Oman veut ouvrir une ambassade en Cisjordanie

jeudi 18 juillet 2019.
 

Médiateur discret dans plusieurs crises régionales, le sultanat du Golfe a annoncé, mercredi 26 juin, son intention d’ouvrir une ambassade à Ramallah. Une décision hautement symbolique, à l’heure où Washington tente de raviver un processus de paix moribond entre l’État hébreu et les Palestiniens.

L’annonce a sonné comme un coup de grâce, à quelques heures seulement de la clôture de l’atelier de Manama consacré, mardi 25 et mercredi 26 juin, au volet économique du « deal du siècle » de Washington pour une résolution du conflit israélo-palestinien. Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères omanais a indiqué qu’une délégation du sultanat se rendrait prochainement à Ramallah, siège de l’Autorité palestinienne (AP) présidée par Mahmoud Abbas, pour y préparer l’ouverture d’une mission diplomatique.

« En soutien au peuple palestinien, le sultanat d’Oman a décidé d’ouvrir une mission diplomatique, avec rang d’ambassade, dans l’État de Palestine », ont ainsi indiqué les autorités du pays. Oman devrait donc le premier pays arabe du Golfe représenté politiquement dans ce territoire palestinien occupé par Israël depuis plus de cinquante ans. Une décision « historique » aussitôt saluée par l’ambassadeur palestinien d’Oman, Tayseer Farhat, qui y a vu « une étape décisive, au moment où la question palestinienne est dans une phase critique ».

Geste « symbolique »

« S’il n’inverse pas le rapport de force, le geste est important symboliquement car il renforce les Palestiniens à l’heure où le “deal du siècle” américain, hors-sol, est d’un cynisme sans précédent à leur égard, dans la logique américaine du transfert de l’ambassade à Jérusalem, de l’annexion du Golan ou de l’arrêt des financements par Washington de l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens », note Agnès Levallois, vice-présidente de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO).

Selon les informations qui n’ont cessé de fuiter ces derniers mois dans la presse, le volet politique du plan américain, attendu à l’automne, devrait en effet enterrer la « solution à deux États », pourtant référence de la communauté internationale depuis sept décennies. Avec prudence, la conseillère de Mahmoud Abbas, Hanane Achraoui, membre du comité exécutif de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), s’est donc réjouie du geste « par ceux qui reconnaissent la Palestine en tant qu’État », mais a fait valoir que si l’ouverture de l’ambassade omanaise devait « avoir un prix politique, cela aura des ramifications ».

Si celle-ci avait notamment pour corollaire une reconnaissance d’Israël par le sultanat, « ce sera totalement inacceptable », a-t-elle poursuivi, « nous escomptons que l’ambassade d’Oman serve uniquement les Palestiniens ». Ayant boudé la conférence américaine de Bahreïn, le sultanat du Golfe fait officiellement partie du front arabe, constitué depuis la guerre israélo-arabe de 1948, de boycottage économique et diplomatique d’Israël.

Rapprochement avec Israël

Mais paradoxalement, Oman, médiateur discret mais très consulté dans plusieurs crises régionales – notamment sur les dossiers explosifs du nucléaire iranien ou de la guerre au Yémen… –, paraissait jusqu’ici compter parmi les rares pays du Golfe à avoir des contacts avancés avec l’État hébreu. « Avec ce projet d’ambassade, Oman rééquilibre sa position, après avoir notamment reçu [en octobre dernier] à Mascate le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou », appuie ainsi Agnès Levallois.

À l’époque, le ministre omanais des Affaires étrangères, Youssouf ben Alaoui ben Abdoullah, avait déclaré après cette visite qu’« Israël est un État présent dans la région. Le monde reconnaît cet état de fait. Il est peut-être temps de traiter Israël comme n’importe quel autre État et qu’il assume les mêmes obligations ». « Jugé proche des Iraniens par la Maison-Blanche, Oman a essayé par là d’améliorer son image auprès des États-Unis, alliés de l’État hébreu », expliquait alors à La Croix Ofer Zalzberg, de l’International Crisis Group.

Interrogée par l’Agence France-Presse, sa consœur Elizabeth Dickinson estime aujourd’hui que « les bons offices de la diplomatie omanaise seraient les bienvenus dans le contexte israélo-palestinien. Oman est l’une des dernières puissances régionales à pouvoir s’adresser véritablement à toutes les parties, un rôle d’une importance vitale à un moment où les tensions régionales s’exacerbent ».


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