La protection sociale au Cap-Vert : le petit archipel des grandes idées

jeudi 23 août 2018.
 

Quand il s’agit d’établir des socles de protection sociale, peu de pays d’Afrique peuvent rivaliser avec l’engagement et les résultats du Cap-Vert.

Au large de la côte Ouest de l’Afrique, cet archipel est connu dans le monde entier pour sa musique traditionnelle rendue populaire par des chanteurs comme Cesária Évora.

Mais, récemment, ce pays insulaire est devenu célèbre pour une autre raison importante – son système de protection sociale.

Selon un document de synthèse publié par le Département de la protection sociale de l’Organisation internationale du Travail (OIT), plus de 90 pour cent des personnes âgées du Cap-Vert perçoivent une pension, si l’on cumule les couvertures des régimes contributif et non contributif.

« Grâce à la pension que je touche, je peux payer l’eau courante... et aussi ma facture de téléphone. »

Maria Afonso est une retraitée de 80 ans de São Domingos, une petite ville de plus de 10 000 habitants de l’île de Santiago. Mme Afonso vit avec son mari et l’un de ses six enfants. Son mari a perdu une jambe il y a six mois et se déplace maintenant en fauteuil roulant. Elle dépend donc beaucoup de sa pension sociale pour survivre.

« Grâce à la pension que je touche, je peux payer l’eau courante. Ce qui veut dire que je n’ai pas à sortir chercher de l’eau, ce qui serait difficile pour moi puisque j’ai des problèmes de dos », dit-elle. « Je peux aussi payer ma facture de téléphone. Cela compte énormément pour moi puisque beaucoup de mes enfants vivent à l’étranger. »

« Après avoir payé mes factures, il me reste encore un peu d’argent pour finir le mois », ajoute-t-elle.

Mme Afonso est l’une des bénéficiaires d’une « pension sociale », un régime unifié qui garantit un revenu élémentaire de sécurité pour les personnes de plus de 60 ans, les invalides et les enfants handicapés vivant dans des familles pauvres. Il couvre maintenant environ 46 pour cent des personnes âgées de 60 ans et plus.

Les bénéficiaires reçoivent un paiement mensuel de 5000 escudos cap-verdiens (environ 65 USD). Cela représente 20 pour cent de plus que le seuil de pauvreté. Pour être titulaire d’une pension sociale, les personnes âgées doivent résider au Cap-Vert, avoir 60 ans ou plus, disposer d’un revenu inférieur au seuil de pauvreté national officiel et ne pas bénéficier d’un autre régime de sécurité sociale.

Les pensions sociales coûtent près de 0,4 pour cent du PIB et sont entièrement financées par des fonds publics. La caisse mutualiste est financée par les cotisations mensuelles des bénéficiaires qui s’élèvent à une centaine d’escudos par pensionné. Cette caisse a été instituée dans le cadre du régime de pension sociale afin de subventionner l’achat de médicaments dans les pharmacies privées jusqu’à un plafond annuel de 2500 escudos (environ 25 USD). Elle fournit aussi une allocation funéraire de 7000 escudos (environ 70 USD) en cas de décès du titulaire.

« Nous sommes particulièrement attentifs au sort des personnes âgées dans notre pays : nous avons augmenté le nombre de bénéficiaires de la pension sociale minimum et nous avons revu son montant à la hausse », explique Janira Hopffer Almada, ministre de la Jeunesse, de l’Emploi et du Développement des ressources humaines du Cap-Vert.

« Nous savons qu’il nous reste un long chemin à parcourir, mais nous pensons que nous pouvons encore progresser grâce au soutien fourni par l’Organisation internationale du Travail. »

De la paperasserie à la biométrie

Le Cap-Vert a pris deux grandes mesures en faveur d’un régime de retraite universel. En 2006, il a créé le Centre national des pensions sociales (CNPS) et unifié les programmes préexistants de pensions non contributives. Les pensions sociales sont gérées par le CNPS et versées chaque mois par le biais des bureaux de poste locaux.

« L’extension rapide de la couverture des pensions a été obtenue grâce à la combinaison des programmes contributif et non contributif », indique Fabio Duran-Valverde, spécialiste de la protection sociale à l’OIT.

« Cela montre aussi que progresser vers l’universalisation des systèmes de pension est réalisable et accessible, même dans des pays en développement comme le Cap-Vert. Evidemment, un engagement fort du gouvernement est un élément déterminant », ajoute-t-il.

Non seulement les programmes existants ont été unifiés à travers le CNPS, mais l’ensemble du processus a été modernisé pour devenir plus efficace. La toute dernière technologie a été introduite afin d’identifier les bénéficiaires et d’éviter les fraudes, en utilisant des techniques sophistiquées comme l’identification par empreintes digitales.

« Auparavant, nous envoyions toutes les candidatures des régions vers le bureau central. Le nouveau système informatique nous permet de décentraliser les services dans différentes villes », explique le Président du CNPS, René Ferreira.

De ce fait, la pension sociale a presque doublé sa couverture en moins de dix ans et atteint les femmes et les habitants des zones rurales.

« Des progrès majeurs ont été accomplis en quelques années seulement et le projet est sur de bons rails », a déclaré Joana Borges-Henriques, coordinatrice nationale de l’OIT pour le Cap-Vert.

« De nombreux défis demeurent, mais le fait que la Cap-Vert progresse rapidement vers l’universalisation de son système de pension est une bonne nouvelle bien au-delà de ce pays, parce que cela prouve que l’instauration d’un socle de protection sociale ne permet pas seulement d’améliorer la vie des plus vulnérables, cela contribue aussi au développement social et économique du pays », a-t-elle conclu.

Organisation Internationale du Travail


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