EVASION FISCALE : Un fléau qu’une étude Britannique chiffre à 825 milliards !

jeudi 14 février 2019.
 

« Pour la France, on est au-delà des estimations souvent présentées, Une étude britannique publie des estimations précises sur l’état de l’évitement illégal de l’impôt dans l’Union européenne et pointe plusieurs pistes pour réduire ce fléau.

L’évasion fiscale, il y a les pays qui en profitent, et ceux qui en pâtissent. Cela peut paraître un truisme, mais la vérité des chiffres parle, donne un éclairage particulièrement cru sur cette réalité. Une nouvelle enquête, publiée le 23 janvier par Richard Murphy, spécialiste de la fiscalité à l’université de Londres, et commandée par le groupe parlementaire socialiste au Parlement européen, estime qu’en 2015, l’évasion fiscale a représenté entre 750 et 900 milliards d’euros de manque à gagner pour les États membres de l’Union européenne (nous avons retenu pour le titre de l’article et l’infographie ci-contre la moyenne de l’estimation soit 825 milliards d’euros – Ndlr). Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne, l’Italie a perdu 190 milliards d’euros, la France près de 120 milliards, alors que Malte, paradis fiscal notoire, quasiment rien. «  Pour la France, on est au-delà des estimations souvent présentées, dans la fourchette de 60 à 80 milliards, mise à jour par le syndicat Solidaires finances publiques à 100 milliards récemment, pointe le sénateur communiste Éric Bocquet, coauteur de Sans domicile fisc. J’ai regardé le budget 2019, ces 120 milliards d’euros qui échappent à la France représentent les recettes cumulées de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur les sociétés et de la taxe sur les produits énergétiques. C’est énorme  !  » poursuit l’élu. La moitié des pays de l’Union européenne ont un manque à gagner lié à l’évasion fiscale dépassant largement leur budget de la santé.

Une chape de secret maintenue par de nombreux États Les sommes brutes sont impressionnantes, mais ces montants sont aussi à rapporter à l’économie des pays. Ainsi, de manière relative, le pays qui souffre le moins de l’évasion fiscale est le Luxembourg, celui qui en pâtit le plus est la Roumanie, qui perd 29,51 % de ses recettes potentielles dans l’évasion fiscale. La Grèce, avec plus de 26 %, est aussi une grande perdante. «  C’est vraiment la double peine pour ces pays, en difficulté économique, étranglés par l’austérité et par l’évasion fiscale  », déplore Éric Bocquet. «  De nombreux pays qui se sont engagés dans des politiques d’austérité et de baisse des dépenses publiques l’ont fait car leur possibilité de recouvrer ou d’augmenter des impôts était limitée  », ­explique Richard Murphy dans l’étude. Ce qui le conduit à mettre en évidence deux types de manque à gagner fiscaux  : celui qui est causé par le manque de loyauté politique de certains pays qui offrent avantages et exemptions fiscales au détriment de leurs voisins, ce qui a des conséquences directes sur les politiques d’austérité qui sévissent dans les pays qui en sont victimes. Ceci est à ajouter au manque à gagner purement frauduleux, plus classique, comme l’évasion fiscale traditionnelle, la non-déclaration de revenus ou les diverses fraudes aux cotisations…

L’étude déplore également la chape de secret maintenue par de nombreux États de l’Union européenne qui empêche des estimations plus précises du coût de l’évasion fiscale en Europe. Selon l’auteur, seule la Grande-Bretagne publie beaucoup de données, une quinzaine de pays le font partiellement, principalement sur la TVA, les autres maintiennent une opacité difficile à percer.

C’est pourquoi l’exigence de transparence fiscale, sur tous les types d’impôts, est plus que jamais nécessaire. Richard Murphy propose la mise en place d’un registre public et centralisé des multinationales et des trusts, dans tous les États membres de l’UE, capable de fournir à toutes les administrations fiscales les données de comptabilité et de propriété. Une proposition partagée par le PCF. «  On a débattu récemment au Sénat de la convention fiscale entre la France et le Luxembourg, qui date des années 1950 et qui n’a ni évité le scandale Luxleaks ni le fait que tous les bénéfices de McDonald’s France soient transférés vers la holding au Luxembourg et échappent ainsi à l’impôt, illustre le sénateur. C’est pour cela qu’on n’a pas voté cette convention fiscale, mais également parce que, selon nous, la transparence doit être universelle et pas seulement bilatérale  », poursuit-il. Il insiste aussi sur l’importance de la création d’une liste crédible des paradis fiscaux, puisque aucun pays de l’UE n’y figure actuellement. «  On propose aussi d’accroître fortement les pouvoirs du Parlement européen sur ces questions car, jusqu’ici, tout est dans les mains de la Commission, et elle est dirigée par Juncker et on peut douter de sa sincérité à lutter contre ce fléau  », conclu Éric Bocquet.

Pierric Marissal


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