Mexique : air d’insoumission au sud du Rio Grande

mardi 24 juillet 2018.
 

Plus de 30 millions de Mexicains ont voté le 1er juillet 2018, pour Andres Manuel Lopez Obrador (dit « AMLO », candidat du mouvement MORENA, 53 % des suffrages) et l’ont porté à la présidence de la République. Il a largement devancé les candidats de droite Ricardo Anaya (PAN, 22 %) et Jose Meade (du parti historique PRI, 16 %). Le Mexique entre ainsi dans une nouvelle ère politique. Toutefois, le nouveau président, qui entamera son mandat en décembre, hérite d’un pays gangrené par les inégalités et la pauvreté (41 % des Mexicains vivent sous le seuil de pauvreté), la violence (23 homicides pour 100 000 habitants contre 0,6 en France) liée notamment au trafic de drogues, et la corruption.

Le nom du mouvement MORENA montre l’ambition du premier président progressiste du Mexique : Mouvement de régénération nationale. L’ambition n’est pas d’être une simple alternance mais de recréer la Nation. Le premier défi est la lutte contre la corruption et la démocratisation des institutions : la souveraineté populaire doit être effective et être inscrite dans la Constitution. De vastes réformes sont nécessaires pour lutter contre les conflits d’intérêt, l’évasion fiscale et les paradis fiscaux, et modifier le code pénal pour enfin s’attaquer aux anciens hiérarques. Une refonte totale de la police et du système judiciaire se prépare.

Deuxième enjeu : le changement du modèle de développement économique. Un plan d’investissement est prévu pour la transformation écologique par la production d’énergie renouvelable mais aussi les transports collectifs et l’accès à l’eau potable. AMLO propose d’annuler la politique d’ouverture à l’investissement étranger dans le secteur pétrolier et de revenir au modèle 100 % public pour l’entreprise nationale PEMEX pour que ce secteur clé soit guidé par l’intérêt général. Le partage des richesses serait assuré par la forte hausse du salaire minimal (+15 %) et la généralisation des négociations collectives de branche annuelles sous la tutelle de l’Etat.

Le troisième enjeu sera celui des relations avec les Etats-Unis. Trump menace de construire un mur le long de la frontière et de rompre de façon unilatérale les traités commerciaux existants entre les deux pays, le Mexique a besoin d’un dirigeant qui défende les intérêts populaires. Or, au moment où Trump joue l’excès et l’insulte vis-à-vis de ses voisins du sud du Rio Grande, les mexicains semblent répondre par la solidarité et le partage. Une belle leçon d’insoumission.

Luis Alquier


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