Démission de Nicolas Hulot : ses raisons, réactions

jeudi 6 septembre 2018.
 

1) Ce que Nicolas Hulot a dit en direct sur France Inter

Verbatim. Le ministre, invité de France Inter, a pris tout le monde de court en annonçant sa démission du gouvernement. Voici les principaux ­extraits de son interview.

« Je ne comprends pas que nous assistions à la gestation d’une tragédie bien annoncée dans une forme d’indifférence. La planète est en train de devenir une étuve, nos ressources naturelles s’épuisent, la biodiversité fond comme neige au soleil. Et on s’évertue à réanimer un modèle économique qui est la cause de tous ces désordres. Je ne comprends pas, comment, après la conférence de Paris, après un diagnostic imparable, ce sujet est toujours relégué dans les dernières priorités. Contrairement à ce que l’on dit, la France fait beaucoup plus que beaucoup de pays. Mais, la pression du court terme sur le premier ministre est si forte qu’elle préempte les enjeux de moyen et long termes. Je demeure dans ce gouvernement tout seul à la manœuvre.

Le premier ministre, le président, ont été pendant ces quatorze mois à mon égard d’une affection, d’une loyauté et d’une fidélité absolues. Mais au quotidien, qui ai-je pour me défendre ? Ai-je une société structurée qui descend dans la rue pour défendre la biodiversité ? Ai-je une formation politique ? Est-ce que les grandes formations politiques et l’opposition sont capables de se hisser au-dessus de la mêlée pour s’entendre sur l’essentiel ? Alors nous faisons des petits pas.

Avons-nous commencé à réduire nos émissions de gaz à effet de serre ? Non. Avons-nous commencé à réduire l’utilisation des pesticides ? Non. Ou à enrayer l’érosion de la biodiversité ? Non.

« Peut-être n’ai-je pas su convaincre »

Je vais prendre la décision la plus difficile de ma vie. Je ne veux plus me mentir. Je ne veux pas donner l’illusion que ma présence au gouvernement signifie qu’on est à la hauteur sur ces enjeux. Et donc, je prends la décision de quitter le gouvernement. Aujourd’hui.

C’est la décision la plus douloureuse. Que personne n’en tire profit ! Car la responsabilité est collégiale, collective, sociétale. J’espère que cette décision qui me bouleverse, qui est mûrie depuis de longs mois, ne profitera pas à des joutes ou à des récupérations politiciennes. J’ai une immense amitié pour ce gouvernement auquel je m’excuse de faire une mauvaise manière, mais sur un enjeu aussi important, je me surprends tous les jours à me résigner, à m’accommoder des petits pas alors que la situation mérite qu’on change d’échelle.

C’était un véritable dilemme en sachant que si je m’en vais, je crains que ce soit pire, soit je reste, mais en donnant le sentiment par ma seule présence que nous sommes en situation d’être à la hauteur de l’enjeu. C’est une décision d’honnêteté et de responsabilité. Je souhaite que personne ne fustige ce gouvernement, car c’est l’ensemble de la société et moi qui portons nos contradictions.

Peut-être n’ai-je pas su convaincre. Peut-être n’ai-je pas les codes. Mais, si je repars pour un an, cela ne changera pas l’issue. J’ai pris cette décision hier soir. Elle a mûri cet été. J’espérais qu’à la rentrée, fort des discussions que j’ai eues avec le premier ministre, avec le président, il y aurait un affichage clair.

« Accumulation de déceptions »

Cela va paraître anecdotique, mais c’est un élément qui a achevé de me convaincre que cela ne fonctionne pas comme ça devrait. On avait une réunion hier à l’Elysée sur la chasse, et j’ai découvert la présence d’un lobbyiste qui n’était pas invité. C’est symptomatique de la présence des lobbyistes dans les cercles du pouvoir. C’est un problème de démocratie. Qui a le pouvoir ? Qui gouverne ? J’ai dit à Thierry Coste qu’il n’avait rien à faire là. Mais ma décision ne vient pas simplement d’une divergence sur la réforme de la chasse. C’est une accumulation de déceptions. C’est surtout que je n’y crois plus.

Je n’ai pas forcément de solution. Je n’y suis pas parvenu. J’ai obtenu certaines avancées. Mais je n’ai pas réussi, par exemple, à créer une complicité de vision avec le ministre de l’agriculture alors que nous avons une opportunité exceptionnelle de transformer le modèle agricole. Je n’ai pas prévenu Emmanuel Macron et Edouard Philippe de ma décision. Je sais que ce n’est pas forcément très protocolaire. Je sais que si je les avais prévenus avant, peut-être ils m’en auraient, une fois encore, dissuadé. J’ai une profonde admiration pour eux, mais sur les sujets que je porte, on n’a pas la même grille de lecture.

J’espère que mon départ provoquera une profonde introspection de notre société sur la réalité du monde. Sur le fait que l’Europe ne gagnera que si l’Afrique gagne. Où est passée la taxe sur les transactions financières, qui était le minimum pour tenter d’aider l’Afrique ? Le nucléaire, cette folie inutile économiquement et techniquement, dans lequel on s’entête… C’est autant de sujets sur lesquels je n’ai pas réussi à convaincre. J’en prends ma part de responsabilité. »

Source : https://abonnes.lemonde.fr/politiqu...

2) Réaction du groupe « France insoumise » à l’Assemblée nationale

Nicolas Hulot dénonce le carcan budgétaire des traités européens qui empêche de réaliser les investissements écologiques nécessaires dans la transition écologique et l’influence du secteur financier qui continue de spéculer impunément sur les biens communs.

« La planète devient une étuve. Nos ressources naturelles s’épuisent. La biodiversité fond comme neige au soleil. Mais on s’évertue à entretenir, voire à réanimer un modèle économique marchand qui est la cause de tous ces désordres » (Nicolas Hulot)

La démission de Nicolas Hulot fonctionne comme un vote de censure contre Macron.

La décomposition du régime Macron est commencée.

Notre diagnostic et celui de tous les écologistes est confirmé.

Vivement que le peuple ait la parole.

Le groupe parlementaire France Insoumise.

3) La démission de Hulot sonne le glas de toute ambition écologique du gouvernement PCF

Depuis des mois on savait cette décision en suspens. Nicolas Hulot ne pouvait plus se mentir, et a donc annoncé, ce jour, son départ du gouvernement.

C’est un aveu d’impuissance et d’échec

Un aveu d’impuissance au sein d’un gouvernement et d’une majorité qui ne peuvent concevoir l’urgence d’un autre mode de développement, de production et de consommation respectueux du bien être des femmes et des hommes et des ressources naturelles. Cette urgence doit se traduire par de véritables priorités budgétaires en faveur des impératifs de la transition écologique.

Un aveu d’échec face aux défis écologiques, ici, en Europe et dans le monde, car il est incontournable de mener une politique de rupture avec le capitalisme. Or, la politique libérale de Macron a fait le choix des privilèges des premiers de cordées – celles et ceux qui se soucient le moins de l’avenir de la planète – aux dépens des couches populaires qui subissent le renforcement des inégalités sociales et environnementales au moment où la mobilisation de toutes et tous est incontournable.

Nicolas Hulot est un homme de conviction. Avec cette démission, il lance un appel à la mobilisation de toute la société afin d’imposer des choix de transformations sociales et écologiques. Nous en sommes et nous en serons !

4) Hulot quitte le gouvernement Macron (NPA)

Hulot n’a pas été utile pour faire avancer les causes écologistes. Au contraire !

Il a tout validé dans la politique productiviste du gouvernement Macron, y compris les projets auxquels il s’était opposé avant d’être ministre :

- validation de l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure et de l’EPR à Flamanville, prolongation des centrales vieillissantes

- plan alimentation, plan biodiversité et plan climat indigents au regard de la lutte contre la crise écologique, à commencer par le report de l’interdiction du glyphosate.

- validation des grands projets inutiles et imposés (contournements routiers, triangle de Gonesse….)

Enfin, en signant le projet d’arrêté autorisant la destruction de 300 000 alouettes des champs, à la demande des chasseurs extrémistes, Hulot s’est décrédibilisé auprès des associations environnementalistes et des citoyens.

La prise de guerre Nicolas Hulot, caution verte du gouvernement Macron, n’aura pas duré longtemps.

L’écologie n’est pas Macron-compatible !

Pour mener des politiques nécessaires à la lutte contre la crise écologique majeure (basculement climatique, déforestation, chute de la biodiversité) nous avons besoin de rompre avec les logiques capitalistes des profits à tout prix et à court terme.

Ce départ affaiblit encore le gouvernement. Après l’affaire Benalla, c’est un nouveau pan de sa communication qui s’effondre révélant plus encore sa réalité antisociale, antidémocratique et productiviste.

Avec ou sans Hulot, l’important c’est la capacité collective à se rassembler et à construire des oppositions aux Grands Projets Inutiles Imposés, aux destructions sociales, aux attaques contre les libertés.

La victoire à Notre-Dame-des-Landes a montré que les populations en mouvement sont forces de propositions et d’alternatives. Elles expriment la volonté de vivre dans un autre monde débarrassé du productivisme, du diktat de la croissance et ouvrent des pistes pour sortir du capitalisme.

Montreuil, le 28 août 2018


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