ALECA Tunisie, le libre-échange menace

lundi 8 juillet 2019.
 

Le projet d’Accord de Libre Echange Complet et Approfondi (ALECA), en négociation depuis 2016 entre l’Union Européenne et la Tunisie, s’inscrit dans une longue histoire de chantage à la dette, formalisé dès 1869 par l’assujettissement de la Tunisie aux créanciers. Dont la future puissance coloniale française, qui légua en 1956 des dettes au jeune Etat tunisien. Ben Ali, renversé en 2011, légua lui-même un pays surendetté sous tutelle du FMI. L’UE était entre temps venue s’en mêler en ouvrant en 1995 la voie au libre-échange via un accord de « libre association » jamais évalué par le gouvernement tunisien, mais responsable selon plusieurs études de la disparition de 55 % des PME tunisiennes et 300 000 emplois.

Qu’à cela ne tienne, l’ALECA prévoit désormais une libéralisation totale des échanges agricoles. D’un côté, des agricultures européennes excédentaires et largement subventionnées ; de l’autre, des milliers de petites exploitations peu productives sommées de se mettre aux « normes européennes ». Selon l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP), l’ALECA condamnerait 250 000 agriculteurs tunisiens. L’Accord imposerait également à la Tunisie une libéralisation des services poussée par 80 multinationales européennes rassemblées dans le « Forum européen des services », la fin du monopole d’Etat sur les ressources naturelles, l’interdiction de toute aide aux investisseurs nationaux, bref, une panoplie néolibérale complète. Le creusement du déficit commercial tunisien aggraverait la dévaluation du dinar, un renchérissement des importations, donc une baisse du pouvoir d’achat des tunisiens. Comme toujours, le libre-échange rime avec destruction de la démocratie et asservissement économique.

Côté tunisien, seule une petite oligarchie bancaire et commerciale bénéficierait de l’ALECA. Ces intérêts priment au sein d’un gouvernement par ailleurs tétanisé par le chantage des créanciers, notamment européens. Mais le conditionnel reste de mise au sujet de l’ALECA. Car après des mois de sensibilisation, une marche a été organisée le 1er mai à Tunis. Depuis, la puissante Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT) réclame la fin des négociations, aux côtés de l’UTAP, 10 partis et 40 associations. De quoi laisser espérer la mobilisation du peuple tunisien, qui attend les retombées économiques et sociales de sa révolution de 2011 pour la « liberté et la dignité ». La France Insoumise lui apporte son soutien, car la bataille va se jouer aussi sur la rive nord de la Méditerranée.


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