Biodiversité, des scientifiques alarmés : « Le gouvernement doit agir avec détermination »

dimanche 2 septembre 2018.
 

Dans une tribune au « Monde », un groupe de scientifiques spécialistes de l’écologie estime qu’il y a désormais urgence à lutter contre l’érosion de la biodiversité, salue les engagements pris par le gouvernement et l’incite à les concrétiser.

Chacun le comprend : nos sociétés ne peuvent rester passives devant l’ampleur de l’érosion actuelle de la biodiversité, son caractère multiforme et planétaire. Toute action individuelle en ce domaine, sans nul doute nécessaire, sera insuffisante. Une vision d’ensemble et une détermination politique sont seules à même d’aider à enrayer ce phénomène et à en atténuer les conséquences pour nos sociétés.

Devant la gravité des enjeux, nous attendions, en tant que scientifiques, un engagement fort de l’Etat. Au début de l’été, le 4 juillet, s’est réuni un conseil interministériel consacré à la biodiversité, suivi de la présentation, le lendemain, par Nicolas Hulot, ministre de la transition écologique et solidaire, d’un plan décliné en plus de 90 projets.

Ces deux événements sans précédent répondent à notre attente : la préservation de la biodiversité y est clairement affichée comme une priorité nationale. Mais il ne faut pas se leurrer, les obstacles seront nombreux pour traduire ces engagements dans les faits. A tous les niveaux, aussi bien national que local, et dans tous les secteurs économiques, les associations de protection de la nature et les décideurs devront travailler ensemble pour faire de la biodiversité l’affaire de tous.

Des enjeux vitaux

Rappelons brièvement l’importance des enjeux : la biodiversité nous rend d’innombrables services. Les productions agricoles dépendent étroitement de la diversité microbienne des sols, de la résistance des variétés cultivées aux ravageurs et aux aléas météorologiques, de la bonne santé des populations de pollinisateurs. Les pêcheries reposent sur une intégrité des écosystèmes aquatiques. L’approvisionnement en eau de qualité dépend largement de la biodiversité, de la capacité des sols cultivés et de leurs abords à limiter la pollution jusqu’au fonctionnement des écosystèmes microbiens que constituent nos stations d’épuration.

A cela s’ajoutent de nombreuses régulations comme le rôle protecteur des zones humides contre les inondations, celui des couverts forestiers contre l’érosion ou celui de rafraîchissement des zones urbaines par la végétation. N’oublions pas l’atténuation des effets du changement climatique par des écosystèmes diversifiés qui sont les plus résilients face à l’élévation de température et à des événements extrêmes. La biodiversité est ainsi une protection face aux effets attendus (et souvent sous-estimés) du changement climatique. Elle est également la source majeure d’innovation biomédicale, 70 % de nos médicaments ayant pour origine une molécule végétale.

LE DÉCLIN DRASTIQUE DES INSECTES ILLUSTRE À QUEL POINT NOUS SOMMES CAPABLES, EN PEU DE TEMPS, DE VIDER LA NATURE DE SES ANIMAUX

Pour dénoncer les conséquences prévisibles de la perte accélérée de la biodiversité, nous sommes souvent taxés de pessimisme… Faut-il alors fermer les yeux ? Son déclin, amplement démontré, compromet l’avenir économique et le bien-être des générations futures.

La surexploitation des ressources marines, le déclin drastique des insectes, la chute vertigineuse des populations d’oiseaux illustrent à quel point nous sommes capables en peu de temps de vider la nature de ses animaux. Car, comme l’a rappelé récemment un rapport de l’Académie des sciences, la réduction de la biodiversité est essentiellement imputable aux activités humaines, et elle est aggravée par le changement climatique et la pollution.

Effort de concertation

« Avant que Nature meure », pour reprendre le titre d’un ouvrage prémonitoire de l’ornithologue Jean Dorst, paru en 1965, le gouvernement arrivera-t-il à insuffler la réflexion et la prise de décision collectives nécessaires ? Quand celles-ci sont présentes, cela marche. Ainsi, à la suite des mesures appropriées, certaines zones de pêche auparavant menacées d’épuisement ne le sont plus et assurent aujourd’hui aux pêcheurs des revenus confortables.

Un autre domaine exige un grand effort de concertation et un travail collectif : celui de la lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain, afin de préserver le foncier agricole et les espaces naturels. Comme pour la réduction des pesticides, cette lutte ne sera efficace que si les agriculteurs y trouvent un avantage financier, une meilleure confiance des consommateurs et une durabilité de leurs pratiques. C’est ce que propose l’agroécologie, qui remet les processus écologiques au cœur de l’agriculture.

« L’ÉROSION DE LA BIODIVERSITÉ NOUS CONCERNE TOUS »

Le gouvernement doit impérativement agir avec détermination afin de rétablir la bonne santé et la productivité des milieux terrestres et aquatiques. Il s’agit là d’un sujet aussi sensible que celui du changement climatique. L’érosion de la biodiversité nous concerne tous car la biodiversité n’est pas une collection de timbres-poste mais le tissu de la vie dont nous faisons partie.

Par Yvon Le Maho, Sandra Lavorel, Jean-Dominique Lebreton, Pierre Auger et Claude Combes, membres de l’Académie des sciences ;

Henri Décamps, membre de l’Académie des sciences et de l’Académie d’agriculture ;

Philippe Cury, directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement,

et Gilles Bœuf, président du conseil scientifique de l’Agence française pour la biodiversité.

http://www.academie-sciences.fr/fr/...


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