Macron veut redéfinir le rôle de l’entreprise dans le code civil

dimanche 19 août 2018.
 

A) Redéfinir le rôle de l’entreprise jusque dans le Code civil (L’Humanité)

Vendredi, la ministre du Travail a réuni plusieurs membres du gouvernement, les responsables syndicaux et patronaux pour lancer un chantier de réforme visant à repenser et transformer en profondeur l’entreprise.

« Le retour sur investissement des actionnaires est indis­pensable, mais il ne doit pas être la seule raison d’être de l’entreprise  », a lancé en ouverture de la réunion qu’elle présidait vendredi la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a renchéri  : «  L’entreprise est le lieu de la création de richesses et de profits. C’est le premier objectif de l’entreprise. Sans profits, l’entreprise ne survit pas, n’innove pas.  » À l’inverse, Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire, a souhaité «  réaffirmer que le but ultime de l’entreprise doit être l’épanouissement humain  ». Un grand écart sémantique qui fait craindre à David Dugué, représentant la CGT à cette réunion, qu’on ne soit que dans la communication  : «  On a du mal à comprendre comment on peut entamer une discussion de fond sur les entreprises sans commencer par les salariés. On n’a même pas reçu le questionnaire préalable qui a été envoyé aux autres pour préparer cette réunion…  »

«  Un projet de loi déjà grandement gravé dans le marbre  »

La loi pour la transformation des entreprises, dite loi Pacte, devrait être adoptée avant la fin d’année 2018. C’est en tout cas ce que réclame le président de la République. Le projet a été étudié en Conseil des ministres au printemps. Jean-Dominique Senard, patron de Michelin, et Nicole Notat, ancienne secrétaire générale de la CFDT et PDG de Vigo Eiris, ont rendu leurs recommandations le 1er mars. «  Ils ont l’air extrêmement déterminés, a analysé David Dugué au sortir de la réunion. Après les ordonnances, on reste extrêmement prudent sur leur volonté d’entendre tout le monde.  »

Rapport Notat- Senard sur la réforme de l’entreprise : quels enjeux ?

La loi entend laisser aux entreprises la possibilité d’adopter un objet social différent. Il va pour cela falloir changer le Code civil. Nicole Belloubet, ministre de la Justice, en a bien conscience  : «  On a bien déjà changé le Code du travail, alors pourquoi pas le Code civil… Il ne faut rien s’interdire.  » Les entreprises y sont pour l’heure définies sous le prisme de la réalisation de bénéfices, dans le seul intérêt des actionnaires. Et Nicolas Hulot veut intégrer dans le statut des sociétés les questions sociales et environnementales, et permettre «  la création d’entreprises à mission, des fondations actionnaires et sociétés à objet social étendu… Je suis là pour adapter l’entreprise aux besoins de l’homme, et pas l’homme aux besoins de la finance  ». Une déclaration qui a donné des sueurs froides à Pierre Gattaz, patron du Medef, rapidement rassuré par les autres ministres qui ont annoncé leur préférence pour le volontariat. «  Je suis content d’apprendre qu’on pense à de nouvelles formes d’entreprises, mais ce qui n’est pas évoqué ici ce sont les fonds de pension, a alerté David Dugué. Les fondations, c’est une chose, mais les fonds de pension sont en embuscade.  »

Renforcer le partage de la gouvernance avec les syndicats ?

Bruno Le Maire a assuré aussi vouloir mieux associer les salariés au fonctionnement et aux résultats de l’entreprise. «  Il faut simplifier dans le droit l’intéressement et la participation, aujourd’hui trop compliqués et peu intéressants pour les PME. 100 % des salariés devront à terme être couverts par un accord d’intéressement  », assure le ministre. «  Compte tenu des conséquences possibles de ces rémunérations sur le financement de la protection sociale, nous préférerons toujours les hausses de salaires  », a rétorqué Jean-Claude Mailly, de FO, qui a rappelé qu’un projet de désindexation totale ou partielle du Smic était aussi sur le bureau du ministre de l’Économie… «  La répartition des richesses, c’est important, mais 72 % des salariés que nous avons interrogés veulent également être davantage associés aux prises de décisions stratégiques de l’entreprise  », a insisté Laurent Berger, de la CFDT. La CGT et FO ont rappelé avec ironie que les instances représentatives du personnel comme les syndicats étaient tout indiqués pour renforcer la gouvernance partagée et participer aux décisions stratégiques des entreprises, mais que les ordonnances venaient de les affaiblir terriblement.

Pierric Marissal, L’Humanité

B) La définition de l’entreprise dans le code civil sera modifiée (Le Figaro)

Dans leur rapport, Notat et Senard préconisaient d’amender l’article 1833 du code civil, rédigé à l’époque napoléonienne, pour y ajouter les "enjeux sociaux et environnementaux" et l’"intérêt propre" de la société, et suggéraient aussi de faire évoluer le code du commerce pour y introduire une "raison d’être" de l’entreprise. "Nous serons vigilants pour que la rédaction retenue n’introduise pas d’insécurité juridique", a assuré Le Maire, alors que les organisations patronales craignaient une multiplication des contentieux en cas de modification du code civil.

Le ministre a par ailleurs annoncé que le gouvernement souhaitait "que toutes les entreprises de plus de 1000 salariés puissent désormais avoir dans leur conseil d’administration un représentant des salariés", ce qui inclurait donc les mutuelles et les entreprises de l’économie sociale et solidaire. Sur l’intéressement et la participation, Le Maire a confirmé vouloir abaisser "le plus possible le forfait social" appliqué sur ces dispositifs, espérant voir le taux d’entreprises de moins de 50 salariés à en faire de 16% actuellement à "30% dans des délais relativement courts". Il n’a toutefois pas donné plus de détails sur cette baisse.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message