Services publics : vers le désert français

dimanche 25 mars 2018.
 

Depuis les années 80, on assiste à un repli net des services publics sur tout le territoire. Qu’on en juge : 24% des communes qui possédaient une école l’ont vue fermer, 36% pour les bureaux de poste, 31% pour les perceptions, 28% pour les gares, 48% pour les maternités... Or ce sont essentiellement dans les espaces de faible densité que ces fermetures ont lieu *. C’est l’égalité dans l’accès aux droits qui est en question, ainsi que la capacité de vivre et travailler dans les zones rurales.

Le 17 juillet 2017, Macron déclarait que la ruralité ne demande pas l’’aumône, mais un traitement équitable. Passé maître dans l’art de dire tout et son contraire « en même temps », son traitement des difficultés de la ruralité se manifeste surtout par de la com, comme lors de la conférence des territoires de Cahors où l’on a vu son premier ministre brasser du vent sans répondre aux questions cruciales qui se posent aujourd’hui. Une des plus urgentes est bien celle des services publics, sans lesquels l’égalité des citoyens n’est qu’un vain mot, et sans lesquels aucun développement économique et social ne peut se faire.

La politique d’Emmanuel Macron s’inscrit exactement dans la continuité de ses prédécesseurs : réduire les dépenses publiques pour faire plaisir aux libéraux de Bruxelles. Le discours qui est martelé matin midi et soir est toujours le même : maintenir la qualité du service public partout sur le territoire coute trop cher. Le service public est présenté sous l’angle restrictif du coût, au lieu d’ un choix politique de socialiser des dépenses nécessaires à la satisfaction de besoins bien réels, et donc de répartition des richesses.

Ne quittez pas, internet va vous répondre

Le service public de la « start up nation » devra répondre aux objectifs de la mission CAP 22 : « améliorer la qualité de service » mais surtout « accompagner la baisse des dépenses publiques ». Pour résoudre cette contradiction dans les termes, le gouvernement se donne pour objectif de numériser 100% des démarches administratives. C’est le modèle des « Maisons de service au public », c’est à dire le remplacement des agents par des bornes numériques, déjà largement implanté dans les territoires ruraux. En mars 2017, un rapport du défenseur des droits notait que la dématérialisation des services publics accentuait les inégalités. 13% de la population, parmi les plus précaires, éprouve des difficultés à effectuer des démarches administratives sur Internet. Ces difficultés jouent de façon cumulative pour les territoires ruraux. En effet, il faut y ajouter le faible taux de couverture haut débit des zones rurales.

Blanquer ferme à tout va

L’obsession comptable pèse sur l’ensemble des services publics, qu’ils soient assumés par l’Etat, les collectivités territoriales ou les entreprises publiques. Concrètement, les fermetures se poursuivent. Les territoires ruraux en sont les premiers touchés. Ainsi pour dédoubler les classes de CP en REP+, et faute d’avoir créé le nombre de postes suffisants pour le faire, le ministre Blanquer en ferme des centaines d’autres, et notamment dans les zones rurales. L’argument est bien rodé : les écoles rurales sont beaucoup mieux dotées que les zones urbaines, quand on regarde leur taux d’encadrement. C’est encore une fois la logique du chiffre, et non celle de l’égalité d’accès au service qui prime. Que certains élèves soient amenés à faire une demie heure ou trois quart d’heure de transport pour se rendre à l’école n’entre pas en considération.

Désert médicaux

En matière d’accès à la santé, le constat est inquiétant : Le Conseil national de l’ordre des médecins mettait en évidence en 2015 192 déserts médicaux dans lesquels vivent 2,5 millions de personnes. Il s’agit bien souvent d’un cumul de difficultés : difficulté à trouver un médecin généraliste, impossibilité d’avoir recours à certains médecins spécialistes, éloignement des services hospitaliers de base, et parfois même des pharmacies. Ce sont les communes de densité faible qui sont au premier chef touchés. Ces territoires cumulent les difficultés, car leur population est plus qu’ailleurs âgée et pauvre. Et de fait, les inégalités de santé se creusent. Le signe en est le développement d’une surmortalité dans les départements éloignés des métropoles régionales, et à l’échelle départementale dans les périphéries écartées des villes préfectures.

La fermeture de la maternité de Die en a été un exemple marquant : la fermeture de la maternité et de la chirurgie mettent directement en danger les patient-e-s de ce territoire de montagne. Si on ne peut plus accoucher à l’hôpital de Die, faudra il le faire chez soi faute d’un hôpital proche ? Désorganisant ainsi l’offre de soins, cette décision menace l’hôpital lui même. Ce sont maintenant les urgences qui sont menacées, par manque de médecins urgentistes. Ce cas n’est évidemment pas isolé. Il illustre de façon criante ce qui se passe quand on cesse de développer le service public et qu’on le réduit à sa portion congrue : il finit tout simplement par mourir, tout simplement.

A ces fermetures sèches, il faut ajouter la casse à bas bruit de la qualité du service. C’est le cas par exemple à la Poste avec les réductions des horaires d’ouverture dans les bureaux de poste, la transformation des bureaux de poste de plein exercice en agences postales communales ou en relais de poste, ou à la SNCF où le défaut d’entretien des voies à la SNCF, suppression de personnels en gare, suppression de dessertes réduisent le service avec l’objectif inavouable d’en éloigner les usagers...

Terminus, tout le monde descend

Dans ce contexte, les annonces gouvernementales sur le devenir de la SNCF prennent tout leur sens. Le premier ministre a annoncé qu’il ne suivrait pas les préconisations du rapport Spinetta sur la fermeture des petites lignes. « On ne décide pas de Paris de fermer des lignes de train » sur la base de critères comptables a-t-il assuré, main sur le cœur. Mais on peut tout aussi bien en faire porter la responsabilité aux Régions qui assument déjà le transport de voyageurs sur les lignes régionales. Que le gouvernement ait en tête de leur déléguer la propriété des infrastructures est une possibilité. Qu’il persiste à les abandonner est une certitude. Europe1 a d’ailleurs confirmé que la SNCF travaillait bien à un plan de fermetures de ces lignes. Ces lignes peu fréquentées sont aussi celles où le manque de rénovation est le plus criant. Il n’est donc pas étonnant que face aux retards, suppressions de train, services dégradés par cet abandon, les usagers s’en détournent. Compte tenu de l’enjeu climatique, une telle politique n’est pas seulement une erreur. C’est aussi une faute.

On ne peut répondre à l’urgence climatique et à l’urgence sociale par la main invisible du marché et par la concurrence. Pas plus dans les territoires ruraux que dans les autres territoires oubliés de la République l’abandon des services publics n’est une solution. Lutter pour leur défense est une nécessité !

Laurence Pache


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