Le XXIème siècle compte 17 des 18 années les plus chaudes enregistrées depuis 1880. Et nous ne sommes qu’en 2019. Les glaciers fondent, le niveau des océans monte dangereusement et les événements climatiques extrêmes se multiplient. Nombreux sont les chantres qui propagent la bonne parole de « l’Europe qui protège ». Loin d’être la meilleure alliée du climat, l’Union européenne (UE) est garante de l’ordre établi alors qu’il faut tout changer.
Les ressources naturelles et les capacités de notre milieu à résister sont limitées. Pourtant, le système économique actuel repose sur la croissance illimitée de la production et l’extension infinie de la consommation. Mais les puissants courent après les profits, quitte à tuer le vivant et à broyer les gens. Ainsi, 100 multinationales sont à elles seules responsables de 71% des émissions de gaz à effet de serre (GES) de ces 20 dernières années. Et les 10% les plus riches de la planète en sont responsables à 50%.
Alors que la priorité est à la lutte contre les dérèglements climatiques, l’UE négocie des accords de libre-échange qui ont pour effet direct d’augmenter ces émissions. Les technocrates de l’UE martèlent : « ouverture à la concurrence ». Alors que l’avion émet jusqu’à 40 fois plus de CO2 que le train par kilomètre parcouru et par personne transportée, Macron a achevé de démanteler le ferroviaire, songe à céder les barrages hydroélectriques et privatise Aéroports de Paris. Une incohérence totale avec l’Accord de Paris alors que la régulation des transports et la transition énergétique nécessitent un contrôle public des infrastructures.
Quand les puissants au pouvoir ne se confondent pas directement avec les intérêts économiques et financiers, les lobbys se chargent de faire la mise en relation. Lors des négociations du TAFTA, accord de libre-échange avec les États-Unis, la Commission européenne a rencontré 10 fois plus de lobbys économiques et industriels que d’associations. Le lobbying est aujourd’hui l’un des obstacles majeurs à la transition écologique. Qu’il s’agisse du glyphosate dont ils ont refusé d’inscrire l’interdiction dans la loi ou encore de leur soutien aveugle au transport routier et aérien, la majorité libérale européenne marche main dans la main avec les empoisonneurs.
En effet, depuis 2014, l’ALDE est financée par des multinationales, dont Bayer-Monsanto. C’est à ce parti libéral européen que s’apparente LREM. On comprend mieux leur empressement à refuser d’interdire le glyphosate ! Ainsi, en Europe, manger tue ; respirer aussi, et ce 2 fois plus que prévu par les estimations officielles. La pollution serait à l’origine d’environ 800 000 morts prématurées chaque année et près de 9 millions à l’échelle mondiale. Les plus précaires sont les premières victimes. Plutôt que d’offrir des alternatives durables, l’UE anticipe un renouveau industriel via les agrocarburants. Des critères de durabilité fallacieux vont augmenter l’importation d’huile de palme et de soja incorporables aux carburants européens jusqu’en 2030 au moins. De quoi aggraver la déforestation et accentuer les émissions de GES. Un remède pire que la maladie.
Fier promoteur de l’« Europe qui protège » et « champion de la terre », Macron ne s’est pas opposé aux Allemands lorsqu’ils ont proposé d’importer plus de soja et de gaz américain pour éviter que Trump n’augmente les taxes d’importation sur leurs berlines. De fait, les importations cumulées de gaz naturel liquéfié américain dans l’UE sont en hausse de 181% début mars 2019. De quoi faire bondir encore les émissions de GES. Et il y a forcément du gaz de schiste dedans, alors que son extraction est interdite en France. C’est le royaume des compromissions et de la tartufferie écologique au pays du libre-échange.
Aucun pays de l’UE n’a pour l’instant formulé d’engagement qui soit dans les clous de l’Accord de Paris. La Commission Européenne a présenté une stratégie « Une planète propre pour tous » en novembre 2018. Mais les gouvernements européens peuvent faire ce qu’ils veulent du texte de la Commission, puisque celui-ci n’est pas contraignant… tout comme l’Accord de Paris. 9 pays de l’UE ont tout de même proposé un objectif de 100% d’énergies renouvelables. De quoi créer 900 000 emplois à horizon 2050 en France ! Mais en fervent défenseur du nucléaire, Emmanuel Macron n’a pas soutenu cette proposition. Il préfère le concept de « neutralité carbone » qui ouvre la voie à toutes les méthodes fumeuses de compensation. En somme, tout changer pour que rien ne change.
Les règles budgétaires européennes, véritable carcan austéritaire, empêchent tout État membre de mener une politique de planification écologique par une relance économique conséquente. Interdit de s’endetter, la règle d’or n’autorise pas plus de 3% de déficit public. Nombreux sont ceux qui vantent les mérites d’une « Banque du Climat » afin de financer la transition écologique. Mais sans remettre en cause les traités, celle-ci ne pourra jamais exister ou alors avec une portée limitée.
La meilleure arme écologique de l’UE est celle d’un marché carbone européen inoffensif. En effet, des droits à polluer sont distribués gratuitement aux entreprises comme Total. Et lorsqu’elles payent, c’est un tarif préférentiel qui est appliqué, tandis que les individus sont culpabilisés. Les subventions aux énergies fossiles représentent 110 milliards d’euros annuels en Europe. « L’Europe qui protège » c’est +3% des émissions de GES en 2017 en France, +1,8% en UE.
Il n’y a donc pas de politique écologiste possible dans le cadre du système économique de l’UE. Tant que le pouvoir politique sera accaparé par les premiers responsables de la catastrophe écologique en cours, aucune réponse suffisante ne pourra être apportée. Et tant que les défenseurs de la logique de marché et ses corollaires de rentabilité et de concurrence, régneront sur l’Europe, celle-ci ne sera d’aucun secours. Les incitations bienveillantes faites aux industriels et la culpabilisation des comportements individuels sont les deux faces d’une même pièce : la volonté des libéraux de défendre coûte que coûte leur business contre l’intérêt général.
Les Français ne sont pas dupes. Les préoccupations sociales et environnementales convergent jusque dans la rue. Les jeunes qui ont lancé la grève pour le climat appellent à la sortie du capitalisme. Avec maturité, ils dénoncent le libéralisme incompatible avec l’écologie. L’UE dans sa forme actuelle y est un obstacle. Contre leur règle d’or, imposons la règle verte. Plutôt que le grand déménagement du monde, il faut instaurer le protectionnisme solidaire. Contre leur système mortifère, il faut une écologie populaire. Et pour cela, il est nécessaire d’élire des parlementaires de combat au service du climat.
Manon Dervin
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