Qui était Robert Schuman ? Dans son ouvrage aux origines du carcan européen ( 1900-1960 ), publié par les éditions DELGA en 2 016, Annie Lacroix-Riz présente une relation très documentée de sa carrière, que je résume ici :
Robert Schuman est né sujet allemand en 1 886 ; il accomplit toutes ses études scolaires et universitaires dans l’empire allemand ( le Deuxième Reich ) ; en 1 914, il est mobilisé dans un service auxiliaire de l’armée impériale ( la Reichswehr ) ; en 1 915, il est détaché dans l’administration civile à Boulay-Moselle. Jusqu’en 1 918, il a vécu comme un bon sujet allemand catholique et loyal à l’Empereur ( Guillaume 2 ), tenant d’une Europe vaticane principalement appuyée sur l’Allemagne. Selon un de ses biographes ( Roth ), aucun membre de sa famille n’a jamais opté pour la France.
Aussitôt que Robert Schuman fut devenu français, les de Wendel et Seillières le mandatent pour une carrière politique impliquant de diriger en Moselle leur Action catholique lorraine ( ACL ) ; il est élu député dès 1 918 ; l’Action catholique lorraine est tout-à-fait comparable, pour son antimaçonnisme, son antilaïcité, son antisémitisme, son anticommunisme, et à partir de 1 936, son franquisme, aux ligues fascistes qui vont marquer l’entre-deux guerres.
Robert Schuman adhère dès leur fondation à deux des premières ligues fascistes ( la ligue des Droits du Religieux Ancien Combattant – DRAC, et la Fédération Nationale Catholique du général Castelnau – FNC ), soutient en Alsace le « Heimatbund » financé par le troisième Reich, soutient les séparatismes croates, allemands des monts Sudètes, etc... ; comme député, il pourfend les lois laïques, qu’il qualifie d’« infâmes » et attise sans cesse la question scolaire dans les trois départements revenus à la France en 1 918.
Il accompagne activement les complots que Philippe Pétain et ses complices fomentent contre la République, devient secrétaire d’Etat aux réfugiés dans le cabinet de Paul Reynaud le 21 mars 1 940 et le restera jusqu’au 13 juillet suivant.
Donc, Robert Schuman sert le gouvernement Pétain lorsqu’il adresse à l’Etat-major allemand une demande d’armistice, le 17 juin 1 940, ainsi que lorsque le traité d’armistice est signé, le 22 juin 1 940. Le 10 juillet 1 940, il vote, comme tous les siens ( 569 parlementaires contre 80 ), les pleins pouvoirs demandés par Pétain.
Le 13 juillet, ses mandants et protecteurs de Wendel adressent au chef d’Etat-major allemand un requête de collaboration économique dont la conclusion est : « Le but que nous nous proposons correspond entièrement aux vues du gouvernement allemand ».
En août 1 940, les autorités du Troisième Reich ont de nouveau annexé l’Alsace-Lorraine ; elles autorisent Robert Schuman à revenir en Moselle ; à partir de cette date, sa vie s’entoure d’un épais mystère qui dure deux ans. Il semble avoir été arrêté à Metz et assigné à résidence surveillée en Allemagne. Au début de 1 941, il aurait plaidé sa cause par lettres auprès des chefs hitlériens de Moselle, en les assurant n’avoir rien fait contre l’Allemagne ni contre le Deutschtum avant ou après 1 933, ainsi qu’en arguant de sa formation acquise dans les universités allemandes et de sa tendance naturelle au rapprochement et à la coopération pacifique, etc ...
Ce mystère débouche en août 1 942 sur son arrivée à Lyon, où il est présumé « évadé » ou « réfugié » ; il participe alors à une institution créée dans le cadre de la politique de collaboration pétainiste par le groupement des chambres de commerce d’Alsace et de Lorraine ; un vice-président de cette institution est Hubert de Wendel.
Lors de la Libération, malgré tout ce passé et le mystère qui en cache une grande partie, Robert Schuman, tout comme le chef d’industrie et de presse Jean Prouvost, fut soustrait aux instructions diligentées par la Haute Cour de Justice et laissé en liberté ; le 15 septembre 1 945, il fit l’objet d’un non-lieu et entreprit alors une ascension vertigineuse : ministre des finances dans le gouvernement Ramadier après juin 1 946, il participe le 4 mai 1 947 à l’éviction des ministres communistes, ce grâce à quoi sont relancées les procédures judiciaires initiées jadis par le gouvernement de Philippe Pétain contre les Résistants, mais que la Libération avait arrêtées ; président du conseil des ministres le 24 novembre 1 947, il organise avec son ministre de l’intérieur Jules Moch la sanglante répression des grandes grèves ; ministre des Affaires étrangères de juillet 1 948 à septembre 1 952, ministre de la justice et garde des sceaux de février à décembre 1 955, président d’un « Mouvement européen » de 1 955 à 1 961, président de l’Assemblée européenne de 1 958 à 1 960. En 1 958, le général De Gaulle redevient président de la République : c’est lui qui met fin aux poursuites pétainistes relancées après juin 1 947 contre les anciens résistants.
Pendant toute cette période, Robert Schuman apparaît comme un agent de la grande bourgeoisie capitaliste attaché à refondre les organes du gouvernement politique de notre pays de telle manière qu’ils s’intègrent bien dans les organes du futur gouvernement européen eux-mêmes en chantier ; les principales caractéristiques de cette refonte ont été :
la substitution de l’hégémonie états-unienne à l’empire allemand sans préjudice de la domination économique du capital allemand sur toute l’Europe ;
le renforcement dans toute l’Europe de la répression policière et judiciaire de tous les mouvements populaires de libération qui avaient combattu les armées fascistes et nazies ;
l’encadrement de l’évolution des Etats restés capitalistes dans une intention d’hostilité guerrière à l’encontre de l’URSS et des autres pays socialistes, ainsi que dans une représentation de l’humanité fondée dans l’intégrisme catholique et la fidélité vaticane.
Pour quels motifs, à l’approche de la victoire, les Etats-majors anglo-américains ont-ils tenté en l’absence d’un représentant de l’URSS de signer avec celui du Reich nazi un document qui, en l’absence de la signature soviétique, aurait pu devenir un traité de paix séparée ? (à suivre)
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