Du 13 mai au 1er juin 1958, le "Coup d’Etat démocratique" du général de Gaulle a réussi. Pour le comprendre, il faut lire "Résurrection" de Christophe Nick

samedi 17 mai 2008.
 

Christophe Nick, journaliste d’investigation expérimenté, revient dans ce livre sur l’histoire du retour au pouvoir du général de Gaulle, à la suite du "coup d’Etat" du 13 mai 1958. C’est passionnant du début à la fin, et ce, à trois titres.

C’est d’abord une bonne synthèse historique. Nick montre comment, de 1954, où le Maréchal Juin dénonce publiquement l’inaction de l’Etat, à 1958, une conjonction d’intérêts va ramener de Gaulle au pouvoir. Le récit est bien mené et Christophe Nick a rencontré des témoins de l’époque et obtenu d’eux des précisions qui font de son ouvrage un complément utile aux titres déjà parus ou aux souvenirs de certains participants.

Dans le camp gaulliste, qui sera ramené au pouvoir par la crise algérienne, on trouve des hommes unis par leur participation, autour du Général, à la Résistance : Debré, Palewski et d’autres qui formeront les cadres de la Vème république naissante. Mais, pendant tout leur chemin vers le pouvoir, ils se heurteront à une autre composante de la droite attachée à l’Algérie française, bien plus extrême, autour du Docteur Martin. On voit clairement, tout au long du récit, l’opposition entre la hauteur de vue du futur fondateur de la Vème, et la bassesse crasse de la clique Martin, issue de la Cagoule des années 30.

Deuxième point intéressant, la montée en puissance de l’opération Résurrection est analysée selon les principes de la "technique du coup d’Etat", de Curzio Malaparte. Chaque chapitre historique est suivi d’une interprétation à la lueur des écrits de cet auteur qui publiait son ouvrage en 1931. On peut donc analyser la réussite de ce coup d’Etat démocratique (quasiment pas de sang versé, aucune violation flagrante de la légalité) et en découvrir les principes. Il faut donc, pour entrer dans cette voie :

- incarner le recours : c’est un choix adopté par Jean-Marie le Pen aujourd’hui, mais également par des leaders plus démocrates (qu’on pense à la façon dont notre ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy se présente par exemple) ;

- savoir s’appuyer sur une crise : il est évident que plus la situation est difficile, plus l’intervention d’un recours est nécessaire. Seule difficulté : il faut que le sauveur ne soit pas lui même la cause des problèmes ;

- subversion et noyautage des structures de l’Etat : il faut un réseau fort, pour que, lorsque c’est nécessaire, des ordres ne soient pas transmis, des informations soient censurées etc... En 1958, c’est ce qui a permis aux gaullistes de réussir alors que l’extrême droite du Docteur Martin était heureusement beaucoup plus démunie de relations ;

- pas de sang : le sang appelle une réponse du pouvoir et reste sur les mains. Il n’est bien sûr pas démocratique non plus ;

- des réseaux plus qu’un chef : une organisation centralisée repose sur un seul. Des réseaux sont difficiles à éliminer, peuvent travailler de façon autonome au but commun. C’est également avantageux pour la suite : de Gaulle n’a rien eu directement à voir avec ceux qui ont oeuvré à son retour, parfois aux limites de la légalité.

Cette capacité à fédérer autant d’hommes de qualité dans un but commun suppose naturellement, de la part de l’homme qui aspire au pouvoir, une stature exceptionnelle, qui est toute la différence entre Charles de Gaulle et le Docteur Martin, ou un Pierre Poujade. C’est cette stature qui est gage de la légitimité future.

Dernier point enfin, il n’est pas inintéressant de se rappeler que lorsque le Maréchal Juin s’élève contre l’impuissance de l’Etat, en 1954, il le fait pour s’opposer à la Communauté Européenne de Défense. Peut-on en inférer que si aujourd’hui certains réclament le retour à une sixième république, c’est parce que, là encore, le projet européen est venu asphyxier la France ? Ils n’en ont peut être même pas conscience mais c’est cependant certainement le cas. Si cette citation qui caractérise la situation en 1958, vous semble adaptée à celle d’aujourd’hui, vous êtes sur la bonne voie : "Les analyses sont bidons, les cadres géopolitiques délirants, les informations triées et réinjectées en fonction de ces présupposés. Le tout aboutit à une vision du monde profondément irréelle. L’ensemble du pouvoir exécutif, gouvernement et organes de sécurité est devenu autiste !"

Lundi 7 novembre 2005


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