Législatives : Analyse du premier tour

mercredi 13 juin 2007.
 

On se rappelle qu’au 1er tour de la présidentielle, plus de 8 millions d’électeurs supplémentaires s’étaient exprimés par rapport à 2002. Ils se sont à nouveau évanouis au 1er tour des législatives où se sont exprimés 10 millions d’électeurs de moins. Ces fortes fluctuations des taux de participation ont un effet déformant sur la lecture des résultats qui en découlent. Ainsi, alors que la persistance du FN était en partie dissimulée à la présidentielle par le flot de participation (qui a dilué les voix frontistes), a contrario le très faible score remporté par le FN à la législative en dépit de la forte abstention (qui aurait dû conduire à une surreprésentation de ses voix) traduit un décrochage vraiment massif des électeurs du FN. Autre déformation majeure liée à l’abstention, celle des triangulaires. Les commentateurs expliquent catégoriquement leur petit nombre (12 contre 76 en 2002) par la bipolarisation de la vie politique française. Grossière erreur. En fait, la règle électorale qui impose d’avoir obtenu au moins 12,5% des inscrits au 1er tour pour se qualifier pour le second élimine mécaniquement beaucoup plus de candidats quand l’abstention est élevée. Ainsi en moyenne au 1er tour de 2007, il fallait avoir obtenu 21% des voix pour atteindre les 12,5% des inscrits, alors qu’on les atteignait dès 15 ou 16% dans beaucoup de circonscriptions en 2002. Si elle est certainement un effet de la fin des triangulaires, la bipolarisation n’en est donc pas la cause.

Face à cette défection massive pour les législatives, la réprimande des électeurs serait la pire des solutions. Surtout de la part de ceux qui ont tout fait pour minimiser l’enjeu de l’affrontement des législatives après avoir diabolisé Sarkozy à la présidentielle. Le choix de la candidate socialiste de ne pas se présenter aux législatives a déjà renforcé symboliquement dans la tête de beaucoup d’électeurs l’idée que cette élection n’était pas une bataille majeure. Si celle que l’on présente comme la nouvelle dirigeante de la gauche n’y voit pas un enjeu pour elle-même, pourquoi les électeurs devraient-ils naturellement le voir ? Surtout quand elle répète à longueur de campagne législative que Sarkozy avait repris des propositions de son pacte présidentiel, qu’il n’allait pas assez vite pour tenir ses promesses ou encore qu’il fallait en finir avec l’opposition frontale à la droite. C’est ainsi souvent aux mêmes endroits que l’on a connu la plus forte mobilisation pour la présidentielle et la plus forte démobilisation pour les législatives. Le meilleur exemple en est la Seine Saint Denis où l’abstention était même descendue par endroits en dessous de la moyenne nationale pour la présidentielle et où pour les législatives elle dépasse les 50% dans de nombreuses cités du département, à 10 points au dessus de la moyenne nationale. Première leçon : pas de mobilisation au second tour sans une ligne de combat claire.

A gauche, la législative éclaire la présidentielle

C’est une réalité souvent occultée par les médias : à 26,79% le score du PS progresse par rapport au 1er tour de la présidentielle (à même périmètre d’alliance avec le MRC et le PRG). L’idée selon laquelle Royal avait permis à la présidentielle d’élargir le socle électoral du PS « au-delà des frontières de la gauche » est donc démentie. Le vieux PS, comme l’appellent les journalistes accrédités du Ségotour, s’en tire mieux que Royal. Et là où les disciples les plus zélés de la candidate ont prêché l’ordre juste et « brisé les tabous » à volonté, le succès électoral n’est pas franchement au rendez-vous (De Montebourg et Peillon à Dray et Boutih en passant par Menucci, Bianco ou Sapin). En totalisant 39% des suffrages à ce premier tour, la gauche elle-même dans son ensemble s’en tire un peu mieux qu’à la présidentielle où elle avait été siphonnée à son plus bas niveau historique à 36%.

Les législatives fournissent une autre indication précieuse sur le sens de la présidentielle. Alors le vote utile avait été interprété à la présidentielle comme le signe de l’hégémonie naturelle et irréversible du PS et l’annonce de la mort de l’autre gauche, ce 1er tour des législatives a montré qu’il ne profitait pas mécaniquement aux candidats socialistes. Les électeurs de gauche ont recherché avant tout l’efficacité pour combattre la droite, même quand cela ne passait pas par le candidat attitré du PS. Le succès de la plupart des dissidents socialistes en atteste, mais aussi la solidité du vote pour les candidats communistes, voire dans certaines circonscriptions une forte prime à leur utilité pour combattre la droite. Marie-George Buffet passe de 29 à 32% dans sa circonscription où le PS stagne. Dans le Puy de Dôme, André Chassaigne passe de 23 à 44% en gagnant 9 000 voix tandis que le PS dégringole de 20 à 10%. Dans le Nord, le PCF progresse spectaculairement dans ses deux circonscriptions par rapport à 2002 : alors que la participation recule comme partout, Bocquet gagne plus de 3 000 voix et passe de 39 à 46%, tandis que Candelier améliore de plus de 1 000 voix le score de Georges Hage. De tels résultats confirment que le vote utile pour le PS ne signifie pas adhésion à un tournant sociale-démocrate au détriment de la transformation sociale. Deuxième leçon : l’heure n’est pas à un quelconque Bade-Godesberg mais au devoir de fraternité et de clarté à gauche.

A droite, le rouleau compresseur

La droite elle progresse absolument partout. Elle arrive ainsi à faire élire 109 députés dès le 1er tour soit le double de 2002. Elle parvient à se hisser en tête dans des circonscriptions où cela ne s’était jamais vu. A l’exact inverse de la gauche démobilisée nationalement, la droite bénéficie ainsi d’un véritable effet national avec une forte prime électorale donnée partout par les électeurs au candidat officiel de l’UMP et du président. Il est ainsi frappant de voir que la quasi-totalité des dissidents de droite ont été balayés par les candidats officiels de l’UMP. Y compris quand le dissident était une figure locale (comme le député-maire sortant du 15ème arrondissement de Paris René Galy-Dejean) ou un idéologue sarkozyste pur et dur (comme le député sortant des Alpes-Maritimes Jérôme Rivière). A l’inverse, la seule étiquette UMP a permis des percées électorales fulgurantes même quand elle était arborée par des parachutés en politique (Arno Klarsfled) ou des personnages très controversés (Alain Carignon). L’électeur de droite de 2007 a soutenu l’étiquette plus que le candidat. A gauche, c’est tout l’inverse. Elle résiste seulement là où elle détient des positions, notamment lorsqu’elle présente des sortants qui sont par ailleurs maires.

Cette dynamique politique nationale a permis à l’UMP de renforcer son ancrage là où elle était déjà forte à la présidentielle. Ce sont ainsi dans les départements de l’Est (Alsace, mais aussi Ardennes, Marne, Haute Marne, Vosges, Ain), du centre sud (Lozère, Haute Loire Cantal) et du centre ouest (Orne, Mayenne, Sarthe ...) que l’UMP et ses alliés progressent le plus, alors que c’était déjà là que Sarkozy avait réalisé ses plus fortes percées à la présidentielle. Dans beaucoup de ces départements, et notamment dans les zones désindustrialisées, les populations les plus désorientées et désemparées ont donné une prime à la force et aux solutions d’autorité qui marque une radicalisation de l’électorat de droite qui est optiquement dissimulée par l’amplification de l’écroulement du FN. Le résultat donne une droite hégémonique dans des départements, voire des régions entières qui n’auront quasiment plus aucun parlementaire de gauche. Car la gauche recule davantage là où elle n’est plus en situation de mener le combat ou quand elle renonce à le faire. Troisième leçon : sans même parler de victoire, il n’y aura pas de résistance sans combattants pour la mener.


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