Liberté pour Carola Rackete, capitaine du Sea-Watch 3, et Pia Klemp !

mardi 16 juillet 2019.
 

- 1) Communiqué de presse du groupe parlementaire LFI
- 2) Italie : « L’arrestation de Carola Rackete est inacceptable : c’est un déni du droit de la mer, des conventions de Genève de 1951 sur le droit des réfugiés »
- 3) Portrait : Qui est Carola Rackete, la capitaine du bateau humanitaire « Sea-Watch 3 » ?

Le groupe parlementaire de la France insoumise appelle à rejoindre la mobilisation en soutien de Carola Rackete et Pia Klemp, capitaines de navires humanitaires, ce mercredi 3 juillet 2019 dans toutes les grandes villes de France.

Nous soutenons de manière inconditionnelle celle qui, avec son équipage, a sauvé la vie de 40 personnes en désobéissant aux interdictions imposées par le gouvernement italien. Elle est dorénavant poursuivie judiciairement pour un délit de solidarité.

Nous soutenons les associations, collectifs et citoyen·nes, en France et Europe, solidaires des personnes migrantes qui font honneur à nos principes et nos valeurs en portant secours à celles et ceux qui cherchent un refuge.

Nous refusons de laisser mourir des hommes et des femmes en mer.

Nous refusons la criminalisation de la solidarité.

Nous défendons une politique de solidarité qui accueille dignement les réfugié·es et règle les causes des migrations forcées.

Nous demandons au gouvernement français d’intervenir fermement auprès du gouvernement italien et d’organiser le sauvetage en mer par des moyens publics, comme nous l’avons proposé à de nombreuses reprises depuis deux ans.

2) Italie : « L’arrestation de Carola Rackete est inacceptable : c’est un déni du droit de la mer, des conventions de Genève de 1951 sur le droit des réfugiés »

Dans une tribune au « Monde », un collectif de huit dirigeants d’ONG demande la libération immédiate de Carola Rackete. Le 29 juin, elle était arrêtée pour avoir accosté de force en Italie avec une quarantaine de migrants à bord du bateau « Sea-Watch 3 ».

Ayant pris la décision de forcer l’entrée dans les eaux territoriales italiennes pour pouvoir faire débarquer les migrants secourus qui étaient à son bord, Carola Rackete, capitaine du Sea-Watch 3, a été arrêtée dès son arrivée à Lampedusa. Cette démarche de la commandante de bord était motivée par l’état de santé précaire de certains des passagers recueillis en mer.

Carola Rackete a osé défier un gouvernement qui bafoue les principes élémentaires de sauvetage et de premier accueil. Elle sauve ainsi notre honneur, l’honneur perdu de l’Europe. Elle bouscule la politique aveugle du chacun pour soi de Dublin et les accords hypocrites confiant à des pays, aux marges de l’Union européenne (UE), le soin de mener pour nous Européens des politiques inhumaines de rejet et de mort.

C’est le dernier épisode d’une série de mesures prises, depuis de nombreux mois, à l’égard des acteurs de la solidarité, impliqués dans le secours apporté aux migrants. Les organisations non gouvernementales (ONG) ont, dans l’histoire politique européenne, un rôle de contre-pouvoir et d’influence sur l’évolution des politiques gouvernementales. On pensait ce rôle bien ancré, communément admis dans le fonctionnement de nos Etats.

Des tentatives de déstabilisation

Cette fonction, indispensable à la démocratie, est aujourd’hui l’objet de multiples tentatives de déstabilisation. Si le terme d’organisations non gouvernementales apparaît en 1945 en même temps que naît l’Organisation des Nations unies, leurs prédécesseures, les associations de solidarité internationale, les avaient devancées dans la gestion de certaines crises, s’opposant à des décisions gouvernementales jugées inacceptables : c’est ainsi qu’est née Oxfam, en 1942, pour contrer le blocus des Alliés qui affamait la population grecque.

Partout où progressent les populismes, les dirigeants politiques ont bien perçu qu’une partie des opinions publiques est désormais sensible à des discours fondés sur le refus de l’accueil des étrangers, dans un amalgame volontairement brouillé des mécanismes qui poussent des hommes et des femmes à choisir le chemin de l’exil. La liste des menaces et tentatives d’intimidation s’allonge, déployant différents registres développés par les gouvernements.

Accusations de complicité avec des passeurs, par l’agence Frontex, à l’égard de Save the Children, en 2016 ; traduction devant la justice de citoyens mis en examen et condamnés pour des actes de solidarité à l’égard de migrants (Calais, vallée de la Roya) ; propos accusateurs de l’actuel ministre de l’intérieur français, M. Castaner, à l’encontre des ONG françaises qui se mobilisent dans ce domaine ; accusation d’une autre capitaine, Pia Klemp, par le même gouvernement italien d’« aide et de complicité à l’immigration illégale » ; immobilisation forcée de l’Aquarius sous de fallacieux motifs qui n’ont pour préoccupation réelle que d’interrompre les actions de sauvetage déployées par SOS Méditerranée…

Contre le principe d’humanité

Toutes ces stratégies constituent des atteintes réitérées à l’encontre du principe primordial qui fonde le droit international humanitaire (DIH) : le principe d’humanité. On assiste, au fil des mois, à une multiplication d’attaques de plus en plus décomplexées visant à occulter ce principe universel, comme ses fondements éthiques et juridiques. C’est au nom d’une commune humanité que des citoyens libres, agissant individuellement ou regroupés au sein d’associations, sont fondés à tendre la main, à se mobiliser pour secourir l’étranger qui fuit son pays, un pays qui n’est pas le nôtre, pour venir chercher secours, souvent au péril même de sa vie. Cet autre, qui malgré ce qui nous sépare, est un peu de nous-mêmes.

L’arrestation de Carola Rackete est inacceptable : c’est un déni du droit de la mer ; c’est un déni des conventions de Genève de 1951 sur le droit des réfugiés ; c’est un déni du principe d’humanité. Nous, dirigeants d’ONG internationales, conscients et informés des situations que fuient de nombreuses personnes secourues par le Sea-Watch, souhaitons apporter à Carola Rackete, prisonnière d’opinion, détenue politique, le témoignage de notre respect et de notre soutien. Nous demandons sa libération immédiate, sans condition !

Nous revendiquons un sursaut des Etats européens, à travers l’application du droit international de sauvetage en mer, et l’examen des demandes d’asile dans le respect de la convention de Genève, c’est-à-dire la mise en place de politiques d’accueil dignes.

Les signataires de cette tribune sont : Philippe de Botton, président de Médecins du Monde – France ; Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France ; Xavier Emmanuelli, président du SAMU social international ; Rachid Lahlou, président du Secours islamique France ; Pierre Micheletti, président d’Action contre la faim – France ; Thierry Mauricet, directeur général de Première Urgence internationale ; Manuel Patrouillard, directeur général de la Fédération handicap international ; et Jean-Baptiste Richardier, cofondateur de United Against Inhumanity.

Collectif

Source : https://www.lemonde.fr/idees/articl...

3) Portrait : Qui est Carola Rackete, la capitaine du bateau humanitaire « Sea-Watch 3 » ?

Carola Rackete, capitaine du Sea-Watch 3, doit être présentée mardi 2 juillet devant les magistrats d’Agrigente (Sicile), pour la confirmation de sa mise aux arrêts domiciliaires (un contrôle judiciaire sous forme d’assignation à résidence), après avoir forcé le barrage du navire des douanes italiennes qui occupait le quai pour l’empêcher d’accoster dans la nuit de vendredi à samedi, après dix-sept jours d’errance en mer, au large de l’île de Lampedusa.

Le procureur d’Agrigente a qualifié son geste de « violence inadmissible », et placé la capitaine du navire humanitaire aux arrêts domiciliaires, avant le lancement d’une procédure de flagrant délit. Un qualificatif qui paraît assez exagéré au vu des images, mais cela n’a pas empêché le ministre italien de l’intérieur, Matteo Salvini, d’aller encore plus loin dans l’hyperbole, assurant que Carola Rackete a « risqué de tuer » dans sa manœuvre les forces de l’ordre, assimilant son geste à « un acte criminel, un acte de guerre ».

Dans un entretien publié dimanche par le Corriere della Sera, l’Allemande de 31 ans a affirmé avoir tout de suite présenté ses excuses pour avoir fait « une erreur » dans la manœuvre d’entrée dans le port, affirmant avoir agi ainsi en raison de la dégradation des conditions pour les 40 migrants à bord du navire, et plaidant l’erreur d’appréciation.

Sur le quai, la capitaine du Sea-Watch 3 avait été accueillie par une vingtaine de policiers qui l’ont aussitôt interpellée, et embarquée à bord d’une voiture. Elle a été saluée par des applaudissements nourris, mais aussi les insultes d’une poignée de militants d’extrême droite, conduits par l’ancienne sénatrice (Ligue du Nord) Angela Maraventano, qui hurlaient « les menottes ! », la traitaient de « cocue », de « criminelle » ou lui promettaient qu’elle serait « violée par ces Noirs ».

Depuis son arrestation, les manifestations de solidarité se sont multipliées en Italie et dans toute l’Europe. Dimanche, l’ONG Sea-Watch annonçait déjà avoir recueilli plus de 1 million d’euros, et les dons continuent à affluer.

Carola Rackete participe à des opérations de sauvetage en Méditerranée centrale depuis mai 2016. Elle a suivi la façon dont les ONG sont passées du statut de partenaires – des navires militaires européens – à celui d’indésirables, à mesure que la responsabilité des secours en mer était transférée aux garde-côtes libyens, à grand renfort de financements de l’Union européenne (UE).

La jeune Allemande s’est principalement engagée auprès de Sea-Watch mais elle a aussi œuvré pour l’ONG française Pilotes volontaires, dont le petit aéronef, le Colibri, réalise des opérations de recherche de canots de migrants en détresse au large de la Libye.

« Nos relations sont restées très professionnelles et j’ai pu voir que c’est quelqu’un de très compétent et de posé », se souvient Benoit Micolon, pilote français qui a fait plusieurs missions d’observation avec Carola Rackete. A l’automne 2018, Le Monde avait d’ailleurs suivi l’une d’elles.

Courageuse pour les uns, délinquante pour les autres

La jeune femme expliquait à l’époque qu’en tant qu’Allemande, elle avait un « rapport particulier à la frontière », des propos tenus quelques jours avant l’anniversaire de la chute du mur de Berlin. « Beaucoup d’Allemands ont disparu en essayant de traverser le mur », rappelait-elle.

Carola Rackete faisait aussi part de son envie de se réorienter vers des projets liés à la protection de l’environnement, ce qui correspond davantage à son parcours. Avant de remonter à bord du Sea-Watch 3, en juin, elle avait d’ailleurs été volontaire pour l’association française Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et avait entamé une recherche sur la préservation de la nature dans des régions « post-soviétiques et polaires ».

Après avoir grandi à Hambühren (Basse-Saxe), la jeune femme a suivi un bachelor de sciences nautiques à l’université de Jade entre 2007 et 2011, à l’issue duquel elle a rejoint pendant plus de deux ans, comme officier de navigation, l’Institut allemand Alfred-Wegener pour la recherche polaire et marine.

Outre quelques missions pour une société de croisières de luxe, elle s’est rendue en Arctique avec un navire océanographique de l’ONG Greenpeace et a réalisé un service volontaire européen dans le parc naturel des volcans du Kamtchatka en Russie.

En 2015, elle reprend des études en Angleterre, à l’université Edge Hill, où elle obtient un master en management environnemental et rédige une thèse sur les albatros et les otaries en Géorgie du Sud. Après avoir travaillé pour l’opérateur national britannique en Antarctique (British Antarctic Survey), et quelques mois comme guide dans le Haut-Arctique pour un voyagiste spécialisé dans les expéditions polaires, elle a rejoint la Méditerranée en 2016, devenue la voie migratoire la plus dangereuse du monde.

Désormais, à la faveur d’un duel mis en scène par le ministre d’extrême droite Matteo Salvini, qui l’a désignée comme une femme se sentant coupable d’être « riche, blanche, allemande » et qui ferait mieux « d’aider chez elle les personnes âgées et les handicapés », la jeune capitaine aux longues dreadlocks est en passe de devenir un symbole. De courage pour les uns, de délinquance pour les autres. En tout cas du drame qui se joue toujours en Méditerranée centrale, où plus de 15 000 personnes ont péri depuis 2014.

Jérôme Gautheret (Rome, correspondant) et Julia Pascual

https://www.lemonde.fr/internationa...


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message