Pénurie de médicaments L’industrie pharmaceutique aux commandes

mardi 30 juillet 2019.
 

1100%, c’est selon l’ANSM le taux d’augmentation des ruptures de stocks de médicaments et tensions d’approvisionnement entre 2008 et 2017. Marginal au début des années 2000 ces pénuries, qui concernent des produits aussi majeurs que les anticancéreux ou les antiinfectieux, sont aujourd’hui devenues un problème majeur.

Ce phénomène illustre le danger de confier au secteur privé une activité d’intérêt général majeur. La production de médicaments repose en effet sur des acteurs privés, dont les objectifs de rentabilité (le taux de rentabilité de l’industrie pharmaceutique est supérieur à celui de la finance) s’opposent aux préoccupations sanitaires des États.

Ainsi la concentration des sites de production, en Inde ou en Chine notamment, pose des questions sur les plans sanitaires, social et environnemental (contrôles peu fréquents, exposition des salariés aux risques chimiques, rejets toxiques dans l’environnement) et a des conséquences dramatiques en cas de problème sur un site (contamination inondation…). Le cas du Simenet, en rupture de stock du fait de la remise aux normes de l’usine qui le produisait, l’a malheureusement démontré. La production à flux tendus et le choix, en cas de tensions sur les stocks, de privilégier les pays aux prix de vente les plus élevés, constituent une autre cause de ces pénuries. On notera aussi que celles-ci affectent rarement les médicaments les plus rentables et qu’après une rupture de stock, il arrive que le médicament coûte bien plus cher, comme ce fut le cas pour le BCNU. Ces tensions et ruptures de stocks permettent aussi aux industriels de renforcer le rapport de force, déjà très favorable, quand il s’agit de négocier avec les États le prix de vente de leurs produits.

Ces pénuries mettent aussi en lumière la situation de dépendance et la perte de souveraineté sanitaire des pays européens. Selon l’agence européenne du médicament, « près de 40 % des médicaments finis commercialisés dans l’Union européenne proviennent de pays tiers et 80 % des fabricants de substances pharmaceutiques actives utilisées pour des médicaments disponibles en Europe sont situés en dehors de l’Union. »

Plutôt que le plan proposé par la Ministre, il s’agirait donc de s’attaquer à la racine du problème. Ceci suppose de remettre en cause les intérêts de « Big Pharma » en imposant des niveaux de stocks supérieurs et des sanctions plus lourdes et en se dotant surtout d’une capacité publique de production de médicaments dits essentiels. Il en va de la santé des citoyens et de la souveraineté sanitaire du pays.

Noam Ambrourousi


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