La population yéménite se meurt

jeudi 1er novembre 2018.
 

La guerre menée par l’Arabie saoudite [royaume dirigé par la famille-dynastie des Saoud depuis 1932 ; aujourd’hui prise en main par le clan du prince héritier Mohammed ben Salmane, nommé MBS] contre le Yémen a dévasté un pays déjà paralysé par une pauvreté généralisée et une négligence systématique.

Depuis le 25 mars 2015 [avec une préparation dès 2014], l’Arabie saoudite et ses alliés [en partie pour étoffer l’apparence politique d’une coalition : Egypte, Jordanie, Soudan, Maroc, et les membres du Conseil de coopération du Golfe, à l’exception d’Oman] ont lancé ce qui est devenu un assaut crapuleux et impitoyable – baptisé dans le style marketing du Pentagone Tempête décisive et renommée rapidement Restaurer l’Espoir (sic) – contre une population sans défense. [Les Etats-Unis jouent un rôle décisif aussi pour les renseignements, la gestion des bombardements, la vente d’armes et l’apprentissage de leur utilisation] Leur objectif est de vaincre les rebelles Houthi, qui ont refusé de soutenir le gouvernement fantoche installé par les Saoudiens en 2011-2012 [Abdrabbo Mansour Hadi, ancien maréchal et vice-président de 1995 à 2012, est formellement élu comme nouveau président de la République du Yémen, au « suffrage universel », comme seul candidat, le 21 février 2012 ; cela en accord avec l’Arabie Saoudite et les « monarchies du Golfe », des Etats familiaux patrimonial].

Malgré des dizaines de milliers de frappes aériennes et un blocus aérien et naval épuisant ils n’ont pas réussi à déloger les rebelles de la capitale Sanaa. En effet, les Houthis contrôlent encore une partie significative du pays .

Souvent dépeints cyniquement comme des marionnettes iraniennes, les Houthis reçoivent beaucoup moins de soutien qu’on ne le pense généralement. Et leur mouvement est moins motivé par l’amour des ayatollahs que par des griefs socio-économiques de longue date avec les dictateurs successifs soutenus par les Saoudiens, et leur exclusion d’un gouvernement de transition établi après la révolution de 2011.

Cette vérité gênante a été ignorée par le régime saoudien, qui a exagéré le risque posé par un prétendu mandataire iranien à sa porte pour justifier une intervention militaire massive. En conséquence, le Yémen est aujourd’hui confronté à la plus grande urgence humanitaire de la planète. [1]

Selon un rapport du Programme alimentaire mondial, quelque 14 millions de personnes risquent de mourir de faim. C’est la famine la plus grave au monde depuis plus de 100 ans. Seize millions de personnes n’ont pas accès à l’eau potable et 22 millions de personnes, soit 75 % de la population, dépendent de l’aide.

Les Nations Unies estiment que plus de 3 millions de Yéménites ont fui leurs foyers, cherchant désespérément la sécurité et la sûreté. Beaucoup vivent aujourd’hui dans des camps de réfugiés de fortune, leurs tentes usées étant les seuls signes de vie dans un paysage autrement inhospitalier.

Pour forcer les rebelles Houthi à se rendre, les Saoudiens ont attaqué et fermé à plusieurs reprises le port d’Hodeida, qui gérait 70% des importations alimentaires avant la guerre. Ils ont essayé d’intimider les ONG pour qu’elles mettent fin aux programmes d’aide dans les régions contrôlées par les rebelles. Quand la persuasion a échoué, ils ont eu recours à la violence. Des hôpitaux gérés par Médecins sans Frontières (MSF) ont été bombardés à plusieurs reprises.

Save the Children, une organisation internationale de défense des droits humains, estime que 50’000 enfants sont morts de causes liées à la pauvreté l’année dernière. Ce sont 137 « paires d’yeux souriants » qui s’éteignent tous les jours, avec une dernière étreinte familiale amère toutes les 10 minutes.

Les divisions sociales du pays – ethniques, culturelles et religieuses – se transforment en fossés avec le découpage géographique. Les Houthis contrôlent les régions du nord et du centre ; Al-Qaïda dans la péninsule arabique contrôle le sud-est et les forces loyales aux Émirats arabes unis contrôlent la zone entourant le port stratégiquement vital d’Aden, ils envisagent une sécession unilatérale du nord.

En vérité, le « Yémen » n’existe plus. « Amaigri » par des décennies de sous-investissement, de corruption de la classe dirigeante et d’attaques néolibérales, le pays a reçu un coup très dur des Saoudiens et de leurs alliés.

Cette calamité est une mise en accusation du soi-disant ordre mondial. Il s’agit en particulier d’une mise en accusation des gouvernements américain et britannique, qui ont étendu leurs ventes militaires aux Saoudiens, ainsi que les Français [2] : un exemple de la barbarie bipartisane souvent affichée sur les questions de politique étrangère impériale par les démocrates et républicains et par les sociaux démocrates et conservateurs.

Une bombe qui a tué 40 enfants dans un autobus scolaire en août 2018 a presque certainement été produite au Texas par Lockheed Martin. Ne se contentant pas de faciliter ainsi les assassinats aveugles, l’Occident a fourni un soutien secondaire, notamment des renseignements sur les cibles possibles, le ravitaillement en vol pour les campagnes de bombardement et un flux sans fin de matériel militaire haut de gamme.

Un rapport des enquêteurs de l’ONU a trouvé des preuves de massacres, de tortures et de viols de civils. Pourtant, confronté aux faits, le secrétaire américain à la Défense, Jim Mattis, a insisté sur le fait que le meurtre de milliers de civils yéménites non armés était un acte d’autodéfense des monarchies saoudienne et émiratie. Le secrétaire d’État, Mike Pompeo, a été plus honnête dans une note du Congrès qui justifiait l’intervention de l’Arabie saoudite en termes de réduction de l’influence iranienne.

Le gouvernement australien a été aussi complice de la même façon. Plus tôt cette année, le site d’information indépendant New Matilda a rapporté que les licences pour la vente de matériel militaire aux Saoudiens ont récemment quadruplé. Christopher Pyne, ministre de l’Industrie de la défense à partir de 2016 et maintenant ministre de la Défense, et d’autres ministres du gouvernement ont engagé des pourparlers de haut niveau concernant l’expansion de la Royal Saudi Navy.

En outre, il a été révélé l’année dernière que des navires de guerre australiens menaient des exercices conjoints avec les Saoudiens, c’est-à-dire avec la marine qui bloque l’aide désespérément nécessaire à 22 millions de civils. Pour couronner le tout, un ancien général major de l’armée australienne, Mike Hindmarsh, a dirigé les forces combattantes des Emirats. Sa récompense serait un salaire annuel de 500’000 de dollars australiens. On ne peut qu’imaginer l’hystérie si les Iraniens payaient un tel salaire. Mais, dans ce cas, il n’a reçu aucune critique ou censure de la part du gouvernement ou des grands médias en Australie.

Près de 30 millions de Yéménites subissent un siège militaire brutal. Il est grand temps que l’Australie et d’autres pays mette fin à ses relations avec le méprisable régime saoudien et à son implication dans les crimes de guerre.

Omar Hassan


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