2 ans d’insoumission à l’Assemblée, le combat continue

mardi 9 juillet 2019.
 

Le 13 juin, une nouvelle bataille a commencé. Dans le cadre de la procédure de référendum d’initiative partagée, nous devons recueillir le soutien d’un dixième des électeurs et des électrices –4 717 396 signatures – dans un délai de neuf mois, afin de garantir le statut de « service public national » au groupe aéroportuaire Aéroports De Paris. Avec 247 parlementaires de tous bords politiques, j’ai soutenu la proposition de loi qui permettra au peuple de se prononcer sur cet enjeu d’intérêt national si, bien sûr, l’étape de collecte des signatures est franchie. Mon but, en tant que député, est de convaincre de la nécessité d’une mobilisation collective face à une privatisation absurde, décidée à travers la loi PACTE du 22 mai dernier. Rappelons la bonne gestion d’ADP par la puissance publique, avec un bénéfice net porté à 610 millions d’euros, en progression de 6,9% en 2018. Le groupe investit, se développe et rapporte 173 millions de dividendes par an à l’État. Dans sa logique comptable, le ministre de l’économie pense pouvoir récupérer davantage avec la privatisation : un total de 250 millions d’euros par an. Il ne prend pas en compte l’indemnisation des actionnaires minoritaires de l’ordre d’un milliard d’euros et les conséquences d’une captation des bénéfices par des actionnaires : dégradation de la qualité des services, augmentation des tarifs, sous-investissement, suppression d’emplois… Autant de menaces pour le savoir-faire aéronautique et aéroportuaire français. La privatisation a aussi pour objectif de réduire la dette publique. Or, faire du désendettement une priorité absolue de politique publique est une hérésie économique dans le contexte économique actuel – les taux sont si bas que l’État français est rétribué pour emprunter – et c’est l’ancien chef économiste du FMI qui le dit !

Les exemples des privatisations des autoroutes et plus récemment de l’aéroport de Toulouse devraient nous servir de leçon. Elles ont profondément mécontenté les usagers et ont été sévèrement jugés par la Cour des comptes. Cette tout première procédure référendaire, d’initiative parlementaire et citoyenne, est donc une opportunité historique de s’opposer à la politique portée par Emmanuel Macron, celle du bradage tous azimuts des fleurons nationaux et des services publics.

Comme je le dis souvent : il s’agit du patrimoine national, c’est donc le patrimoine des français·e·s et notamment de ceux qui n’en ont pas.

Voici le lien qui vous permettra de dire non à la privatisation d’ADP. Exigeons un référendum ! https://www.referendum.interieur.go... (Pour voter, il faut se munir de sa carte d’identité et de sa carte électorale)

Pendant que tout est mis en œuvre pour freiner ce processus, le Président de la République accélère sa politique antisociale et austéritaire. Après les ordonnances travail et la loi de 2017 de la prétendue « liberté de choisir son avenir professionnel », le troisième épisode de la casse de notre modèle social a commencé. Le mardi 18 juin a en effet été dévoilé le cœur de la réforme de l’assurance-chômage : la réduction des droits et le durcissement des conditions d’accès. Il faudra travailler plus longtemps sur une plus courte période pour percevoir ses droits et il sera plus complexe d’entrer dans le régime d’indemnisation. Cette réforme répond à une logique de pénalisation des chômeur·se·s, considéré·e·s comme coupables de leur situation. Je conteste le fondement de cette politique qui dénature la solidarité et fragilise le tissu social. L’orientation de la réforme est claire. On se dirige vers l’augmentation du nombre de personnes en situation de précarité et la suppression des droits de nombreux travailleur·se·s, notamment ceux des saisonniers. La logique de flexibiliser encore et toujours plus le monde du travail va renforcer le sentiment d’insécurité économique. Alors que les Français·e·s sont attaché·e·s à une certaine stabilité au travail, le gouvernement continue d’aller contre ce qu’il considère comme un « conservatisme ». A qui peut-il faire croire que le « progrès » consiste à supprimer des droits et revenir sur des acquis sociaux ? A côté de cela, les prétendus signes d’une inclinaison « sociale-libérale » (un bel oxymore) de la politique du gouvernement sont insignifiants. En témoigne l’exemple régulièrement mis en avant de l’ouverture de l’assurance-chômage aux démissionnaires : cette mesure sera finalement circonscrite aux seules personnes qui ont un projet de création d’entreprise. Au pays de la start-up nation, il y a ceux qui entreprennent et les autres, ceux qui ne sont rien. Pourtant, chercher un emploi correspondant à ses aspirations est un projet tout aussi légitime que créer une entreprise.

Enfin, il est question d’une taxation des contrats-courts mais c’est, là-aussi, une demi-mesure. Elle concerne seulement les « CDD d’usage » et son montant est faible, de l’ordre de dix euros, ce qui ne risque pas d’avoir un effet dissuasif. De telles simagrées relèvent de la « double-pensée » chère à Orwell. D’un côté, le gouvernement flexibilise, précarise, organise la destruction méthodique du code du travail en généralisant le recours à des contrats courts et précaires –notamment les CDD qui représentent 87% des embauches totales en 2017 ; et de l’autre, il annonce vouloir taxer ces mêmes CDD. Déplorer les effets et chérir les causes, selon la célèbre formule de Bossuet, n’a jamais fait une politique cohérente. Cela relève au mieux de l’opération de communication, au pire de l’hypocrisie. Le Président de la République est allé jusqu’à se plaindre des « dérives d’un capitalisme devenu fou » et d’une « erreur fondamentale » de méthode avec les gilets jaunes. Mais les Français·e·s ne sont pas dupes : ils sont 80% parmi les interrogé·e·s à ne pas croire en un « changement de méthode » de l’exécutif.

Si Edouard Philippe a proclamé le début de l’« Acte 2 du quinquennat » lors de son discours de politique générale, le mépris du dialogue social continue. Dans le cadre de la convention d’assurance-chômage portée par la ministre du Travail Muriel Pénicaud, syndicats et patronat ne sont pas parvenus à un accord. Les premiers se sont opposés à une pénalisation des chômeur·se·s les plus précaires ; le second s’est inquiété d’une taxe des CDD d’usage, ce qui pénaliserait les grandes entreprises dans leur course au moins disant social. En fait, la ministre savait qu’en présentant un texte inacceptable pour l’ensemble des partenaires sociaux, elle pouvait reprendre en main le dossier et réformer par décret, sans possibilité pour la représentation nationale d’amender le texte ou d’en débattre. Je me suis fermement opposé à ces méthodes lors de ma question orale adressée à la ministre du travail le 11 juin 2019 à l’Assemblée Nationale. Je lui ai notamment demandé de revenir à la table des négociations plutôt que de laisser à l’exécutif le pouvoir de décision.

Enfin, le dossier brûlant du moment est celui de la réforme des retraites. Emmanuel Macron ne se contente pas d’avoir participé à un gouvernement qui, en 2013-2014, a allongé la durée de cotisation à 43 ans. Il a voulu sa propre réforme. Les premières annonces évoquées par le haut-commissaire à la réforme des retraites sont la création d’un régime « universel » et la suppression des 42 régimes spéciaux. Cela va harmoniser vers le bas et ramener tout le monde au niveau des régimes les moins avantageux. Selon l’exécutif, les privilégié·e·s ne sont pas les 1% les plus riches qui ne sont plus assujettis à l’ISF et qui peuvent « ruisseler » tranquillement. Ce sont ces simples employé·e·s d’EDF, de la RATP, ces militaires, marins, fonctionnaires territoriaux et hospitaliers qui travaillent pour servir l’intérêt général. Pour le gouvernement, ils ont le tort de bénéficier d’un statut qui n’est pas conforme aux conditions du privé. En mettant un terme à la spécificité de ces régimes de retraite, on oublie que ce statut répond à des réalités, notamment celles de la pénibilité, des salaires moins élevés et des perspectives d’évolution interne limitées.

Cette réforme consacre aussi l’arrivée d’un système de retraite « à points » qui laisse présager d’une vision fondamentalement inégalitaire des retraites. La valeur du point varierait chaque année en fonction de la démographie et même de l’espérance de vie moyenne des Français. Cela pénaliserait directement les 5 % les plus pauvres puisque 13 années d’espérance de vie les séparent des 5 % les plus aisé·e·s. De plus, la logique « contributive » de la réforme pénalisera les femmes, qui ont bien souvent peu de droits directs à la retraite du fait de carrières « incomplètes ». Actuellement, 20% des femmes doivent déjà attendre 67 ans avant de partir à la retraite. Et si l’âge légal de départ à la retraite n’est pas directement remis en question, Edouard Philippe a annoncé la couleur dans son discours de politique générale. Il y aura bien un futur « âge d’équilibre » supérieure à l’âge légal, pour faire travailler davantage les séniors. Une logique absurde lorsque l’on sait que le chômage chez les jeunes dépasse les 20% et que la difficulté d’insertion dans la vie active des séniors est un problème réel, dont les employeurs s’inquiètent, notamment vis-à-vis des risques de maladies et des risques d’accident. Pris dans sa logique ordo-libérale d’équilibre budgétaire, le gouvernement n’est pas à une contradiction près. Il a toujours le même but : que les Français·e·s travaillent « plus » et surtout « plus longtemps ». Pourtant, aucun argument ne saurait le justifier, pas même celui de l’augmentation de l’espérance de vie. C’est justement parce que l’on travaille moins que l’espérance de vie augmente !

Sur ces sujets, je défendrai avec mes collègues du groupe parlementaire La France Insoumise le principe de solidarité, qui est le pilier fondamental de l’assurance chômage et de la retraite.

Enfin, en tant que membre de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation à l’Assemblée Nationale, je soutiendrai les professionnel·le·s du spectacle et les intermittents. Car si la réforme de l’assurance-chômage s’attaque essentiellement aux « intermittents de l’emploi », aux précaires et aux saisonniers, le statut des intermittents du spectacle s’apprête, lui aussi, à être remis en cause, en toute discrétion, par des décrets susceptibles d’être promulgués pendant les vacances d’été. L’assurance-chômage est pourtant l’assurance vie de ces professionnel·le·s qui, chaque jour, se battent pour une certaine idée de la culture, celle qui permet l’émancipation de chacun. Aujourd’hui, ils bénéficient d’un régime d’indemnisation qui correspond à la spécificité de leurs conditions de travail. Demain, rien n’est moins sûr. Les festivals de théâtre de l’été, en Ariège ou à Avignon, auront, à ce titre, un enjeu politique certain.


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