Rapport Borloo. Les quartiers «  prioritaires  » le sont-ils vraiment pour Macron  ?

mardi 1er mai 2018.
 

Le rapport Borloo, destiné à construire «  une nouvelle saison  » de la politique de la ville, est remis aujourd’hui au premier ministre. Au même moment, les maires et associations, réunis en états généraux, préviennent qu’ils refuseront toute «  mesure gadget  ».

Les élus et les associations de banlieue ne lâchent pas l’affaire. Ils se réunissent à nouveau, cet après-midi, à Paris, pour appeler à un «  sursaut des institutions de la République  » dans les quartiers populaires. Avec près de 1 000 inscrits, cet événement s’annonce aussi important que celui de Grigny, au mois d’octobre. C’est dans cette ville populaire de l’Essonne que fut lancé un premier cri d’alarme de ces acteurs de terrain après un été meurtrier pour la politique de la ville (gel de crédits budgétaires, suppression de nombreux emplois aidés). Leur mobilisation, à l’automne, avait déjà payé. L’«  appel de Grigny  » a en effet poussé le président de la République à lancer, lors de son discours de Tourcoing, à la mi-novembre, une «  mobilisation nationale pour les villes et les quartiers  ». Dix groupes de travail, mêlant les maires de banlieue, acteurs associatifs et services de l’État, ont été mis en place pour élaborer des propositions sur la formation professionnelle, l’emploi, l’éducation, la lutte contre les discriminations, le sport et la façon de changer l’image des quartiers. Jean-Louis Borloo, un artisan majeur de la rénovation urbaine au milieu des années 2000, devait se nourrir de leurs préconisations pour préparer un nouveau plan de bataille destiné à «  coconstruire  » une «  nouvelle saison  » de la politique de la ville.

42 propositions avancées

Après de multiples reports, le gouvernement a finalement annoncé hier que le rapport Borloo, tant attendu, serait officiellement remis aujourd’hui au premier ministre. La mobilisation a une nouvelle fois payé. Mais reprendra-t-il à son compte les 42 propositions élaborées par cette coopération inédite entre les institutions, les élus, leaders associatifs et représentants du tissu économique  ? Ses déclarations jusqu’ici, semblent attester d’une certaine ambition. Le nouveau plan de bataille doit selon lui être à la hauteur du premier plan de rénovation urbaine (PNRU) et de ses «  48 milliards d’euros  ». «  On n’a fait que la moitié du boulot. Il y en a autant à mettre pour qu’il y ait de la fluidité dans toutes les agglomérations  », explique Jean-Louis Borloo.

Pour savoir si ces envolées seront suivies d’effets, il faudra attendre le comité interministériel des villes et un discours présidentiel prévu entre mai et juin. Détail important, ce rapport est remis au locataire de Matignon et non au président de la République, comme cela fut un temps annoncé. Certains conseillers, à l’Élysée, ont déjà pris leurs distances avec le rapport Borloo, qui n’aurait pour but, selon eux, que d’«  alimenter la réflexion du président  »…

« La mobilisation ne va pas s’arrêter avec la remise du rapport. Ce n’est qu’une mi-temps  », prévenait, hier, Philippe Rio, maire PCF de Grigny. «  Nous, élus et associations, avons été les chevilles ouvrières de cette mobilisation, nous avons travaillé pendant six mois pour faire des propositions et nous voulons aussi être associés à leur mise en œuvre. On continue  », poursuit cet élu, administrateur de l’association Ville et Banlieue.

Avec quels moyens ?

Comme d’autres élus, il refusera toute «  mesure gadget  » et demande «  le retour des politiques de droit commun dans les quartiers populaires  ». Selon Philippe Rio, la politique de la ville, qui représente 0,42 % du budget de l’État a trop souvent servi de prétexte à un retrait des services publics. À Sevran, où le maire, Stéphane Gatignon, vient de démissionner, les créations de zone de sécurité prioritaire n’ont pas empêché les effectifs de policiers de fondre, passant de 122 policiers en 2001 à 79 aujourd’hui. À Grigny, où 50 % des élèves scolarisés sortent du système scolaire sans diplôme, l’éducation et la formation sont la mère des batailles. Un grand projet éducatif, récemment lancé à titre expérimental dans cette ville, s’est traduit par une augmentation de 20 équivalents temps plein dans les établissements scolaires. Généraliser cette politique pose irrémédiablement la question des moyens. Il y aurait encore beaucoup à faire, selon Philippe Rio. «  Notre ville compte deux fois plus d’enfants que d’autres communes, ce qui entraîne un surcoût en termes d’éducation. Or, l’État ne prend pas cela en compte lorsqu’il alloue les budgets en la matière.  » Seulement voilà, le ministère de la Cohésion des territoires a refusé que ces questions financières soient abordées dans les groupes de travail. Au grand dam de l’association Ville et Banlieue qui demande toujours que les communes comprenant des quartiers prioritaires échappent à la règle d’or qui limite à 1,2 % la hausse des dépenses des collectivités.

Pierre Duquesne

Journaliste, L’Humanité


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