Valérie Gramond «  Nous vivons au-dessus de nos moyens écologiques  »

mardi 22 mai 2018.
 

Environnement. . Samedi 5 mai, c’est le «  jour du dépassement français  ». À cette date, nous aurons dépensé trois fois plus qu’il ne faudrait pour respecter la régénération de la planète. Entretien avec une dirigeante de WWF.

«  Si le monde vivait comme les Français, dès le 5 mai, nous aurions déjà consommé l’ensemble des ressources naturelles que la planète peut renouveler en un an  », révèle, ce vendredi, un rapport de WWF réalisé en partenariat avec Global Footprint Network, organisme de recherche international qui a développé l’indicateur de l’empreinte écologique. Un calcul inédit et effrayant.

Samedi 5 mai, la France a commencé à être en déficit écologique. Pouvez-vous expliquer ce que cela signifie  ?

Valérie Gramond Cette date représente le «  jour du dépassement  » de l’empreinte écologique de la France. Cela signifie que, en seulement quatre mois, nous aurons consommé pour nous alimenter, nous chauffer, nous loger et nous déplacer plus de ressources naturelles que la planète peut fournir. Nous vivons donc à crédit. Si la planète était une entreprise ou un ménage, elle serait en faillite ou interdite bancaire. Cela nous fragilise, menace la stabilité économique et, au final, la survie même de l’humanité. Si on poursuit à ce rythme, dans seulement trente ans, il n’y aura plus un seul poisson dans les océans  ! Par comparaison, si toute l’humanité émettait autant de carbone, consommait autant de terres et d’alimentation, et utilisait autant de terrains bâtis que les Français, elle aurait aujourd’hui besoin de l’équivalent de quasiment trois planètes Terre pour subvenir à ses besoins. Un résultat bien au-dessus de la moyenne mondiale, qui se situe autour de 1,7 Terre.

Ce calcul est fait chaque année à l’échelle de la planète. Pourquoi l’avoir appliqué à la France aujourd’hui  ?

Valérie Gramond Nous avons voulu calculer le train de vie de la France à un moment politique clé, où plusieurs mesures et projets de loi, en lien avec la transition écologique, sont attendus (sur l’alimentation, la mobilité, l’énergie). Ces textes, très structurants, peuvent faire la différence et pourraient inverser la tendance. À condition d’avoir une vraie volonté politique. Et pour cela, il faudrait définir des objectifs plus ambitieux. Ce qui serait normal pour un pays qui se veut le garant de l’accord de Paris et devrait être exemplaire en la matière…

Ce calcul, enfin, c’est aussi un moyen de faire prendre conscience que nous ne sommes pas en phase avec la nature. Il faut nous reculer, inventer un nouveau mode de croissance qui soit déconnecté des énergies fossiles. Mais on a l’impression que les citoyens y sont plus prêts que les politiques.

Des solutions existent pourtant pour produire et consommer autrement  ?

Valérie Gramond Tout n’est pas perdu. Les solutions sont connues. Et les Français y sont de plus en plus favorables  : cela passe par le développement du bio, la généralisation des énergies renouvelables, le développement des transports en commun, des mobilités douces, etc.

On a lancé une étude, il y a quelques semaines, montrant qu’un ménage avec deux enfants pourrait diminuer de 38 % ses émissions de gaz à effet de serre en modifiant ses pratiques.

Quid des freins économiques  ?

Valérie Gramond On craint en effet une pression des lobbies. C’est pourquoi nous discutons avec toutes les parties prenantes. Nous sommes dans un plaidoyer intense avec le gouvernement car nous craignons que le compte n’y soit pas.

Nous discutons aussi avec les entreprises, notamment celles qui engendrent les plus gros impacts, pour qu’elles transforment leurs comportements. Certaines ont compris qu’un monde plus chaud de 2 °C correspondrait à de nouveaux marchés, et préfèrent anticiper ce réchauffement que de subir des contraintes.

Entretien réalisé par Alexandra Chaignon, L’Humanité


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