Économie mondiale. Le FMI révise ses prévisions de croissance à la baisse

vendredi 12 octobre 2018.
 

Dans nombre de pays émergents a commencé de s’étendre une crise qui pourrait prendre une dimension majeure. C’est sur le fond de cet avis de tempête que s’ouvre pour toute la semaine à Bali, en Indonésie, la conférence annuelle du Fonds monétaire international (FMI). Le FMI a annoncé une nouvelle revue à la baisse de la croissance mondiale, qui ne serait plus que de 3,7 % en 2018 et 2019, contre 3,9 % anticipés jusqu’ici. Son inquiétude se nourrit de la situation des économies émergentes et de plusieurs facteurs de dégradation qui pèsent sur la conjoncture internationale. «  Les risques ont commencé à se matérialiser  », avait averti solennellement Christine Lagarde, la directrice générale de l’institution, dès le 1er octobre en préambule à ces assises.

«  Une situation où tout le monde va souffrir  »

Parmi les nombreux nuages qui s’accumulent à l’horizon, l’un des tout premiers sujets d’inquiétude porte sur les conséquences de la guerre commerciale déclenchée par les États-Unis contre la Chine. «  Quand les deux plus importantes économies mondiales – les États-Unis et la Chine – s’affrontent  », cela «  crée une situation dans laquelle tout le monde va souffrir  », souligne Maurice Obstfeld, le chef économiste du FMI. Donald Trump vient de décréter de nouveaux droits de douane sur 250 milliards de dollars (232 milliards d’euros) d’importations chinoises. Pékin a riposté en imposant des taxes sur 110 milliards de dollars (95 milliards d’euros) de marchandises états-uniennes.

Ces mesures, qui n’auraient encore que peu d’impact en 2018, commenceraient à faire sentir leurs effets en 2019 en réduisant, estime le FMI, la croissance aux États-Unis (2,5 %, contre 2,9 % en 2018) et en Chine (6,2 %, contre 6,6 %). Et ces prévisions ne prennent pas en compte les conséquences d’une nouvelle escalade pourtant ouvertement programmée par Trump, le locataire de la Maison-Blanche ayant annoncé son intention de taxer prochainement pour 267 milliards de dollars (251 milliards d’euros) de produits chinois supplémentaires. L’Europe ne passerait pas au travers du ralentissement anticipé. Le FMI ramène sa prévision de croissance à 2 % (– 0,2 point) pour la zone euro. Le PIB de la France n’augmenterait plus que de 1,6 % (– 0,2 point) et celui de l’Allemagne (1,9 %) connaîtrait le plus fort coup de frein (– 0,3 point). Mais c’est la dégradation de la situation des pays émergents qui suscite les plus fortes préoccupations. On peut y voir là encore une des conséquences du national-libéralisme de Donald Trump, qui promeut une réorganisation de l’ordre mondial pour renforcer la domination de Washington et des géants de Wall Street sur la planète.

En effet, la réforme fiscale qu’a fait ratifier, il y a près d’un an, le locataire de la Maison-Blanche ne se contente pas de faire un pont d’or aux plus riches et aux entreprises. Elle fonctionne comme un véritable aspirateur de capitaux vers les États-Unis.

Résultat de cette offensive fondée pour l’essentiel sur un vaste dumping fiscal  : le coût des investissements s’est mécaniquement renchéri pour les pays émergents. Le phénomène est aggravé par la Fed, la banque centrale états-unienne, qui a commencé, au même moment, de relever ses taux d’intérêt. Ce qui accentue encore la pression à la hausse sur le coût des emprunts. Les acteurs des pays émergents – qui se sont massivement endettés en dollars en profitant de la politique jadis très accommodante de la Fed (taux d’intérêt nuls) – voient leurs traites augmenter en permanence.

Turquie, Argentine, Brésil, Afrique du Sud, Indonésie et nombre d’autres pays du Sud sont entrés dans les turbulences. Leurs monnaies se déprécient fortement. Le peso argentin a perdu ainsi plus de la moitié de sa valeur depuis janvier. La spirale de la dette prend une dimension infernale. Car, pour faire face, les banques centrales doivent augmenter leur taux directeur à des niveaux inouïs. Celle de Turquie vient ainsi de le porter à 24 %. Ce qui fait grimper le crédit à des niveaux usuraires, paralyse l’activité et ruine donc les projets de tous les acteurs publics et privés. Le prix Nobel d’économie états-unien Paul Krugman voit poindre «  le risque d’une crise s’autoalimentant  », semblable à celle qui avait ravagé les économies des pays du Sud-Est asiatique en 1997-1998. Personne ne sortirait indemne d’un tel choc.


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