Élections européennes : les enjeux

dimanche 26 mai 2019.
 

Quitter l’Europe, changer l’Europe, sortir des traités, aller vers plus d’Europe... est-ce que ces questions sont réellement pertinentes dans le cadre des élections européennes ? La rédaction d’Europe insoumise expose les réels enjeux d’une telle élection le 26 mai en France, et prend parti pour la liste de la France insoumise menée par Manon Aubry.

Élections européennes : les enjeux

Comment s’y retrouver au milieu des 34 listes pour les élections législatives européennes ? Nous ne prétendons pas ici donner des consignes de vote, mais voulons faire le point brièvement sur les grands enjeux politiques de cette élection.

Le référendum anti-Macron. Le président de la République ayant ligué contre lui une bonne part de l’opinion publique, il pourrait se retrouver affaibli si la liste « Renaissance » obtenait un score décevant et plus bas qu’annoncé dans les sondages. Raison probable pour laquelle, d’ailleurs, il a lui-même mouillé le maillot, déjà lors de ses longues prises de parole dans le cadre du « grand débat », puis en affichant son portrait sur certaines affiches à la place de la tête de liste de son parti, Nathalie Loiseau, ceci au mépris de la règle implicite qui veut que le président de la République représente tous les Français et adopte un positionnement neutre lors des élections intermédiaires. C’est cet enjeu de protestation qui est généralement brandi, notamment par les Gilets jaunes, quand il s’agit de donner des arguments contre l’abstention ou son équivalent, le vote blanc : voter pour n’importe quelle liste, sauf celle de Macron. Notez que notre rédaction se désolidarise de la stratégie qui consisterait à voter à l’extrême droite simplement pour que la liste LREM soit devancée. Affaiblir le parti au pouvoir, oui, mais sans pour autant en renforcer un autre au moins aussi nocif.

Construire un rapport de force au niveau européen pour pouvoir peser ensuite au niveau de la politique nationale. Un score important aux européennes permet d’inscrire le combat politique dans un temps long, de se renforcer mutuellement avec les formations sœurs des autres pays, d’avoir des élus qui donnent du poids à un parti politique, d’obtenir des moyens d’action et plus de visibilité dans les médias, etc., pour que cette dynamique joue ensuite lors des scrutins à l’échelle locale ou nationale (élections municipales, législatives, présidentielles…).

Envoyer des députés de combat au Parlement européen. Comme on le sait, le Parlement européen a des pouvoirs limités, largement inférieurs à ceux des États-nations qui constituent l’Union européenne et interviennent directement auprès de la Commission européenne. Dans le jeu des institutions politiques, si l’on veut changer les choses, la présidentielle reste donc en France l’élection phare. Mais malgré tout, il est possible de faire des choses au niveau européen, et plus un mouvement ou parti a d’élus à Bruxelles, plus il aura le loisir de faire entendre sa voix, plus il pourra lutter, le cas échéant, contre les lobbies, et faire respecter les revendications des citoyens. L’activité législative du Parlement européen a beau être limitée dans ses compétences par le jeu des institutions, elle a néanmoins son importance et peut par exemple, on l’a vu avec l’interdiction de la pêche électrique, imposer des normes écologiques qui aident juridiquement les associations locales de protection de l’environnement dans leurs luttes contre les projets écocides. Les députés européens sont aussi les seuls, désormais, qui peuvent voter contre les accords de libre-échange, ils peuvent également légiférer pour la protection des lanceurs d’alerte, etc. Le Parlement européen n’est évidemment pas l’arme ultime qui permettrait de tout changer, mais c’est tout de même une arme dont on aurait tort de ne pas se saisir. De ce point de vue, l’inactivité ou la nocivité de l’action des élus RN au Parlement européen (abstention lors du vote sur le statut des travailleurs détachés, le congé de paternité, etc.) est une raison supplémentaire de ne pas voter pour leur liste. Si l’on veut avoir une vue d’ensemble du travail des députés français de la mandature précédente, on pourra consulter le panorama qu’en a fait le service des Décodeurs du Monde.

Avoir un programme qui donne envie, qui sache répondre au besoin d’émancipation citoyenne, ainsi qu’aux urgences sociales et écologiques. LREM n’a présenté son programme que 15 jours avant l’élection, d’autres partis comme le RN ou LR ont eux aussi présenté des programmes très succincts de manière tardive. Cela montre le peu de crédit qu’ils semblent accorder sinon au débat d’idées, du moins à un contenu législatif à réellement mettre en oeuvre une fois au Parlement européen.

Dans les enjeux politiques liés à cette élection, n’apparaît donc pas la question de la sortie de l’Union européenne, ni celle de la sortie de l’euro, ni même, à vrai dire, celle de la désobéissance aux traités de l’UE. Toutes ces questions n’ont aucune pertinence dans le cadre des élections législatives européennes, elles n’ont de sens que lors des élections présidentielle et législatives. Les parlementaires européens n’ont ni la fonction, ni le pouvoir de transformer en profondeur les institutions européennes, ils ne peuvent pas décider du niveau d’implication de la France dans l’UE. Voter pour le Frexit aux élections législatives européennes n’a donc pas de sens. Philippot ou Asselineau, s’ils étaient élus à Bruxelles, ne pourraient évidemment pas honorer leurs promesses de sortie de l’Europe.

Ne devraient normalement pas non plus, idéalement, faire partie des enjeux le fait que tel candidat soit d’ores et déjà annoncé comme faisant partie de l’heureuse cohorte des listes pouvant potentiellement dépasser la barre fatidique des 5%. Mais malheureusement, cela peut constituer un problème stratégique si on ne veut pas que son vote équivale, tous risques pesés, à un vote blanc. On ne peut bien évidemment pas reprocher à quelqu’un d’avoir voté pour une « petite liste », mais cela reste un cas de conscience : ce point est, en quelque sorte, comme un demi-enjeu, à régler selon la morale citoyenne de chacun.

Comme nos lecteurs s’y attendent sûrement, nous conseillons le vote France insoumise, qui nous semble être le seul à même d’envoyer de nombreux élus au Parlement européen qui soient réellement d’opposition, et qui permette, à long terme, d’instaurer un rapport de force favorable à un changement en profondeur des institutions françaises (RIC, Constituante pour une VIe République) et européennes (refaire les traités, ou en sortir). Le risque majeur d’un vote EELV est selon nous qu’il n’est que trop probable que Yannick Jadot et ses acolytes finiront au bout du compte affiliés, comme d’habitude, à la social-démocratie défendant les intérêts de l’oligarchie financière. Pour ce qui est des « petites listes », soit l’on joue « quitte ou double », et l’on escompte que la liste PCF, Générations, Lutte ouvrière ou Génération écologie pour laquelle on vote dépassera les 5% et permettra l’entrée au Parlement de quelques députés ; soit, plus raisonnablement et plus prudemment, on essaye d’envoyer au Parlement le plus de députés possible de la FI, déjà certaine de dépasser la barre des 5%. C’est un choix stratégique relevant d’une morale citoyenne individuelle, et on ne pourra pas reprocher à qui que ce soit d’avoir voté pour une « petite liste » : il en va de l’appréciation individuelle des programmes politiques, ainsi que du choix de voter, même « à perte », « pour le geste », pour une « petite liste » qui fera certes baisser proportionnellement les pourcentages des autres listes dont celle de LREM, mais a de grandes chances de n’envoyer personne au Parlement.

La rédaction d’Europe insoumise


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