L’extrême droite en tête d’un paysage politique dévasté

dimanche 2 juin 2019.
 

Le regain de participation, surprise de ce scrutin, porte en tête la liste RN. Un échec cuisant pour Macron, mais aussi pour la gauche, dont l’addition des scores dépasse laborieusement les 30 %.

Emmanuel Macron jouait gros. Non seulement il a perdu, mais il aura dans sa chute déroulé le tapis rouge à l’extrême droite, qui, pour la deuxième fois dans l’histoire de la Ve République, arrive en tête d’un scrutin national. Créditée de 24,2 % à l’heure où nous écrivons ces lignes, la liste du Rassemblement national arrive devant celle de la majorité LaREM (22,4 %), qui accuse une cuisante défaite. Surprise et fait majeur de ce scrutin, la participation devait dépasser les 52 %. Du jamais-vu depuis vingt-cinq ans. Mais ce reflux de l’abstention n’aura pas profité à la majorité macroniste, sévèrement sanctionnée pour ce premier scrutin intermédiaire du quinquennat. Encore moins à la liste LR menée par François-Xavier Bellamy, autre surprise du scrutin, qui s’écroule à 8,5 % des voix. Quant à la gauche, elle sort plus affaiblie que jamais, malgré une percée de la liste EELV (12,7 %). Selon les premières estimations, les scores additionnés de toutes les formations (PCF 2,6 %, FI 6,2 %, PS 6,2 %, Génération.s 3,2 %) atteindraient péniblement les 31 %. Soit pas beaucoup plus que l’addition des listes d’extrême droite (environ 29 %). C’est dire si la crise démocratique et la déflagration du paysage politique depuis 2017 sont loin d’être terminées… et la menace brune une réalité désormais bien concrète. Le «  nouveau monde  » a du plomb dansl’aile

Mais la défaite est d’autant plus cinglante pour le président de la République qu’il avait fixé lui-même les règles du jeu, enfermant le débat politique dans son duel mortifère avec le RN de Marine Le Pen. En montant au front dans la dernière ligne droite de la campagne, Emmanuel Macron avait même délibérément cherché à présidentialiser ce scrutin, quitte à prendre le risque d’attiser le vote sanction à l’égard de sa politique, mais surtout en détournant l’élection de son objectif intrinsèque  : l’Europe. Le retour de boomerang est violent. C’est d’abord une défaite personnelle pour le chef de l’État, déjà très affaibli depuis décembre et les mobilisations des gilets jaunes. Ce matin, le «  nouveau monde  » a du plomb dans l’aile. Et la majorité devra composer avec cet échec jusqu’à la fin du quinquennat. Pas de quoi s’enthousiasmer pour autant de ce carton rouge, quand le vote sanction contre le président des riches s’est à ce point incarné dans le vote RN. Les calculs politiciens du pouvoir se sont avérés d’autant plus dangereux que la victoire du RN vient conforter un rapport de forces politique européen où l’extrême droite continue de tisser dangereusement sa toile (voir ci-contre). Le score de Marine Le Pen confirme, pour qui en doutait encore, la place centrale que joue désormais le parti d’extrême droite dans un paysage politique toujours en recomposition. Et la châtelaine de Montretout ne manquera pas de fanfaronner sur ce match retour gagné contre le président de la République pour capitaliser sur cette victoire. La gauche sort sérieusement affaiblie

Incapable depuis le début du quinquennat d’incarner une alternative unie et crédible à Macron, la gauche, ce matin, est au tapis. Seule EELV, poussée par une dynamique de fin de campagne durant laquelle Yannick Jadot a réussi à incarner la réponse politique à l’urgence climatique, a su créer la surprise avec près de 13 % des voix, volant la troisième place à la liste LR. Pour la FI, c’est la douche froide  : avec 6,2 % des voix, elle fait presque deux fois moins que pour les élections législatives de 2017 (11,03 %), où les insoumis avaient déjà sérieusement dévissé après le score historique de Jean-Luc Mélenchon aux présidentielles. Deux ans plus tard, les 7 millions de voix qui avaient failli le porter au second tour se sont en grande partie évaporées dans la nature ou reportées vers la liste EELV. La profusion de listes, et donc de l’offre politique, loin de remobiliser un électorat complètement déboussolé, l’a désespéré face à l’absence d’une dynamique majoritaire. Le PCF, en dépit de la très belle campagne menée par Ian Brossat (lire page 7), crédité à l’heure où nous écrivons ces lignes de 2,6 %, ne parviendrait pas à envoyer, pour la première fois de son histoire, des eurodéputés à Strasbourg. De son côté, la social-démocratie s’écroule également, avec 3, 4 % pour la liste de Benoît Hamon, même si la liste de Place publique (entre 6 et 7 %) aura des députés européens. Après trente ans de votes bafoués et de promesses trahies, nombre de citoyens ne croient plus en la capacité du politique à changer leur vie. Ce n’est pas la gauche qui a incarné l’opposition à l’ultralibéralisme de Macron. Mais l’extrême droite. Une claque à méditer, et le début d’un vaste chantier…

Maud Vergnol


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