Océan. Un traité ou une bouteille à la mer  ?

jeudi 4 janvier 2018.
 

Afin d’aboutir à un accord sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité de l’océan, l’ONU a voté l’ouverture de négociations. N’est-il pas déjà trop tard  ?

Le 24 décembre dernier, l’Assemblée générale de l’ONU a voté l’une de ses dernières résolutions de l’année. Elle concerne le statut des océans, et plus particulièrement de la haute mer – au-delà de 200 milles nautiques des côtes –, qui sort de la juridiction des États. Après plus de dix ans de discussions, 140 pays ont approuvé l’ouverture de négociations, sous l’égide du Mexique et de la Nouvelle-Zélande. Elles devront aboutir à un traité international protégeant la biodiversité de nos océans d’ici à 2020.

Une résolution qui s’ajoute à de nombreux textes

Une bonne nouvelle, que certains n’ont pas hésité à qualifier d’historique. Pourtant, quelques pays – Fédération de Russie, États-Unis, Turquie… – ont déjà émis des doutes quant à son application. À mots couverts, ils ont bien fait comprendre qu’ils ne signeraient pas un accord contraignant, mais attendaient de ce traité un consensus afin de préserver leurs droits et intérêts. Comme d’habitude  ! Car, au-delà de ces mises en garde, la question se pose en effet de savoir à quoi servent ces traités.

Cette résolution fait suite à de nombreuses conventions et accords, qui étaient censés régler ces problèmes depuis belle lurette et qui, pour l’instant, n’ont que peu abouti. La convention de Montego Bay, en 1982, sur le droit de la mer précisait toute une série de notions, dont celles de mer territoriale, de zones économiques exclusives et de plateau continental. Malheureusement, elle n’a été ratifiée que par un certain nombre de pays.

D’autres textes, comme la convention Ospar (pour l’Atlantique Nord-Est, Paris, 1992) ou la convention de Barcelone (pour la Méditerranée, 1995), ont connu un sort identique. Non seulement, ils ne s’appliquaient qu’à des régions ou des zones limitées, mais encore, ils ne concernaient en aucune façon les navires battant pavillon de pays non signataires.

La mer rapporte 21 000 milliards d’euros aux pays les plus riches

Autant dire que, comme le dit l’expression, la mer est encore à tout le monde. Car le beau principe de liberté dans ces zones reste force de loi pour le plus grand nombre  : «  En haute mer, on peut encore faire n’importe quoi et c’est toujours le cas  », expliquait récemment une source diplomatique française. Celle-ci – 64% des océans et plus de 40 % de la surface de la Terre – a de plus, et pour son plus grand malheur, un intérêt économique mal exploité faute de moyens techniques adaptés mais qui attise les convoitises. Que se passera-t-il une fois ces technologies mises au point  ? Qu’en sera-t-il aussi, lorsque la démographie aura explosé de manière exponentielle  ? L’exploitation de l’océan deviendra alors une nécessité qui, sans règles, accélérera son déclin déjà bien avancé. Marées noires, pollutions au plastique – on parle bien du 6e continent –, produits chimiques déversés, pêche au cyanure… La liste est déjà longue.

La mise en place d’un traité serait donc une immense avancée pour protéger cette biodiversité  : «  Nous avons de plus en plus conscience de l’importance de la haute mer pour l’ensemble de la vie sur Terre  », expliquait ainsi Peggy Kalas, d’High Seas Alliance. Ce discours sera-t-il entendu lorsque l’on sait que les recettes liées aux océans sont estimées à 21 000 milliards d’euros chaque année pour les pays les plus avancés  : États-Unis, Chine, Japon…  ? Wait and sea  !

Éric Serres Rubrique Une planète et des hommes


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