Épuisante. Elle s’est poursuivie à un rythme échevelé à l’Assemblée nationale, avec cette multiplication de sessions, extraordinaires ou pas, où il a fallu lutter contre les ordonnances, travailler sur les lois de finances, la sécurité sociale...

Un rythme dingue, mais aussi et surtout un bouleversement total...

Jean-Luc Mélenchon : La table politique a été intégralement renversée. Je le souhaitais, je ne vais pas m’en plaindre. Le dégagisme a fait son oeuvre. Cette réorganisation profonde de la représentation politique n’est pas terminée. Les choses ne sont pas encore en place. Le dégagisme continuera. On l’a observé il n’y a pas si longtemps que cela en Corse, où trois députés sur quatre sont issus des rangs indépendantistes ou autonomistes. Cela dit quelque chose. L’année s’est chargée de rattraper les indolents. Cinq législatives partielles vont encore avoir lieu.

Et aussi 2017, l’année où Macron a dynamité la vie politique française

Jean-Luc Mélenchon : Nous, on s’en sort bien. On a progressé partout. Ce n’est pas le cas des autres qui ont surtout régressé. Il y a une attente dans la société dont on ne sait pas si elle est gagnée par la résignation ou non. On ne connaît pas, par exemple, la réponse de la jeune génération sur la sélection à l’entrée des universités. Pour le moment, elle est calme, mais elle est par essence difficile à maîtriser. C’est la même chose pour le personnel hospitalier et dans d’autres domaines. On voit partout l’épuisement, les gens qui ne disent rien, mais sont au bord du burn-out. Il y a quelque chose qui bout sous le couvercle.

Emmanuel Macron a-t-il réussi son coup en imposant ses mesures sans que les réactions ne soient virulentes ?

Jean-Luc Mélenchon : Si Emmanuel Macron croit que la vie est un perpétuel Pont d’Arcole, il se trompe. (NDLR : référence à une bataille remportée en 1796 par le jeune Napoléon Bonaparte grâce à son sens tactique, une certaine bravoure et ses ruses de communication). Ses erreurs de langage, ses provocations savamment orchestrées n’en sont pas. Ses mots et beaucoup de ses actes et de ses mesures font qu’il se rapproche de la droite pour mieux la diviser. Et en aspirer l’électorat. Après l’avoir fait à gauche. J’espère que Laurent Wauquiez va faire des progrès à droite. Cela me soulagerait un peu. Je ne serai plus seul dans l’oeil du cyclone.

Où en êtes-vous politiquement avec La France insoumise ? Êtes-vous seuls à gauche ?

Jean-Luc Mélenchon : Nous sommes de loin la première force d’opposition. J’ai une responsabilité politique qui m’a été confiée par les urnes. Lors de la présidentielle, puis des législatives. Ce qui m’incite à ne pas faire croire que je voudrais, par exemple, vivre dans l’ambiguïté avec les socialistes ou les communistes. Nos désaccords stratégiques sont profonds. Eux, ainsi que les écologistes, vont avoir leurs congrès respectifs l’an prochain. De là pourra peut-être se recomposer un paysage politique. Mais pour nous, si quelque chose doit se passer avec, cela se fera depuis Marseille.

Cette ville est devenue votre laboratoire ?

Jean-Luc Mélenchon : Marseille est le cratère du volcan français. Elle n’est pas notre laboratoire, parce qu’on essaie simplement d’y accompagner la réalité. En étant les plus humbles possible. Les gens souffrent beaucoup, ici plus qu’ailleurs. Les seuils de la quart mondialisation sont visibles et souvent franchis. Les "élites" se sont bien isolées. Et je me rends compte à quel point je me sens marseillais lorsque je suis ici. Donc, nous, on reprend tout à zéro. On va au contact populaire. Pas pour enrôler les gens, les élections sont loin. Ni pour faire la leçon ou une clientèle. On n’a rien à donner. On lève une génération qui gagne ses galons en collectant des vêtements. Beaucoup de choses vont se passer à Marseille par la force des choses.

François Tonneau


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