Sur « Le Média », émission No1 de « Dans la gueule du loup » : un foutage de gueule

lundi 9 juillet 2018.
 

Le MEDIA au plus près de la vérité (Jacques Serieys)

Le monde libre avec Aude Lancelin (Debonrivage)

« Le Média »… citoyen interactif humaniste et pluraliste (Debonrivage)

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Alors que les différentes émissions lancées depuis le 15 janvier par « Le Média » peuvent être considérées comme novatrices et positives par leur contenu, une émission semble être très mal partie : « Dans la gueule du loup ». C’est un type d’émission que l’on peut retrouver dans les grands médias dominants qui relève plus de la conversation entre petits-bourgeois d’un salon parisien que d’un débat de fond.

Le Média a lancé jeudi 07/02/2018 sa première émission « Dans la gueule du loup ». On peut écouter l’émission en cliquant sur le lien suivant :

https://www.lemediatv.fr/video/dlgl...

Présentation de l’émission sur le site :

Présenté par Jacques Cotta, c’est le magazine de compréhension des grands phénomènes qui traversent notre société. Au Café de la Gare, politiques, spécialistes et socios sont invités à débattre sans langue de bois pour comprendre.... et agir ! Pluraliste, l’émission invitera des personnalités de tous bords car ce sont les divergences réelles qui créent les vrais débats.

Le premier thème : répartition des richesses et fiscalité

Jacques Cotta reçoit Jean-Frédéric Poisson, président du Parti Chrétien-Démocrate et Sylviane Thassin, maire PS de Bondy.

Mon commentaire

Émission décevante peu claire et bavarde.

Les termes utilisés ne sont pas définis. De quelles richesses parle-t-on ? De quelle fiscalité parle-t-on ? Un thème aussi central, aussi important aurait nécessité une préparation de l’émission donnant à voir une progression beaucoup plus structurée.

Plusieurs problèmes sont mélangés en faisant perdre de vue les notions essentielles.

Dans mon guide pratique des émissions écoutables ou regardables, notées de 0 à 5, je ne mets pas 0 mais généreusement 1 car ce qui est dit n’est pas faux et ne manque pas forcément d’intérêt.

Le problème, c’est que l’on se contente de décrire relativement superficiellement des conséquences du mauvais partage des richesses plutôt que d’analyser les causes profondes et la nature de cette inégalité de partage.

Ainsi on égraine pêle-mêle différents sujets : des acquis sociaux obtenus après la Libération puis une remise en cause de ces acquis, une soi-disant extinction de la classe moyenne, notion floue par excellence, la digitalisation des transactions financières, la captation de rente par les GAFA, le consentement à l’impôt, burnout, etc.

Ce flot de considérations n’aide pas à la compréhension du problème central du partage des richesses mais l’obscurcit.

Alors on me dira : « facile la critique ! Y’a qu’à ! Y’a qu’à ! Alors vous, M. Debonrivage, comment auriez-vous orienté l’émission ? »

En fait, de quel partage des richesses s’agit-il ? En réalité il s’agit du partage de la valeur ajoutée produite par les 28 à 30 millions d’actifs de notre pays. Autrement dit, comment se partagent les 2200 milliards d’euros de PIB entre salaires et profits ?

Une évolution de ce partage depuis ces 50 dernières années aurait dû être évoquée.

Comment s’effectue le transfert des salaires vers les profits ?

Par la stagnation du salaire médian ce qui n’empêche pas par ailleurs une explosion des très hauts salaires des cadres de la finance.

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Mais le partage de la valeur ajoutée entre salaires et profits ne rend pas totalement compte de la mauvaise répartition des richesses produites. En effet si l’on considère la valeur ajoutée produite par exemple par les petites et moyennes exploitations agricoles, l’industrie alimentaire et la grande distribution, le total de cette valeur ajoutée se fait largement au détriment des petites et moyennes exploitations agricoles, notamment dans le domaine de l’élevage.

En effet le prix de vente de certains produits agricoles (particulièrement e lait) aux entreprises agroalimentaires et à la grande distribution est inférieur au coût de production du produit agricole.

D’où la disparition d’un grand nombre d’exploitations, un taux de suicide supérieur de 20 % dans ce secteur, supérieur à la moyenne nationale du taux de suicide. Et80 % des entreprises agricoles survivantes n’arrivent à survivre que grâce aux subventions de l’État ou de la communauté européenne.

Il y a disproportion entre la masse de dividendes distribuée aux actionnaires des secteurs de l’agroalimentaire et de la distribution par rapport aux profits réalisés par les petites et moyennes entreprises agricoles. Ce sont donc les contribuables qui financent les producteurs pour que les gros actionnaires continuent à encaisser les dividendes de leur surexploitation.

Là encore, aucune référence dans l’émission à cette mauvaise répartition des richesses produites.

Par ailleurs, une correction doit être apportée à la statistique du partage salaires/profits, : les très hauts salaires notamment des cadres des comités de direction des grands groupes industriels et financiers sont comptés comme salaires et non comme profits ce qui tend à augmenter artificiellement la masse salariale globale par rapport au profit. En réalité, ces super salaires devraient être aussi considérés comme des profits puisque d’un point de vue économique on peut les considérer comme une forme artificiellement salariale du profit. Il en est de même des supers stocks options.

D’autre part, il aurait fallu aussi aborder la manière dont se partage le profit des entreprises : d’une part en distribution de dividendes et d’autre part en investissement productif dans l’économie réelle.

Il fallait alors traiter de l’évolution de ce partage ces 30 dernières années à l’avantage des dividendes et au détriment de l’investissement productif.

Par quels mécanismes la masse des dividendes augmente-t-elle ?

D’une part par la « modération salariale » couplée à une hausse considérable de la productivité et d’autre part par les revenus des placements financiers.

Et on peut évoquer alors effectivement le Droit dont la législation fiscale favorise « l’investissement financier » plutôt que l’investissement productif. et aussi par la spoliation des producteurs du secteur agricole comme on l’a vu ci-dessus.

Nous n’avons pris ici qu’un exemple mais on pourrait l’étendre non seulement secteur de la pêche mais aussi d’une manière plus générale, aux petites entreprises sous-traitantes de grands groupes industriels et financiers. Ajoutons encore, que les intérêts de la dette payés par les petits producteurs et petits entrepreneurs aux banques contribuent aussi à augmenter les dividendes.

Donc même si l’inégalité du partage des richesses concerne pour l’essentiel le salariat qui constitue 89 % de la population active, un certain nombre de TPE PME et entreprises agricoles sont aussi victimes d’une mauvaise répartition de la valeur produite.

Il aurait alors été possible de donner une extension politique au sujet en mentionnant une reconfiguration possible des rapports de classe : une alliance entre le salariat, et travailleurs indépendants et une partie des petits entrepreneurs. Mais le niveau politique du débat était beaucoup trop bas pour pouvoir se hisser à une telle altitude ! (Observons d’ailleurs que la réalité des rapports de classe n’apparaît que d’une manière fantomatique dans cette émission. Ce n’est qu’en fin d’émission, in extremis, que Jacques Cotta attribuait une cotation publicitaire de label rouge en utilisant ce terme tabou ainsi que celui d’oligarchie ! Ouf ! On a eu un débat de gauche !)

Voilà ce qui était au cœur du sujet

Le droit a contribué à donner plus de pouvoir aux acteurs financiers qu’aux acteurs de la vie économique réelle. (Ingénieurs Chercheurs en recherche-développement en particulier

On aurait pu alors aborder le problème des inégalités croissantes des patrimoines comme a pu d’ailleurs l’étudier Thomas Piketty dans son ouvrage « le capital au XXIe siècle ». La financiarisation de l’économie fait que les revenus du capital croissent plus vite que les revenus du travail.

Par exemple l’affaiblissement continu de l’investissement productif est l’une des causes essentielles du chômage qui est un facteur important pour expliquer la stagnation des salaires. (chantage à l’emploi).

Il ne suffit pas de dire que les 500 premières fortunes de France ont un patrimoine professionnel égal au quart du PIB, encore faut-il être capable de l’expliquer clairement et d’une manière accessible au plus grand nombre. Même remarque lorsque l’on constate que les ménages les 1 % les plus riches ont vu leur revenu augmenté de 50 % ces dernières années.

Il est toujours possible dans une émission grand public d’expliquer simplement certaines notions d’économie comme celle de valeur ajoutée : cela a d’ailleurs été fait lors du JT de 20 heures du média.tv du 12 février. Le journaliste a pris l’exemple concret d’une boulangerie…

Quant à la fiscalité, il aurait fallu parler précisément d’une part de la taxation des revenus du travail et d’autre part de la taxation des revenus du capital et d’en examiner l’évolution.

Il aurait fallu parler des inégalités de taxation à partir du revenu des ménages d’une part et d’autre part des niveaux de taxation selon la taille des entreprises.

La seule référence au programme l’Avenir en commun se situe sur le nombre de tranches d’impôt qui devrait être de 14. Aucun avis des intervenants sur cette question. Or l’Avenir en commun a des propositions très précises sur le partage des richesses qui ne sont pas évoquées ici, comme c’est le cas dans tous les grands médias dominants.

En cliquant sur le lien suivant on accède à l’ensemble des propositions de ce programme concernant le partage des richesses, qui n’a aucun équivalent dans tout autre programme politique sur cette thématique. https://laec.fr/recherche?termes=Pa...

Autre problème : le transfert du coût des cotisations sociales salariales et patronales vers l’impôt depuis 30 ans.

La question du CICE est abordée superficiellement : aucun chiffre sur son montant exorbitant qui a coûté 42 milliards d’euros aux contribuables (plus que les dotations budgétaires de l’État aux collectivités territoriales). On évoque certes son inefficacité en termes d’amélioration des conditions de travail mais on reste muet sur son efficacité très faible en termes de création d’emplois.

On ne met pas en perspective ce CICE dans une politique inefficace d’allégements « des charges sociales » pratiquées par le PS et la droite depuis plus de 30 ans.

Ce sont des dizaines de milliards par an de moins à payer par le grand patronat.

Il aurait ensuite fallu parler de la fraude et de l’évasion fiscale et des moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre. Rappelons que cela coûte au Trésor public un manque-à-gagner compris entre 60 et 80 milliards d’euros par an. On aurait pu invoquer ici le blocage du verrou de Bercy.

Sans écraser l’auditoire par une avalanche de chiffres, il était tout de même nécessaire d’en donner quelques-uns qui puissent mettre en relief clairement les inégalités de revenus, de patrimoine et de fiscalité. Réduire le partage des richesses comme le font souvent un certain nombre de socialistes à un simple problème d’équité ou d’égalité fiscale constitue une escroquerie intellectuelle qui élude le problème du partage du PIB.

De la même manière proposer le revenu universel comme une solution contre les inégalités est une supercherie

Quant au choix des intervenants politiques, l’absence d’un représentant de La France Insoumise me paraît choquante en raison de la nature du thème abordé : le partage des richesses est au centre du programme de LFI avec l’Avenir en commun.

La mise en opposition entre un représentant d’un soutien de Macron et d’un insoumis aurait permis de faire apparaître clairement les divergences de vue et de philosophie politique.

Ce véritable débat n’a pas pu avoir lieu à l’élection présidentielle.

Loin d’éclairer quelconque opposition idéologique entre les intervenants politiques présents l’émission, comme elle le prétend en introduction , conduit à une confusion totale qui s’installe en fin d’émission.

Et on nous ressert presque à l’unanimité le « revenu universel » qui n’est rien d’autre qu’une fumisterie politique dans le contexte actuel où les inégalités de revenus et de patrimoine atteignent des records historiques.

Rappelons que Bernard Arnault qui emploie la compagne de Benoît Hamon comme cadre stratégique responsable des affaires publiques auprès de son secrétariat général, n’est pas du tout hostile au revenu universel.

D’autre part une étude attentive de l’ensemble des médias depuis 2015 montre que le revenu universel a été porté par les médias pour neutraliser le programme porté par Jean-Luc Mélenchon. Son autre utilité a été de combler l’absence totale d’idées du parti socialiste en ayant recours à desidées nouvelles qui, en réalité, ont déjà été formulées et formalisées dès 1952 par le mouvement la Grande Relève. D’autre part ce revenu universel considère comme inévitable un chômage structurel de masse et l’accepte comme un fait accompli, pour des seules raisons de productivité, le remplacement des hommes par des machines. Or ce remplacement devrait être décidé démocratiquement et collectivement pour en mesurer toutes les conséquences positives et négatives sur l’humain.

Ce revenu universel cache donc aussi une attitude de soumission totale à l’ordre capitaliste.

Certes, à terme dans un autre contexte économique et politique, le revenu universel pourrait être l’objet d’un débat intéressant. Mais pour l’instant, il s’agit en fait d’une véritable supercherie qui a été instrumentalisée par le PS.

Alors pluralisme, d’accord, mais si c’est pour rendre invisible ou presque, comme le font les médias dominants, La France Insoumise, non merci !

Je ne partage pas l’idée que le Média soit un porte-voix de LFI, mais encore faut-il que celle-ci puisse apparaître normalement surtout sur des thèmes qui en font sa marque de fabrique.

Et puis, pour le revenu universel, d’accord pour en parler, mais encore faut-il que ce soit un débat contradictoire entre des gens qualifiés (c’est-à-dire connaissant bien le sujet) et non pas un bulletin de propagande masquée du PS..

J’ai expliqué dans plusieurs articles que le revenu universel qui a été l’objet est encore l’objet de réflexion intéressante, a été instrumentalisé par le PS mais aussi par l’ensemble de tous les médias dominants pour neutraliser la visibilité du programme porté par Jean-Luc Mélenchon pendant la présidentielle et même pendant les élections législatives. C’est une véritable machine de guerre idéologique qui a été déployée contre LF I .

Un bon nombre de journalistes (probablement socialiste ou sympathisants de Benoît Hamon qui sont très nombreux à exercer leur métier dans les médias au service de la grande bourgeoisie) ont été étonné et déçu du faible score de 6 % obtenus par Benoît Hamon après un tel déploiement de forces médiatiques.

Mais la lutte continue ! Dès que sur une chaîne privée ou publique, il est question de l’évolution du travail, de la robotisation, de la pauvreté, de la flexibilité du travail, etc. ont vous resservir à, et vous pourrez l’observer, toujours la même plat avec des présentations assaisonnements variées : le revenu universel et jamais l’avenir en commun ! Et aussi sur Le Média ? Oui, un foutage de gueule !

Hervé Debonrivage


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