Mexique (présidentielle, législatives, régionales et municipales) : raz de marée pour la gauche et López Obrador

samedi 14 juillet 2018.
 

A) Mexique. La gauche au pouvoir avec la victoire historique de Lopez Obrador (L’Humanité)

Andrés Manuel Lopez Obrador a obtenu une large victoire dimanche à l’élection présidentielle mexicaine, offrant un premier succès historique à la gauche, dans un pays confronté à une vague de violences sans précédent. Selon une estimation officielle, l’ancien maire de Mexico obtiendrait entre 53% et 53,8% et des voix, devant le jeune conservateur Ricardo Anaya avec environ 22% des voix, et Jose Antonio Meade, du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), le parti au pouvoir, avec environ 16%.

Ses deux rivaux ont rapidement reconnu leur défaite et l’ont félicité pour sa victoire. Le président américain Donald Trump a également félicité Lopez Obrador et s’est dit "prêt à travailler" avec lui. "Il y a beaucoup à faire pour le bien à la fois des Etats-Unis et du Mexique !", a tweeté Trump, dont la politique commerciale et sur l’immigration a plongé les relations avec son voisin mexicain au plus bas de leur histoire.

Lopez Obrador lui a répondu qu’il souhaitait une relation d’"amitié et de coopération" avec les Etats-Unis, après avoir promis au pays "des changements profonds" et "sans dictature". Pour la première fois de l’histoire moderne du Mexique, la gauche accède à la présidence. "C’est un jour historique", avait lancé dans la matinée à la presse le futur président, surnommé "AMLO", ses initiales, avant de voter à Mexico, promettant de lutter contre la corruption et chasser la "mafia du pouvoir". Après deux échecs successifs, ce vétéran de la gauche, âgé de 64 ans, obtient un succès sans précédent au niveau national, mais également régional et local, en décrochant au moins six postes de gouverneurs sur les neuf en jeu, avec son parti, le Mouvement de régénération nationale (Morena).

Le Morena s’imposerait dans les Etats de Veracruz, Morelos, Puebla, Chiapas, Tabasco ainsi qu’à Mexico. Et pour la première fois, une femme, Claudia Sheinbaum, scientifique de 56 ans et fidèle de "AMLO", sera à la tête de la mégapole mexicaine aux plus de 20 millions d’habitants. Avec ses alliés, Lopez Obrador, qui prendra ses fonctions en décembre prochain, obtiendrait une majorité à l’Assemblée, avec au moins 250 sièges de députés. Plus de 18.000 mandats, dont 128 sénateurs, étaient également en jeu.

Après l’annonce des résultats, Lopez Obrador est apparu au balcon de son parti pour saluer ses partisans, vêtu d’un costume sombre, avant de se rendre en voiture à son QG de campagne, suivi de nombreuses motos de presse. "Président ! Président !" scandaient ses supporters dans le centre historique de la capitale, agitant des drapeaux mexicains.

Lopez Obrador aura su capitaliser sur l’exaspération d’une grande partie des Mexicains, et se présenter en candidat des plus modestes, bien décidé à chasser "la mafia du pouvoir", incarnée par l’impopulaire président Enrique Peña Nieto. "Pour la première fois, l’histoire s’écrira du côté des pauvres", se réjouissait Salvador Sanchez, 82 ans, devant le bureau de vote du candidat, plus tôt dans la journée.

Lopez Obrador devra affronter des défis gigantesques : en plus de lutter contre la corruption, il devra tenir sa promesse de "remettre à sa place" le président Trump, qui a menacé de rompre l’Accord de libre-échange avec le Mexique(Aléna), et estime que le Mexique "ne fait rien" contre l’immigration clandestine venue d’Amérique centrale. Tout au long de la campagne, la violence a été au coeur des débats, mais elle a aussi touché de nombreux candidats ou militants sur le terrain. Le processus électoral est déjà considéré comme "le plus sanglant" de l’Histoire du Mexique, avec au moins 145 assassinats d’hommes politiques - dont 48 candidats ou pré-candidats -, selon le cabinet d’études Etellekt.

Dimanche, au moins deux militants ont été abattus, un militante du Parti des Travailleurs (PT, opposition) dans l’Etat du Michoacan (ouest), et un autre du PRI, dans l’Etat de Puebla (centre).

Plus de 200.000 personnes ont été tuées dans le pays depuis 2006 et lancement de la guerre contre le narcotrafic à l’aide de l’armée. "AMLO" a promis d’éradiquer la pauvreté qui alimente ces violences, et promis une amnistie controversée aux petites mains des groupes criminels, dans l’espoir de ramener la paix sociale dans le pays.

Source : https://www.humanite.fr/mexique-la-...

B) Au Mexique, victoire historique du vétéran de la gauche (Libération)

La victoire écrasante d’Andrés Manuel López Obrador à l’élection présidentielle et de son parti, Morena, aux élections législatives, régionales et municipales, ne constituent une surprise pour personne, pas même pour les deux formations politiques qui ont monopolisé le pouvoir et les reçoivent comme un camouflet, le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) et le Parti d’action nationale (PAN). Trois mois durant, le vétéran de la gauche mexicaine, qui a emporté l’élection de dimanche avec environ 53% des suffrages, selon une estimation officielle, s’est non seulement maintenu en tête des sondages, mais aussi dans une ascension constante, gagnant les suffrages de beaucoup d’indécis et de certains de ses anciens détracteurs, pendant que ses adversaires stagnaient irrémédiablement loin derrière pendant toute la campagne.

Beaucoup diront que López Obrador a su profiter de la tombée en disgrâce des partis qui ont toujours gouverné, que sa victoire est le fruit d’un désenchantement des Mexicains envers ce système d’alternance qui n’a résolu aucun des grands problèmes du pays, ni la corruption, ni la violence et encore moins la pauvreté, et que le ras-le-bol, plus qu’un homme, a gagné ce dimanche.

Discours anti-corruption

En réalité, l’arrivée d’Amlo (ses initiales) au plus haut échelon du pouvoir n’est pas le fruit d’une irruption soudaine dans le paysage électoral. Le discours anti-corruption de cet homme de 64 ans est le bruit de fond constant de la vie politique mexicaine depuis douze ans. À mesure que les scandaleuses affaires des gouverneurs du PRI détournant l’argent public s’accumulaient en couvertures des journaux, que la violence s’étendait à travers le pays au point de faire de 2017 l’année la plus meurtrière de son histoire récente – avec plus de 28 000 meurtres - et que le gouvernement du président Enrique Peña Nieto donnait tous les signes d’une incompétente paralysie, ce bruit de fond s’est mué en un appel indispensable et assourdissant. López Obrador s’est imposé. Le politicien du Tabasco, issu des files du PRI qu’il a quitté pour participer à la refondation de la gauche dans les années 1980, est devenu, aux yeux de beaucoup de Mexicains, l’incarnation palpable de son message : l’incorruptible, l’austère, le justicier social, le politicien qui ne rentre pas dans le moule. De lui-même, il dit qu’il n’est pas là pour s’en mettre plein les poches mais pour défendre l’intérêt du pays.

López Obrador a préparé sa victoire de dimanche quand il est entré en campagne pour la présidentielle de 2006, dont il a contesté la victoire, frauduleuse selon lui, attribuée à Felipe Calderón, avec une marge minimale de 0,56% de différence. Après cet épisode qui l’a poussé à occuper avec ses supporters durant sept semaines l’avenue Reforma de Mexico et s’autoproclamer le « président légitime », Amlo a tracé lentement son chemin. Littéralement, géographiquement, à travers le Mexique, qu’il a parcouru du long en large. Il a été moqué comme un radoteur aigri, un rancunier qui avait mal digéré son échec de 2006. En 2012, il n’était pas en mesure d’arrêter le rouleau-compresseur médiatique Peña Nieto qui signait le retour du PRI au pouvoir, après douze ans de gouvernements du PAN.

Projet nationaliste de gauche

En 2014, une abjecte affaire de barbarie et de corruption a secoué le pays et marqué un point de non-retour dans la vision qu’ont les Mexicains de leur classe politique : la disparition de 43 étudiants dans l’Etat du Guerrero aux mains de la police municipale et des autorités locales de la ville d’Iguala, complices d’un cartel local. Le président et le gouvernement fédéral ont détourné le regard, dans un geste d’insensibilité que les Mexicains continuent de leur reprocher. Les étudiants n’ont toujours pas été retrouvés et l’enquête a été entachée de multiples irrégularités. L’idée de se chercher un président qui soit à la hauteur des enjeux du pays s’est faite de plus en plus pénétrante.

Puis, alors que l’ombre grandissante d’un certain Donald Trump s’abattait sur le pays, avec ses menaces de murs, d’expulsions de migrants, et de sanctions commerciales, rapetissant encore davantage la stature de Peña Nieto, le projet nationaliste de gauche de López Obrador a gagné de nouveaux adeptes. « Les Mexicains sont prêts pour un vrai changement », déclarait à la presse celui qui n’était encore que le candidat de la gauche, quelques instants après avoir voté dimanche matin. Fidèle à sa réputation de lève-tôt, le favori est arrivé au bureau de vote qui lui correspondait, dans le sud de Mexico, une demi-heure trop tôt, bavardant avec les journalistes devant les grilles fermées.

Les chantiers qui l’attendent à la présidence, qu’il occupera à partir du 1er décembre, sont incommensurables : insécurité, mainmise du crime organisé sur des régions et des pans entiers de l’économie, inégalités, corruption endémique, éducation déficiente, rejet des institutions et défiance à l’égard de la classe politique… Certains aspects du programme de López Obrador restent un mystère aux yeux des Mexicains. Mais, mieux que quiconque, il leur a transmis l’assurance qu’il se sentait concerné par les problèmes du pays et qu’il avait, plus que n’importe quelle ambition, celle d’être « un bon président ».

Source : http://www.liberation.fr/planete/20...

Emmanuelle Steels Correspondante à Mexico


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