Construisons ensemble une nouvelle force (par Clémentine Autain, adjointe au maire de Paris)

vendredi 29 juin 2007.
 

On ne va pas se raconter d’histoire : la défaite est raide. Les annonces du gouvernement vont bon train pour faire vivre le projet ultralibéral et autoritaire de Sarkozy : redistribution des richesses au profit des plus riches, mise en concurrence généralisée, surveillance de nos libertés, casse des outils de l’égalité. La prétendue ouverture à gauche est là pour alimenter un rêve : réduire en miettes la gauche, étouffer la contestation. Nous sommes et serons là pour riposter à chaque attaque, chaque régression. Mais contester ne suffira pas. Reconstruire une alternative est tout aussi urgent et indispensable.

L’échec de la gauche n’est pas un accident. Refermer le couvercle de la marmite, comme en 2002, en attendant le prochain train électoral serait désastreux. Car les raisons de la défaite sont profondes. Nous avons perdu idéologiquement et culturellement. Nos faiblesses ont impacté les repères politiques, les esprits, les espoirs. Cela doit sérieusement nous secouer.

Oui, cette droite mérite une bonne gauche. Et à quoi bon se lamenter des dérives libérales du PS, de ses erreurs, de sa droitisation... ? Il est de notre responsabilité de faire vivre une gauche de gauche. Les faibles scores des candidatures antilibérales et l’essor du Modem invitent certains à prêcher pour une gauche à l’eau de rose. Reconnaissons que nous ne sommes pour l’heure pas à la hauteur et qu’une remise en cause s’impose. Même si nous avons des arguments ! Non seulement la voie incarnée par Ségolène Royal vient de perdre mais les politiques sociales-démocrates menées en Europe ont échoué. En outre, la contestation est ancrée dans notre pays. Des grèves de 1995 aux manifs contre le CPE, en passant par la campagne du « non » au référendum européen, aux luttes des salariés contre les délocalisations ou au réseau citoyen de défense des sans-papiers, les mouvements sociaux ont du ressort. Manque une traduction dans l’espace politique à proprement parler. Le paradoxe est là : le terreau de la radicalité existe mais il ne prend pas sur le terrain électoral.

La seule incantation ne suffira pas. Balayons devant notre porte ! D’abord, le travail de fond. En sortant des réflexes et des routines, il faut s’atteler à la refondation d’un projet de transformation sociale, et notamment à sa cohérence. Pas une succession de revendications, mais une vision du monde, prélude à la création d’une « intellectualité de masse », à une appropriation populaire de ce changement radical à gauche. Si sa colonne vertébrale est bien le dépassement du capitalisme et si l’ancrage dans le meilleur de la tradition du mouvement ouvrier doit être revendiqué, ce projet doit articuler des problématiques neuves : identités de genre, ruptures écologiques, exigences démocratiques, revendications urbaines, défis postcoloniaux... Faisons la démonstration de la convergence de tous les combats émancipateurs. Réinventons les mots pour le dire, pas seulement en contre (anti), mais dans un vocabulaire en positif qui rende compte de notre inscription dans le monde contemporain. Du sens, mais aussi de la crédibilité. Nous devons approfondir nos acquis pour que le partage des richesses, des pouvoirs et des savoirs ne soit pas qu’un slogan. Nous avons à convaincre sur nos marges d’action, sur comment transformer dans un contexte de mondialisation.

Le cadre politique pour cette alternative est un enjeu. Une leçon de cette présidentielle ? La division est mortifère. Aucune sensibilité de la gauche d’alternative ne peut prétendre à elle seule représenter l’ensemble, être le centre de gravité de l’unité à construire. Nous avons besoin de fédérer, de frotter les apports des uns et des autres. La refondation ne se fera pas sans les communistes. Elle ne se fera pas non plus sans écolos, sans républicains et socialistes authentiquement de gauche, sans héritiers de la tradition trotskiste. Elle ne se fera pas sans l’apport de toutes les cultures et traditions de la gauche critique, sans les forces sociales et intellectuelles. Et surtout, sans ouvrir nos portes et nos fenêtres aux classes populaires et aux jeunes. Rien ne sortira de neuf et de mobilisateur si nous fonctionnons à guichet fermé, obnubilés par les seules alliances entre tendances et sous-tendances organisées. Si nous nous engageons unis, alors nous serons en état de construire un autre rapport au PS - ni aiguillon éternellement minoritaire, ni porteur d’eau d’une majorité dont l’orientation nous échappe. Ce qui importe, c’est de trouver les voies pour que la gauche bien à gauche donne le « la ». Encore faut-il donner du contenu à cette orientation pour qu’elle ne soit pas qu’un « copié-collé » de formules ressassées - faute d’être re-pensées.

La reconstruction d’une force large, populaire et source de majorité dans le pays est possible. Si nous arrivons à sortir de l’esprit de rancoeur et de vengeance que la dernière période a favorisé. Si nous avons une lecture exigeante du rendez-vous raté de 2007. Si nous avons l’obsession de nous rénover, de nous ouvrir. Si nous cessons de bricoler pour construire ensemble une force nouvelle.


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