Onze vaccins : quelle politique de santé publique ?

lundi 29 janvier 2018.
 

1. Ce que dit le Ministère.

Les enfants nés depuis le 1er janvier 2018 devront recevoir onze vaccins obligatoires contre trois auparavant (diphtérie, tétanos, poliomyélite, regroupés sous l’appellation « DTP ») sur décision de la ministre de la Santé, Madame Buzyn, ministre de la santé de Macron. Depuis l’été 2017, les réactions se sont multipliées. Nous proposons avec cet article de contribuer au débat ; nous le souhaitons large et constructif.

Le Ministère communique : « L’extension à 11 vaccins obligatoires a été promulguée par la loi du 30 décembre 2017 suite à la proposition d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé de rendre obligatoires 8 vaccins supplémentaires jusqu’alors recommandés pour la petite enfance, en complément des 3 vaccins actuellement obligatoires. Cette décision répond à une nécessité d’enrayer certaines maladies infectieuses, comme la rougeole. En effet, si la France a des taux de couverture vaccinale meilleurs que les autres pays pour les vaccins obligatoires, en revanche ils sont très insuffisants pour la plupart des vaccins recommandés. »

Autant rappeler avec le Ministère en un court historique l’histoire de la vaccination :

Avant l’arrivée des vaccins contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, ces maladies représentaient de véritables fléaux, responsables à elles trois de plusieurs milliers de décès d’enfants par an en France. L’État a décidé de les rendre obligatoires afin de s’assurer que tous les enfants puissent y avoir accès et être protégés.

Pour les vaccins introduits dans le calendrier des vaccinations à partir des années 1970, l’État a considéré qu’il n’était plus nécessaire de les rendre obligatoires car on pouvait compter sur l’adhésion forte de la population et des médecins pour assurer la vaccination de tous les enfants. Les vaccins recommandés sont donc tout aussi importants que les vaccins obligatoires.

Or, la couverture vaccinale est devenue insuffisante, c’est prouvé et c’est un grave problème de santé publique :

« La couverture vaccinale correspond à la proportion de personnes vaccinées dans une population à un moment donné. Une couverture vaccinale élevée constitue un élément clé dans le contrôle des maladies infectieuses, permettant de protéger une population contre une maladie donnée.

Ainsi, par exemple, l’élimination de la rougeole nécessite un niveau de couverture vaccinale de 95 % chez le jeune enfant. En France, ce niveau n’a jamais été atteint depuis l’intégration de cette vaccination dans le calendrier vaccinal, ce qui explique l’épidémie qui a provoqué des milliers de cas entre 2008 et 2011.

Seule une couverture vaccinale élevée a permis l’élimination de la diphtérie et de la poliomyélite et la quasi- élimination des infections massives à Hæmophilus influenzae b, Hib.

Les niveaux insuffisants de couverture vaccinale atteints pour la vaccination rougeole-oreillons-rubéole et contre le méningocoque C, ainsi que contre la grippe et l’hépatite B, sont à l’origine d’une morbidité et d’une mortalité résiduelles, que l’on peut considérer inacceptable, d’autant que les vaccins correspondant ont un profil de sécurité d’utilisation tout à fait satisfaisant.

Augmenter ces couvertures vaccinales devrait être considéré comme une priorité de santé publique afin de prévenir la survenue de drames facilement évitables. »

En plus des 3 vaccins actuellement obligatoires , la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite, s’ajoutent désormais huit autres : l’haemophilius influenzae B (bactérie provoquant notamment des pneumopathies et des méningites), la coqueluche,l’hépatite B, la rougeole, les oreillons, la rubéole, le méningocoque C (bactérie provoquant des méningites), le pneumocoque (bactérie provoquant notamment des pneumopathies et des méningites).

Cette déclaration d’intention est juste. Les questions commencent au-delà.

La couverture vaccinale est à rétablir, c’est un fait établi.

Rappelons qu’en France, on comptait 45 000 cas de diphtérie en 1945, et seulement 1 000 dans les années 60, surtout chez les non-vaccinés, et plus aucun cas depuis 1989.

La revue « Prescrire » a démontré l’efficacité du Prevenar contre les pneumocoques, au prix d’effets secondaires acceptables. Les preuves épidémiologiques scientifiquement indiscutables de l’efficacité des vaccins existyent depuis des décennies et sont confirmées. La vaccination, comme méthode de lutte contre les maladies infectieuses a depuis longtemps fait la preuve de son efficacité et utilité. Cela doit être rappelé en ces temps troublés où le rumeurs alarmistes se multiplient.

« Les trois vaccins aujourd’hui obligatoires (diphtérie, tétanos et poliomyélite) sont administrés à 97 % des jeunes enfants. Pour les huit autres, ceux qui sont actuellement recommandés, la couverture vaccinale s’échelonne entre 70 et 96 %. Pour la rougeole, par exemple, elle est de 78 %. Une telle couverture est insuffisante pour protéger l’ensemble des enfants et, entre 2008 et 2012, 23 000 cas de rougeole ont été déclarés qui ont conduit à des hospitalisations et à dix décès. »

2 . C’est la confiance entre les décideurs politiques et les populations concernées qui est atteinte.

On pourrait cependant penser que l’État , ici, Madame Buzyn, a eu raison d’agir ainsi, vite et fort.

Et pourtant, là, commencent les questions et les divergences, même parmi nous. Nous allons exposer ces questions, prendre position. Mais nous considérons qu’à la question « alors pour ou contre les onze vaccins ? » la réponse ne peut être tranchée en l’état actuel du débat, même si c’est décevant dans une logique de la politique réduite aux slogans. Ce texte est une invitation au débat, pas la conclusion d’un débat.

L’Institut national de veille sanitaire estime à près de 5 % la baisse du taux de couverture vaccinale des nourrissons de moins de 9 mois en France entre 2014 et 2015.

Le risque d’une couverture vaccinale trop basse, c’est la réapparition de flambées épidémiques, comme la France a pu en connaître en 2008 avec la rougeole (citée à juste titre par le Ministère) : 23 000 enfants touchés, 1500 pneumopathies graves, 34 atteintes neurologiques et dix enfants décédés.

La résurgence des ligues antivaccinales de sectes et de complotistes divers est inquiétante. Ce sont des ennemis de la santé publique.

Mais force nous est de constater que le malaise voire la défiance se développent dans la population envers les vaccins, avec des arguments qui ne sont pas ceux des sectes complotistes.

La réaffirmation de l’obligation vaccinale ne suffit pas. Il nous faut répondre discuter avec les arguments qui ne sont pas caricaturaux, eux, de la méfiance en vers certains vaccins.

Ainsi la vaccination contre l’hépatite B. En France que 1 300 personnes meurent chaque année d’une hépatite B, par cirrhose ou cancer primitif du foie. En France, seuls 40% des nourrissons de deux ans sont vaccinés contre l’hépatite B, à comparer à des taux de 95% en Europe du Sud. Mais il existe aussi une mise en cause du le vaccin contre l’hépatite B . Depuis le milieu des années 90, des patients accusent ce vaccin d’être responsable de leurs maladies neurologiques, et notamment de sclérose en plaques. Cependant une abondante littérature scientifique, et parmi elle la revue indépendante Prescrire, ne retrouve pas d’augmentation spécifique de ces pathologies (cf le travail de Frank Cantaloup, NPA santé) dans les populations vaccinées par rapport à celles qui ne le sont pas, en France comme ailleurs. S’il serait absurde de remettre en cause ce vaccin, il est nécessaire de poursuivre les recherches.

Et il est contestable que la vaccination contre l’Hépatite B soit dans le lot des onze vaccins obligatoire.

Revenons à cette obligation vaccinale ancienne en France du « DTP » accompagnée des recommandations pour les autres vaccins notamment ceux apparus ces 40 dernières années (coqueluche, rougeole-oreillons-rubéole ou « ROR », hépatite B, Haemophilus influenzae, pneumocoque, méningocoque C).

Nous ne rentrerons pas ici dans le débat sur obligation versus recommandations.

Mais force est de constater que les firmes pharmaceutiques ont décidé d’abandonner la production de DTP depuis plusieurs années (en 2008 par SANOFI Pasteur MSD) sous des motifs discutables pour développer des vaccins penta ou hexavalents (5 ou 6 maladies dans la même injection) beaucoup plus chers, mélangeant vaccins obligatoires et recommandés.

Ainsi en 2017, la pénurie organisée de vaccin Infanrix penta pour les nourrissons « obligeait » à la vaccination avec un vaccin Infanrix hexa qui lui vaccine aussi pour l’hépatite B.

Ainsi, en 2008, Sanofi arrêta brutalement la fabrication de son vaccin Diphtérie Tétanos Polio (dtp), sans aluminium. Reste seulement disponible son Revaxis… qui coûte 65 % plus cher, mais qui contient aussi comme adjuvant de l’aluminium, dont les effets secondaires possibles sont discutés.

Ces décisions des laboratoires pharmaceutiques furent simplement enregistrées par les autorités de santé.

Une association a engagé un recours au conseil d’État contre ces décisions. Celui-ci au vu de la réglementation en vigueur prit un avis en janvier 2017 contraignant le ministère de la santé à mettre à disposition de la population les vaccins obligatoires (le DTP) séparément des vaccins recommandés.

La décision de Madame Buzyn de rendre obligatoire la vaccination pour onze maladies est survenue ensuite. Elle vient de fait entériner les choix de production choisis par les laboratoires et contestés par le Conseil d’État. Si l’on considère que la question de la vaccination des enfants est à déléguer aux firmes pharmaceutiques , rien à redire ; sinon une enquête (journalistes, parlementaires) est justifiée.

Lorsque nous disons que les laboratoires dictent de plus en plus à la population et aux médecins ce que doit être la politique vaccinale, nous le prouvons. Et nous précisons.

Il existe d’un point aveugle rarement abordé et traité : celui de la place et du poids des firmes pharmaceutiques comme Sanofi, GlaxoSmithKline, Pfizer, MSD vaccins filiale de Merck Sharp & Dohme qui produisent et commercialisent ces vaccins. En effet leurs choix industriels et commerciaux s’imposent dans les faits aux autorités de santé au mépris y compris de la réglementation.

Ici, une nouvelle fois, les autorités publiques se sont placées à la remorque des firmes pharmaceutiques. C’est contre le poids des intérêts privés dans les choix de santé publique que nous avons à lutter. Bien sûr toute décision des firmes pharmaceutiques n’est pas mauvaise. Mais leur moteur est le profit à court terme, une logique qui les rend indifférents à investir dans la recherche pour répondre aux questions de la population concernant les principales maladies des pays pauvres et qui y mènent des essais cliniques parfois dangereux . Ils ont aussi à prouver l’efficacité de leurs produits et ceux ci sont efficaces, mais la question politique ne s’arrête pas là. Avoir une confiance aveugle en leurs décisions serait bien sot.

Et, plus encore que les gouvernements précédents sans doute, ce gouvernement néolibéral n’a pas de politique de santé publique indépendante des capitalistes du secteur.

3. Pour une politique de santé publique ! Pour une politique de prévention. Enfin.

Il y a de multiples débats soulevés à cette occasion qui sont à mener. La santé publique concerne tout le monde. Et ce débat ne peut pas être dirigé par les firmes pharmaceutiques.

En voici quelques éléments de contribution à ce débat :

- les méthodes de fabrication des vaccins, l’utilisation de certains adjuvants comme l’aluminium et l’évitabilité de cette utilisation de l’aluminium,

- faire des études sur les effets indésirables des vaccinations, leurs comparaison avec des études dans d’autres pays.

Et pour vendre un vaccins comme pour tout médicament, il y a des mécanismes d ’ "autorisations de mise sur le marché", de recommandations produites. La fixation des prix est objet de négociations entre les autorités sanitaires et les firmes ; certains prix sont très contestables, et ruinent l’Assurance maladie. C’est l’opacité du fonctionnement des instances sanitaires, ses liens avec les capitalistes du secteur qui est à élucider.

Le prix des vaccins et des médicaments devrait en fait être imposé par le gouvernement. Les vaccins à l’utilité indéniable doivent être gratuits.Ce rôle d’une puissance publique serait un début de politique nouvelle.

A l’opposé, la Ministre fut à la tête de la Haute autorité de santé ; elle déclara depuis cette place que si on ôtait de cette institution tous les experts ayant lien avec l’industrie pharmaceutique on se priverait des meilleurs. L’aveu ne fut pas l’occasion d’un grand scandale.

Ce sont des débats de ce type qu’une politique de santé soucieuse du bien commun engagerait. Une autre politique de santé, indépendante des intérêts privés. Pour cela, la remise en cause de la propriété privée dans le domaine de la production de vaccins et de médicaments, s’impose logiquement comme nécessité. Même si de cette nécessité aux moyens de sa réalisation le chemin paraît long encore.

A l’horizon, c’est un service public du médicament que nous voulons, dans la gestion duquel seraient associés les professionnels de santé, les associations de patients, les syndicats, les élus et autres représentants de la population, la sécurité sociale, gérée par les salariés eux même.

En matière de prévention, la question de l’adhésion de la population est essentielle. Elle doit reposer sur l’information la plus large, l’éducation à la santé pour recréer la confiance entre les responsables de la politique de santé publique et le peuple. La calamiteuse campagne de vaccination contre la grippe H1N1 menée par Roselyne Bachelot en 2009 basée sur une communication médiatique paniquarde et le gouffre financier qui a suivi, ont laissé des traces.

Dans ce contexte, rendre obligatoires 8 vaccins supplémentaires qui auparavant étaient seulement recommandés- apparaît comme une décision autoritaire et risque d’être contre-productif dans ce contexte de faiblesse des politiques d’éducation à la santé.

Pour s’attaquer à la perte de confiance grandissante en les politiques de prévention par la vaccination, il faudrait qu’un grand débat public s’engage. Il faut convaincre les parents qui n’en sont plus convaincus. Cela demande du temps, le temps du débat, de la délibération. Cette démocratie qui se meurt sous les coups des néolibéraux, c’est aussi cette absence de débat dont le symptôme est une méfiance ravageuse envers les vaccins.

Commission Santé d’Ensemble !


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