Billet d’humeur : Non, les "éléphants" du parti socialiste n’ont pas trahi Ségolène Royal !

mercredi 6 juin 2007.
 

L’élection présidentielle 2007 présente un aspect particulier pour le parti socialiste. Des adhérents récents ( disons de 1 à 3 ans) se vivaient depuis les débats internes d’investiture comme les "Monsieur propre" de la gauche : ceux qui allaient laver 2002, ceux grâce à qui Ségolène Royal allait être élue présidente de la République, ceux grâce à qui elle prendrait la direction politique du parti socialiste. Des cadres locaux nombreux se voyaient aussi comme ceux grâce à qui les vieux dogmes socialistes liés au mouvement ouvrier allaient être mis à la poubelle de l’histoire pour le grand vent médiatique à l’américaine ; pour certains simples militants c’était l’inverse...

Ils se vivaient tous du bon côté, du côté propre, blanc ; les autres socialistes, moins habitués à être des béni-oui-oui étaient vite vécus comme des traîtres puisqu’un seul shéma structurait le monde et la pensée : hors de Ségolène, point de salut. Depuis le 6 mai, se posent évidemment quatre questions plus complexes :

- comment défendre les acquis sociaux et républicains face à Sarkozy ?

- comment emporter les législatives ?

- quel bilan de la campagne ?

- quel parti socialiste, quelles alliances et quelle gauche pour les années à venir ?

Pour le moment, plutôt que d’avancer quelques prémices de réponse, des animateurs du réseau "ségoléniste" laissent se développer une affirmation simple et gratuite : ce sont les éléphants qui ont trahi notre candidate. Comment comprendre autrement les sifflets parisiens à l’encontre de Lionel Jospin et de Dominique Strauss-Kahn ?

N’ayant jamais été, en 26 ans d’adhésion au parti socialiste, mitterrandiste, rocardien, jospinien, fabiusien, strausskahnien... je ne défends absolument pas l’orientation politique ou le parcours de ces dirigeants. J’essaie de m’en tenir à la réalité des faits, à savoir que les prendre comme bouc émissaire n’a aucun sens. Les deux questions centrales aujourd’hui sont quelle orientation politique et quelle gauche ? Or, les mêmes ségolénistes qui dénoncent les éléphants expliquent souvent qu’ils sont pour une alliance avec le mouvement démocrate de Bayrou puis un parti, allant du centre à la gauche réformiste. Etant quotidiennement confronté à ce propos, le lecteur me permettra de les interpeller gentiment.

Votre accusation n’est pas raisonnable pour plusieurs raisons :

- premièrement parce que ce n’est pas vrai et que vous le savez bien. Le parti socialiste compte beaucoup d’élus parfaitement conscients du lien entre le résultat des présidentielles et celui des législatives, municipales, cantonales, sénatoriales. Les "courants" sont structurés autour de ces élus et fonctionnent comme lieux de promotion et de défense d’élus. Aucun dirigeant du parti socialiste n’avait donc intérêt à une défaite le 6 mai.

- deuxièmement parce que vous auriez pu attendre que les législatives soient passées.

- troisièmement parce qu’une bonne analyse de la défaite sera un élément important de la revanche et qu’elle demandera de prendre en compte des éléments plus complexes qu’un racontar de café du commerce. Le parti socialiste comme la gauche auraient même bien besoin ensuite d’une réflexion approfondie sur le bilan de la stratégie et de l’action menées depuis 40 ans.

- quatrièmement parce que vous cherchez ainsi, d’entrée, à donner un réflexe de Pavlov claniste aux "nouveaux adhérents" et que l’idéal socialiste mérite mieux.

- cinquièmement parce que je dois bien constater que certains "nouveaux adhérents" sont déjà persuadés que cette histoire de trahison représente la "vérité révélée". Cela leur plaît généralement (de même parfois qu’à de plus anciens adhérents) parce qu’ils ont besoin d’une explication pour se réconforter.

Jean Luc Mélenchon racontait hier sur son blog comment il a dû affronter le même type de bêtise de la part de "raéliens roses" de Gironde où il contribuait à la campagne pour les législatives. En voici un extrait :

« La sauterelle bleue » c’est le titre du bouquin de Jean-Marie Darmian, maire de Créon en Gironde. Un bouquin gentil et tendre sur une enfance à Sadirac en pays girondin. Jean-Marie me l’a offert à la fin du repas chez lui avant qu’on aille tenir la réunion à Créon avec Martine Faure la candidate à la députation ( www.martine-faure.net ). Elle, c’est une maîtresse femme que les gens appellent par son prénom où qu’on aille. Je me demande si quelqu’un pourrait la sécher à propos d’un détail sur ce coin ci. Je pense qu’elle sait tout sur tout. Et le reste c’est Jean Marie qui le sait en plus. Heureusement qu’elle à de l’énergie : il y a 10 cantons et 172 communes sur la circonscription...

Eux m’ont ménagé. Juste trois réunions dans la journée et les deux repas entre camarades. Au passage je grappille des savoirs et des informations. Par exemple je n’avais jamais vu une borne de consultation en visiophonie avec la Caf. Ca se passait dans une maison associative qui non seulement offre un point d’accès à tous les services publics mais réalise un accompagnement humain des personnes qui cherchent quelque chose dans le maquis administratif. Tout ça rend possible une économie de temps, de stress et de déplacements inouïs.

Le soir c’était le meeting à Coutras, cité cheminote qui a le cœur tout à gauche. Philippe Plisson est élu pour représenter le Parti Socialiste dans une circonscription que représentait jusque là Bernard Madrelle. Salle comble. On se serre les coudes. Ambiance fraternelle à l’ancienne.

Mais juste à la fin, avant de se séparer deux excités viennent me serrer de près pour me demander pourquoi « le parti n’a pas soutenu la candidate ». Un des deux exaltés me dit « tu as vu le Nord ? Le Nord vote à droite maintenant ? Ce n’est pas possible. C’est un coup monté » et ainsi de suite. Avec en refrain « Jean-Luc écoute la base ! La base dit que ça suffit les éléphants et les trahisons ». Et ainsi de suite. En fait de base il s’agit de deux raëlliens.

On ne les reconnaît pas tout se suite sinon à leur air exalté et au fait qu’ils parlent en répétant tout le temps la même phrase quoiqu’on réponde. C’est à vomir. Voila le résultat du petit jeu de la dénonciation de « la trahison » comme explication de la défaite. Sur le terrain nous sommes livrés à la merci d’illuminés plutôt malveillants et limite violents qui prennent cette calomnie pour un fait et nous serrent de ...très près. L’explication d’un résultat éléctoral est un enjeu idéologique. L’argument de la trahison est faux, illusoire, et ...dangereux"


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