LA GAUCHE D’APRES... LE 21 AVRIL 2002 (3ème partie de la résolution votée par la Convention nationale de PRS du 1er juillet 2007)

jeudi 12 juillet 2007.
 

Cinq ans après, faut‐il encore revenir sur le 21 avril 2002 ? Oui, c’est hélas nécessaire. Car en 2002, beaucoup à gauche s’empressèrent de tourner la page, décrétant qu’il ne s’agissait que d’un accident, afin de s’épargner tout débat sur leurs propres responsabilités. Cela donna le Congrès de Dijon du Parti Socialiste. Résumé crûment, « on prend les mêmes et on recommence ». D’autres se contentèrent de ressortir des placards l’inusable « explication » de l’échec par la trahison des chefs. Et firent en sorte également de ne rien changer. Résultat : le bilan du 21 avril 2002 n’a jamais été tiré. C’est l’un des points de départ de la défaite de 2007.

La qualification de l’extrême‐droite au deuxième tour de l’élection présidentielle était pourtant un retentissant coup de tonnerre. Le fait qu’elle se produise après cinq ans d’un gouvernement associant socialistes, communistes et écologistes appelait une introspection rigoureuse. Car ce désastre signalait déjà une limite : l’incapacité de la gauche à mobiliser la société. Cinq ans plus tard, la gauche a toujours le même problème.

De 1997 à 2002, toute la gauche parlementaire est au gouvernement : PS, PCF, Verts, PRG, MRC. C’est au gouvernement que sont définies les grandes orientations et priorités d’action. C’est en son sein que se discutent et se nouent les compromis. Il est le lieu de la mise en cohérence et de l’action. La catastrophe du 21 avril 2002 traduit donc son échec. La mise en cohérence n’a pas fonctionné. L’action n’a pas entraîné. S’y ajoute l’angle mort du gouvernement de gauche, sa stratégie au plan international, qui ne fut discutée nulle part, d’autant que cette question relevait de la cohabitation avec Jacques Chirac.

A) LES LIMITES DE LA GAUCHE PLURIELLE

Ne l’oublions jamais : le dispositif de la gauche plurielle, mis en place dans l’urgence de la dissolution de 1997 a été un arrangement électoral de dernière minute, sans programme commun, sans contrat de gouvernement. Dès lors ce fut un accord sans dynamique populaire. La victoire électorale de 1997 a occulté un instant cette réalité. Pourtant, elle reposait déjà sur un recul de la droite et non sur une progression de la gauche, qui obtenait le même nombre de voix qu’en 1995.

Dès les municipales de 2001, cette réalité occultée refaisait surface. Malgré les consignes des états‐majors, les reports de voix furent désastreux et la gauche paya cher l’affaiblissement de la discipline républicaine provoqué par l’absence de culture commune et d’horizon partagé à gauche.

L’union est indispensable pour que la gauche l’emporte.

Mais elle ne peut se limiter à un accord électoral ou à un engagement de solidarité gouvernementale. Elle ne peut s’épanouir vraiment sans culture commune. Elle ne peut entraîner le pays sans programme commun. Elle ne peut s’enraciner sans pratique commune en dehors même des périodes électorales. En outre, l’union au sommet, telle qu’elle se pratique souvent, exclut les militants des partis et les citoyens qui se reconnaissent dans les valeurs de la gauche sans être adhérents d’un parti politique. La dynamique de l’union, certes nourrie par les initiatives au sommet, doit s’appuyer en même temps sur l’initiative et la pratique commune à la base. C’est aussi localement, dans les villes et les cantons de France, qu’elle doit se réaliser au quotidien. Tout cela a fait défaut à la gauche plurielle.

En outre, avec la gauche plurielle, l’union ne s’est pas appuyé sur un rassemblement de forces politiques. Celui‐ci aurait pu prendre diverses formes : un parti commun, une confédération de la gauche, une coalition de partis autour d’un programme commun. Aucune d’elles n’a été mise en place. A la place, le lieu de l’union a été le gouvernement. Ce faisant, la gauche plurielle a appauvri son lien avec la société. Elle a asséché les débats en son sein en les faisant entrer dans le huis‐clos du Conseil des ministres. Très vite, la dynamique d’une telle construction n’a pas été le dépassement des désaccords.

La gauche plurielle n’a pas cherché à faire naître une gauche nouvelle mais a voulu reproduire à l’identique les identités existantes grâce à un système de sous‐traitance généralisé : au PCF le social, aux écologistes l’environnement, au MRC la République, au PRG la laïcité... et au PS la bonne gestion. La perspective d’ensemble s’est perdue dans ce kaléidoscope. La capacité de s’adresser à la grande masse de nos citoyens et pas seulement aux patrimoines électoraux des forces coalisées en souffrit également. Faute de produire des synthèses dynamiques entre ses composantes, la gauche plurielle a été inapte à mettre la société en mouvement.

B) L’EPUISEMENT D’UNE METHODE GOUVERNEMENTALE

Lorsque la gauche remporte les législatives de 1997, elle n’a pas de pensée construite sur la pratique du pouvoir. Cinq ans plus tard, c’est toujours le cas. Pour certains, on peut le comprendre. Une tradition anarchisante conduit en effet beaucoup à gauche à se débarrasser de la question en pensant que le pouvoir corrompt par essence et que gouverner c’est trahir. Mais au Parti socialiste, c’est plus surprenant.

Alors que cette formation tire fierté de sa « culture de gouvernement », la réflexion sur le bon usage de l’exercice du pouvoir y est quasiment absente. Une tiède vision gestionnaire domine en la matière qui a plus à voir avec les préconisations de l’ENA aux futurs hauts fonctionnaires qu’avec les ambitions de transformation sociale de la gauche. Dans cette conception, gouverner, c’est gérer, et gérer c’est d’abord éviter tout conflit qui perturberait la bonne marche des institutions en place.

Ainsi se diffuse une vision de l’action gouvernementale qui repose sur la dépolitisation des enjeux, réduits à des problématiques techniques rendues inaccessibles aux citoyens, et sur la recherche permanente d’un consensus, contradictoire par définition avec une politique de changement qui impliquerait la remise en cause des intérêts dominants.

Cependant, toute l’oeuvre du gouvernement de la gauche plurielle ne peut être réduite à cette obsession d’une gestion sans heurts. Si la gauche ne chercha guère le bras de fer avec les puissants, elle sut parfois les assumer, notamment lorsque le MEDEF s’opposa violemment au passage aux 35 heures par la loi, avant de chercher à les dénaturer au moment des négociations collectives. Mais elle ne se donna pas les moyens d’expliquer son action.

La gauche plurielle recula devant les ruptures qui auraient pu enclencher une dynamique d’implication populaire pour le changement. Elle chercha à éviter le conflit avec le président de la République sur les questions européennes. A plusieurs reprises, elle renâcla à assumer un affrontement pourtant récurrent avec les milieux financiers.

A force de gouverner sans expliquer, sans présenter l’horizon que l’on poursuit ni la stratégie que l’on met en oeuvre pour y parvenir, sans mobiliser les siens, on n’entraîne plus la société. Pourtant l’exercice du pouvoir peut être un moment essentiel d’éducation populaire pour transformer la société.

C) UN ANGLE MORT QUI A CONDUIT AU CRASH

Le paradoxe est éclatant. De nombreuses avancées sociales doivent être mises à l’actif du gouvernement de la gauche plurielle. Il est pourtant un domaine dans lequel aucun progrès n’a été enregistré. Entravé par la cohabitation, mais aussi fragilisé par une absence de volonté sur ces questions, le gouvernement n’a pas su engager de réorientation de la construction européenne. Aucune initiative d’importance n’a été prise en la matière. Les occasions qui se sont présentées, comme la proposition lancée par le ministre allemand des affaires étrangères Joshka Fischer d’une Union politique franco‐allemande n’ont pas été saisies. A l’inverse, l’illusion rassurante que la gauche française peut inscrire son action dans le seul cadre national a été entretenue.

Le sommet de Barcelone, à quelques semaines de l’élection présidentielle, a montré les limites d’une telle stratégie. Faute de construire et de proposer une issue à la crise européenne, le gouvernement s’est résolu à tout faire pour l’éviter. Il a dû se plier aux décisions néo‐libérales prises par l’Union. Cela n’a pas compté pour rien dans la campagne et son résultat final. Et c’est parce que la gauche n’a pas su incarner une alternative progressiste au contenu actuel de la construction européenne que l’extrême‐droite a enregistré un tel score. Là aussi, c’est un chantier ouvert pour la gauche d’après.

Il ne suffit plus de dire : nous pouvons mener une politique de gauche en France indépendamment des contraintes européennes. Il ne suffit pas non plus de dire : l’Europe changera quand nous serons revenus au pouvoir. C’est avant d’y parvenir qu’il faut construire la stratégie qui rend cette réorientation possible. C’est pourquoi PRS a fondé un réseau européen pour une Assemblée Constituante européenne et propose dès maintenant à toute la gauche à en débattre.


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