La direction de la CGT face à une fronde d’un courant radical

mercredi 31 octobre 2018.
 

« Un cap est franchi ». Dans un courrier adressé le 26 septembre au bureau confédéral de la CGT, à sa commission exécutive et à son comité confédéral national – et que le Monde s’est procuré – Olivier Mateu, le secrétaire général de l’union départementale CGT des Boûches-du-Rhône estime que la centrale vient d’entériner « l’effacement », voire « la négation de l’antagonisme existant entre exploiteurs et exploités ». L’objet de ce courroux est la lettre co-signée le 25 septembre par Philippe Martinez et les dirigeants des quatre autres confédérations représentatives – CFDT, FO, CFTC et CFE-CGC – à l’intention des organisations patronales pour proposer « un agenda social de négociations et délibérations interprofessionnelles ». Dans ce courrier les cinq syndicalistes se disent « très attachés au dialogue social et à la négociation collective interprofessionnelle entre les interlocuteurs sociaux ».

C’en est trop pour Olivier Mateu : « Nous n’avons jamais partagé la démarche consistant à considérer qu’il pouvait être bénéfique pour le monde du travail que la CGT s’inscrive dans une démarche visant à considérer les organisations patronales et la plupart des organisations syndicales qui, depuis des années maintenant, accompagnent tous les mauvais coups, pour des partenaires ». Dénonçant les « mesures réactionnaires, autoritaires » qui frappent à ses yeux les travailleuses et les travailleurs, le secrétaire de l’UD s’alarme : « nous voilà signataires d’un courrier s’inquiétant du bénéfice que pourraient tirer les entreprises d’un dialogue social qui ne sera jamais rien d’autre qu’un moyen d’empêcher toute démocratie sociale dans l’entreprise ».

Olivier Mateu accuse les instances de direction de la centrale d’avoir perdu de vue « la répression féroce qui s’abat sur nos militants-es dans les boîtes » et les « milliards qu’ils [les patrons] nous volent ». « En quoi, poursuit-il, ce courrier nous met-il à l’avantage quant au rapport de force que nous avons à construire pour imposer d’autres choix de progrès et de justice sociale au patronat et au gouvernement ? ». Cette lettre, ajoute-t-il, « tend à dédouaner le patronat de ses responsabilités en donnant à penser que nous aurions, eux et nous, des intérêts communs à défendre contre un gouvernement qui n’a de cesse d’agir dans les intérêts du patronat et de la finance ». En conclusion, face à cette « union contre-nature », il réclame un « nécessaire débat sur la stratégie à mener pour aller à la gagne sur des contenus clairement de progrès et bénéficiant à toutes et tous ».

C’est à la suite d’une révolution de palais, en février 2016, qu’Olivier Mateu, sympathisant de l’association d’extrême gauche Rouges vifs, avait été porté à la tête de l’UD-CGT des Boûches-du-Rhône. Cet événement avait fait suite à « l’éjection », selon la formule du groupuscule orthodoxe « Où va la CGT », de Thierry Pettavino, jugé trop proche de la confédération et pas assez combatif. Olivier Mateu, qui s’inquiétait de « l’abandon du syndicalisme de lutte des classes » par la CGT, avait ensuite prononcé, le 18 avril 2016, le discours d’ouverture du 51e congrès confédéral à Marseille…

Depuis cette date, Olivier Mateu a continué à incarner une ligne pure et dure, refusant le moindre compromis avec le gouvernement et le patronat. Dans une interview au journal communiste La Marseillaise, en juillet, il affirmait sa volonté de poursuive et d’amplifier le mouvement social lancé par les grèves des cheminots. « Je pense que le rythme que nous impose le gouvernement, déclarait-il, illustre le fait qu’il n’a pas de majorité dans ce pays pour mettre en oeuvre la remise à plat du modèle social qu’il porte avec le patronat. Ils ont besoin d’aller vite et mènent cette stratégie du chaos ». A quelques mois du 52e congrès confédéral, en mars 2019 à Dijon, Philippe Martinez est ainsi confronté à une offensive d’une extrême gauche qui se veut beaucoup plus radicale que lui. Reste à savoir si cette initiative de l’UD des Boûches-du-Rhône fera tâche d’huile, notamment dans la mouvance trotskiste, ou s’il s’agira d’un acte isolé.


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