Faire clair pour faire du neuf ( par Pierre Zarka, membre du Conseil national du PCF)

samedi 30 juin 2007.
 

Que ni la gauche ni le PCF ne peuvent continuer comme cela, est une idée largement partagée. Déjà, la création d’une force sur le modèle du Die Linke allemand est évoquée ; de son côté, Gauche avenir vient d’être créé. Mais vouloir avancer vers un nouveau type de formation suppose de travailler en même temps sur le projet politique qu’il doit servir. C’est lui qui détermine ce que l’on construit et avec qui.

Or les luttes, les mouvements structurés et même aussi des comportements et modes culturelles expriment des aspirations antilibérales et à des réalités radicalement démocratiques.

Le risque serait de ne mesurer l’antilibéralisme qu’aux résultats électoraux. Cela conduirait à ne rien changer et à absoudre les forces politiques alors qu’elles n’ont pas rendu possible le passage de tout cela à l’expression politique.

Le caractère pluriel de cette quête de transformations légitime la notion d’espace unitaire et la nécessité de ne pas se limiter aux seules forces politiques.

La Ire Internationale conçue avec Marx intégrait sur un pied d’égalité des forces de sphères politiques, mais aussi syndicales, associatives. La Seconde Internationale socialiste, dont nous sommes issus, nous l’a fait oublier. Ces forces sont autant de portes d’entrée qui conduisent au même objet.

Et ce rassemblement ne peut être qu’une construction continue basée sur une confrontation d’idées permanente.

Plus largement, on ne peut invoquer le rôle d’acteurs des gens et ne pas s’inspirer de la manière dont ils tentent de construire leur vie en société. Ils le font par une interaction entre individus et collectif qui leur permet d’essayer au mieux de maîtriser leur sort. Rien de ce qui se fait n’échappe à cette dualité. Une politique d’émancipation ne peut être rien d’autre qu’un moment privilégié de cette recherche de maîtrise de soi. La multiplicité des portes d’entrée, la possibilité de nouveaux rapports entre individus et pouvoirs des structures font de l’entrée en politique le prolongement de pratiques sociales.

De plus, il n’y aura pas d’engagement massif vers la transformation sociale sans penser de manière cohérente les contours d’un autre type de société et de la conception de la politique qui en découle. C’est un appel pour les forces les plus structurées, dont le PCF qui n’arrête pas d’annoncer son renouvellement depuis 1976, comme pour toute force alternative. C’est donc dans un cadre unitaire mêlant plusieurs voix que les communistes ont leur propre partition à écrire et à jouer.

Nous avons besoin de deux forces construites simultanément :

* le rassemblement des forces combattant le capitalisme et,

* en son sein, en toute souveraineté, un espace structuré de production de cohérence communiste articulant émancipation individuelle et appropriation progressive des pouvoirs jusqu’ici réservés aux élites institutionnelles, et nouveau type de développement. Un tel espace ne peut être la reproduction à l’identique du Parti actuel et ne peut produire efficacement que dans un cadre de rassemblement. Que l’un des deux espaces fasse défaut et l’autre ne peut exister. N’est-ce pas la douloureuse expérience que nous sommes en train de faire ?

Dans le Parisien du 11 mai, Jean-Claude Gayssot abordait la construction de quelque chose « à la gauche du PS », précisant qu’« il est temps de dépasser la référence stricte au Parti communiste ». Il poursuivait : « À quoi servirait de prolonger des références qui n’ont plus d’avenir ? Ceux qui pensent que le dogme doit continuer à exister ne seront pas contents. » L’intérêt de son texte est de ne pas se limiter à parler structure mais d’aborder le sens politique.

Cependant, je perçois une ambiguïté ; j’y lis une confusion un peu hâtive entre trois concepts différents : parti communiste, communisme, dogme. Certes, il ne faut plus attendre une autre catastrophe pour voir que le Parti communiste tel qu’il est arrive en bout de course. Mais je ne pense pas cela du communisme, même si je suis convaincu qu’il faut le redéfinir profondément. Je connais le handicap que traîne l’idée communiste et je passe beaucoup de temps à tenter de contribuer à la constitution d’une force citoyenne de la transformation sociale. Mais peut-on assimiler à « des références qui n’ont plus d’avenir » toute visée de société fondée sur la mise en commun ? Je crois que nous n’avons pas fait le tour de la capacité propulsive de la visée communiste.

L’idée que les dépenses sociales ne sont pas des charges que l’économie devrait assumer, mais la base d’une nouvelle efficacité sur laquelle peut se développer toute la société, ce n’est pas seulement dire qu’il y a de l’argent, c’est parler au nom du fonctionnement de la société. Ce n’est ni caduc ni spontanément produit par toutes les forces avec lesquelles on peut se rassembler. L’idée que les mutations du travail font de plus en plus appel à des acquis issus du « hors-travail » et que la rémunération de ce « hors-travail » est un levier d’efficacité permet de prendre à bras-le-corps les enjeux sociaux les plus porteurs d’avenir. L’absence de visée incluant le dépérissement de l’État au profit d’un nouveau type de citoyenneté a manqué à l’expérience soviétique et pousse encore aujourd’hui vers des cultures d’état-major et de nouvelles impasses. Revendiquer l’émancipation de toutes sortes de dominations construit la cohérence nécessaire à la production de visée commune à tant de situations disparates.

Il y a dans et hors le Parti communiste tant d’énergies dans l’attente de participer à un tel travail.


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