Quelle place du système parlementaire dans les institutions ?

mercredi 7 février 2018.
 

L’antiparlementarisme est une vieille tradition française, et il faut garder la tête froide lorsqu’il s’agit d’en tirer les conséquences, en rappelant que la représentation nationale et la délibération sont les poumons de notre démocratie. Néanmoins, il est évident que la rupture entre le Parlement et les citoyens n’a fait que s’accentuer depuis plusieurs décennies, au point que la participation est passée sous la barre symbolique des 50 % lors du premier tour des élections législatives de 2017. Si l’on compare aux débuts de la Ve République, où la participation a pu dépasser 80 %, et si l’on observe que plus de 60 % des Français sondés ne font plus confiance à leurs parlementaires, on comprend que la réforme est indispensable et urgente. Une transformation de fait s’est effectuée lors des élections législatives de 2017, qui ont vu un renouvellement sans précédent des députés, par la création du groupe paritaire de la République en marche mais aussi par la mutation des groupes traditionnels. La féminisation, le rajeunissement, et dans une moindre mesure la diversification socioculturelle de cette nouvelle assemblée contribuent à la re-légitimation d’une représentation parlementaire devenue plus représentative. Par ailleurs, l’application de la loi sur le non-cumul des mandats, votée sous le quinquennat Hollande, a mécaniquement favorisé ce renouvellement. Enfin, la loi de moralisation votée au début de la présidence Macron, supprimant notamment les emplois familiaux, la réserve parlementaire, et contrôlant les frais de mandat, ainsi que les mesures réglementaires décidées par François de Rugy, président de l’Assemblée nationale, et intégrant par exemple les députés au droit commun des retraites, vont dans le sens d’une réhabilitation des acteurs parlementaires, trop souvent considérés comme des privilégiés.

Ces mesures de réhabilitation symbolique sont-elles suffisantes  ? Bien sûr que non, car c’est fondamentalement la place du système parlementaire dans notre dispositif institutionnel qu’il convient de repenser si l’on veut restaurer la confiance des citoyens dans leurs Assemblées. Dans un système surprésidentialisé, notamment depuis la loi du quinquennat qui a subordonné les élections législatives à l’élection présidentielle, il est indispensable de recrédibiliser le rôle du Parlement. Ce fut d’ailleurs l’esprit de la révision de 2008, qui réduisit l’usage de l’article 49-3 et permit notamment aux Assemblées de fixer elles-mêmes leur ordre du jour, de délibérer sur la base des textes adoptés par les commissions choisies, ou de créer des commissions d’enquête pour les missions de contrôle et d’évaluation. Mais il faut concilier ce rééquilibrage avec le principe d’efficacité, qui est le fondement du parlementarisme dit «  rationalisé  » voulu par les constituants de 1958.

Deux directions se dessinent aujourd’hui. D’abord la réhabilitation symbolique, qui touche essentiellement aux acteurs de la vie parlementaire. C’est entre autres la limitation à trois mandats successifs, qui va dans le sens du renouvellement démocratique, les arguments contraires nous apparaissant à rebours de l’histoire. De même pour l’introduction d’une dose de proportionnelle dans le scrutin législatif (qui existe déjà pour les élections sénatoriales), et qui permettrait une représentation plus équitable des sensibilités politiques.

Mais ce ne serait un véritable rééquilibrage institutionnel que si le seuil de cette proportionnelle dépassait la moitié des élus, ce qui serait alors en contradiction avec le fait majoritaire qui est l’un des fondements de la Ve République.

Quant à la réduction d’un tiers du nombre des parlementaires, elle peut satisfaire l’opinion publique, en réduisant la charge financière de la représentation nationale. Par ailleurs, elle peut se concilier avec un principe d’efficacité législative, en réduisant mécaniquement le temps de la délibération et en rendant les parlementaires plus concernés, au prix de sanctions drastiques contre l’absentéisme. Encore faut-il rappeler que cette productivité accrue aura un coût, celui de l’augmentation des collaborateurs parlementaires.

Ce dernier point fait le lien avec la réhabilitation institutionnelle du Parlement, qui passe par la réforme du processus de délibération. Si l’on se réfère aux travaux des sept groupes parlementaires mis en place à l’Assemblée nationale, on constate la nécessité de travailler plus vite, avec plus de moyens techniques, mais aussi plus de transparence démocratique. Il conviendrait de faire participer les parlementaires à la fabrication de la loi en amont de sa présentation au Conseil des ministres, quitte à réduire ensuite le temps de la délibération, soit en la limitant à la commission ad hoc (comme expérimenté au Sénat), soit à une seule lecture par assemblée, comme c’est déjà le cas pour la moitié des textes, ce qui place d’ailleurs la France dans la moyenne de durée du processus législatif des pays européens.

En amont comme au moment de la délibération, la participation des non-parlementaires pourrait être envisagée, en modernisant le droit de pétition, en introduisant un droit d’ordre du jour ou d’amendement citoyen. On peut même envisager une participation citoyenne aux questions d’actualité, qui mériteraient au passage d’être resserrées et transformées en véritables débats productifs. Enfin, il est essentiel de renforcer le contrôle de l’application des lois, par la multiplication des études d’impact et la création d’un droit de suite parlementaire.

La re-légitimation du travail parlementaire est à ce prix. Et même si l’opinion se focalise sur la réhabilitation symbolique, cette réforme en profondeur sera indispensable pour pérenniser notre système politico-institutionnel.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message