Macron et l’Union Européenne : 2 ans indigents !

mercredi 27 mars 2019.
 

Dans une tribune récente, Emmanuel Macron appelle à une « renaissance européenne ». Pourtant, deux ans après son élection, son bilan est indigent.

Déjà en 2017 avec drapeaux et hymne européens à chaque meeting, il n’a jamais caché son ambition d’être le champion de l’Union européenne. Son discours de la Sorbonne de septembre 2017 donnait le ton. Jouer le bon élève de la classe européenne et avancer avec la chancelière allemande pour une intégration plus poussée. Deux ans après ce ne sont que défaites, renoncements et camouflets.

CETA, la bataille non-menée

Durant sa campagne présidentielle Macron promettait la mise en place d’une commission d’experts pour évaluer l’impact environnemental du CETA, l’accord UE-Canada. Si les conclusions sont négatives, « je le porterai vers nos partenaires européens pour alors faire modifier ce texte ». La commission a rendu un verdict clair : l’accord est dangereux pour l’environnement et les engagements de la COP21, défavorable aux agriculteurs européens, susceptible d’empêcher les États de s’opposer aux excès des multinationales. Que fait le « Champion de la Terre » ? Rien. Le CETA est entré en application « provisoire » le 21 septembre 2017, avant même sa ratification par le Parlement français, d’ailleurs repoussée à l’automne. Même avec un vote négatif de nos représentants, il n’y a pas d’automaticité ; il appartiendrait encore à Macron de prendre les dispositions nécessaires pour faire tomber le CETA ou permettre à la France de ne pas y être soumis.

Glyphosate, l’enfumage Macron

La bataille de LFI commence à porter ses fruits. On ne parle plus d’une autorisation pour 15 ans, ni même sept ou cinq mais trois ans. De Younous Omarjee à Bénédicte Taurine, depuis le Parlement européen jusqu’à l’Assemblée nationale en passant par la campagne de dépistage du glyphosate dans les urines, les élus FI travaillent sans relâche à la fin du pesticide de Monsanto. Pourtant, en novembre 2017, les représentants français et européens du Conseil prolongeaient pour cinq ans l’autorisation du glyphosate. Faute d’avoir mené la bataille auprès de ses partenaires européens et notamment allemands, Macron se dit alors prêt – dans un tweet- à montrer la voie vers une Europe libérée du pesticide et l’interdire en France dans les trois ans. Au Salon de l’Agriculture, il promet une nouvelle fois la fin de l’autorisation du pesticide d’ici 2021 …mais « dans 80% des cas ». Pourtant, il continue de s’opposer à l’inscription dans la loi de cette interdiction ; en mai dernier quand un de ses propres membres de l’Assemblée le proposait ou encore récemment en refusant tout net le débat de la niche parlementaire insoumise. Aujourd’hui, l’inscription dans la loi est envisagée « s’il n’y a pas de diminution significative des quantités utilisées dans les mois qui viennent ». Macron veut gagner du temps alors qu’un sondage indique que 89% des Français sont contre le pesticide.

Travailleurs détachés, la grande escroquerie

Cela sera passé relativement inaperçu mais dans son discours de la Sorbonne, Macron affirme que « quand un travailleur est détaché dans un autre pays, aujourd’hui la principale source d’inégalité sont les cotisations ». Pourtant, actée en octobre 2017 par son gouvernement et ses partenaires européens, la révision de la directive de 1996 ne touche absolument pas cet élément central du dumping social en Europe. Les cotisations sociales continuent d’être payées dans le pays d’origine du travailleur. Comble de l’entourloupe, il se vante d’avoir obtenu que la durée maximale de détachement soit désormais limitée à 12 mois (renouvelable pour 6 mois). Une « avancée » totalement inutile quand la durée moyenne d’un détachement est de 47 jours en France et trois mois à l’échelle de l’UE. Bref, « le grand pas vers l’Europe sociale » n’aura pas lieu.

Taxe sur les transactions financières enterrée

Dans son discours de la Sorbonne, Macron plaide pour une taxe européenne sur les transactions financières (TTF). Le projet n’est pas nouveau. Des discussions sont en cours depuis des années entre 10 États-Membres dont la France. Les négociations ont pourtant été suspendues dès mai 2017 par Macron lui-même, désireux d’attirer les financiers de la City londonienne en vue du Brexit. En décembre, Bruno Le Maire et son homologue allemand déclarent vouloir relancer les discussions mais au niveau de la zone euro. Ce qui revient tout bonnement à enterrer définitivement tout projet de TTF. Pourquoi ? Parce que dans l’UE, en matière de fiscalité, les décisions doivent se prendre à l’unanimité au Conseil. Et le Luxembourg, l’Irlande et les Pays-Bas, paradis fiscaux notoires, ne sont pas prêts de se laisser faire. Macron a donc lâché la proie pour l’ombre : abandonné un projet entre États-Membres volontaires au profit d’une solution à 28 ou 27 inatteignable dans le cadre des traités actuels.

Budget de la zone euro réduit

Annoncé en grande pompe à la Sorbonne, Macron souhaitait une « refondation » de l’Union d’ici à 2024 autour d’une zone euro quasi fédérale et doté de son propre « ministre » pour investir et disposer de « moyens face aux chocs économiques », car « un État ne peut, seul, faire face à une crise lorsqu’il ne décide pas de sa politique monétaire ». Merkel a tranché. Point de budget spécifique aux États de la zone euro, tout au plus une ligne budgétaire dont le montant et le financement exacts restent encore à déterminer. Car pour le moment, la taxe sur les géants du numérique, la taxe carbone ou l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés en restent à des vœux pieux. Quant à l’instauration d’un contrôle parlementaire de la zone euro, la chancelière s’y refuse également. Bref, Berlin préserve son pouvoir de veto et le fonctionnement actuel de la zone euro, largement profitable à ses rentiers. Enfin et surtout, cette maigre ligne budgétaire aura été obtenue en contrepartie du renforcement du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) qui sera à l’avenir encore davantage conditionné aux réformes structurelles. C’est l’humiliation totale pour la France qui sert au passage encore une fois de garant à une politique d’austérité pour tous.

Taxe géants du numérique, encore trop !

La Taxe GAFAM (pour Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft…) devait être adoptée en décembre 2018. Au dernier moment, le ministre des finances allemand a freiné des quatre fers, craignant des représailles américaines dont proviennent pour l’essentiel ces géants. Il est en effet crucial pour l’Allemagne de se montrer complaisante avec l’administration Trump alors que l’Union européenne entame des négociations pour un accord de libre-échange avec les États-Unis dont l’enjeu principal est l’exportation de ses voitures allemandes. C’est le retour du TAFTA !

Comme ses prédécesseurs, Macron se plie aux intérêts allemands démontrant plus que jamais la pertinence de la stratégie de la France Insoumise d’un rapport de force avec une stratégie plan A / plan B : aucune « renaissance » n’est possible sans rupture avec des traités qui ont constitutionnalisé la doxa allemande de l’ordo-libéralisme.

Sophie Rauszer et Emilien Capdepon


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