1/2 million de manifestants « Climat » à Montréal dont énormément de jeunes

samedi 5 octobre 2019.
 

Les personnes manifestantes étaient un demi million à Montréal pour cette journée Earthstrike du 27 septembre [1] qui avec celle du 20 septembre ayant mobilisé au moins 4 millions de personnes dans le monde encadrait le Sommet des Nations unies sur l’action climatique du 23 septembre.

À ce sommet, où les chefs d’État ne pouvaient discourir que s’ils prenaient de nouveaux engagements pour compléter ceux nettement insuffisants de la COP-21 de Paris en 2015, qui annoncent une croissance des GES de 10% en 2030 et non la baisse nécessaire de 50% du GIEC-ONU, on avait pu que constater l’absence des chefs d’État des grandes et moyennes puissances les plus polluantes en GES (ÉU. Chine, Inde, Russie, Brésil, Australie, Canada) et bien d’autres pays, ce qui contrastait avec le cinglant ’’« How dare you » voler notre avenir vous qui n’en avez que pour l’argent et pour la croissance économique’’ de Greta Thunberg.

D’autres rassemblements ont aussi lieu en ce 27 septembre dans plus de 50 villes au Québec dont 25 000 à Québec ainsi qu’ailleurs au Canada dont 100 000 à Vancouver. Ailleurs dans le monde, de pareils rassemblements se sont tenus en Nouvelle-Zélande, en Australie, encore une fois aux ÉU, et aussi en Corée du Sud, en Italie, en Inde, au Nigeria.... L’ONG 350.org estime que « [d]u 20 au 27 septembre, 1,5 million de personnes sont descendues dans les rues en Italie, 1,4 million en Allemagne, 800 000 au Canada, plus de 500 000 aux États-Unis, 350 000 en Australie et 350 000 au Royaume-Uni, 195 000 en France, 170 000 en Nouvelle-Zélande, 150 000 en Autriche, plus de 100 000 au Chili, 50 000 en Irlande, 70 000 en Suède, 42 000 aux Pays-Bas, 20 000 au Brésil, 21 000 en Finlande, 15 000 au Pérou, 13 000 au Mexique, 13 000 en Inde, 10 000 au Danemark, 10 500 en Argentine, 10 000 en Turquie, 10 000 au Pakistan, 6 000 en Hongrie, 5 000 en Corée du Sud, 5 000 au Japon, 5 000 en Afrique du Sud, 3 000 dans le Pacifique, 2 500 en Équateur, 2 000 à Singapour et bien plus encore, car le décompte final n’est pas encore terminé. »

La paradoxale Greta Thunberg entre solitude d’une maladie et mouvement massif mondial

Cette immense série de mobilisations mondiales centrées sur la jeunesse scolaire fait suite à l’appel du Skolstrejk för klimatet (« grève scolaire pour le climat ») par la jeune suédoise Greta Thunberg qui l’a débutée seule en août 2018 devant le parlement suédois avant de l’appeler à la transformer en grèves scolaires du vendredi (Fridays for Future) qui ont déferlé sur le monde dont le Québec. L’explosion de ce mouvement conjugue paradoxalement l’obsession d’une jeune autiste agissant d’abord seule hors de tout mouvement, qui auparavant avait mobilisé sa famille dont les parents sont des gens de la scène et une auteure. Puis aiguillonnée par une petite organisation de jeunes écologistes, qui l’avait contactée suite à un prix littéraire sur le climat qu’elle avait gagné, s’inspirant du mouvement des écoliers de l’école de Parkland en Floride suite à la fusillade ayant fait 17 victimes, elle est passée à l’action seule dans le contexte de la grande canicule de l’été 2018 dans l’hémisphère nord ayant durement frappé la Suède et de l’élection suédoise de septembre 2018.

Le message évolue depuis les premières manifestations. Le crie d’alarme de fin du monde continue de dominer mais il se double d’une sévère mise en garde (« On vous surveille » de la jeune étudiante à droite sur la photo). Plus fréquemment qu’au début se rencontrent des affiches dénonçant le système (« Quel est votre vert préféré »). Mais surtout se pointent des propositions de solutions (« Solution – bicyclette – pollution – automobile »). Mais c’est à peine si les gouvernements réagissent encrassés qu’ils sont dans le système comme le soulignait Greta Thunberg suite à sa brève rencontre, au beau milieu de la campagne électorale fédérale, avec le Premier ministre Trudeau comme pour excuser son inconséquence écologique. C’est toutefois dans son discours clôturant la grande manifestation de Montréal qu’elle livre le fond de sa pensée [2] :

« Votre nation est prétendument un leader climatique. Et la Suède est aussi une nation qui est prétendument un leader climatique. Et, dans les deux cas, ça ne veut absolument rien dire. […] Nous avons parlé de la science et demandé à ce que les personnes au pouvoir écoutent la science, et agissent en conséquence. Mais nos dirigeants politiques n’ont pas écouté. […] Considérant les niveaux actuels d’émissions, le budget [carbone] restant s’épuisera complètement en huit ans et demi. […] Ainsi, aujourd’hui, nous sommes à nouveau des millions dans le monde à faire la grève et à marcher, et nous continuerons à le faire jusqu’à ce qu’ils écoutent. […] Au fil de l’histoire, les changements sociaux les plus importants sont provenus des mouvements populaires, de la base. […] Les crises climatiques et écologiques transcendent la politique partisane. […] Le changement arrive, que vous l’aimiez ou non [dit en français]. »

On constate une stratégie de confrontation vis-à-vis le système ce qui la démarque en partant de l’importante frange dite modérée du mouvement environnementale qui cherche la concertation quand ce n’est pas l’intégration. L’ancienne tête d’affiche d’Équiterre aujourd’hui candidat Libéral en est l’incarnation québécoise caricaturale. Le consultant scientifique et animateur d’ONG spécialisées, aujourd’hui chef adjoint québécois et candidat du Parti vert en est l’incarnation sophistiquée. Le rejet de la partisanerie politique positionne l’instigatrice du mouvement comme « mouvementiste » dont il faut construire le rapport de forces jusqu’à contraindre les gouvernements à accoucher de la bonne politique compatible avec les objectifs du GIEC. (La campagne Ultimatum 2020 de Québec solidaire, jouant au parti-mouvement, va dans le même sens.) Cependant Greta Thunberg reconnaît les limites scientifiques politiquement motivées du GIEC (« Et veuillez noter que ces calculs n’incluent pas le réchauffement caché par la pollution toxique, les points de basculement non-linéaires, la plupart des boucles de rétroaction, et tous les aspects d’équité et de justice climatique. »).

Les engagements de tous les partis canadiens et québécois corroborent les propos de Greta Thunberg

La réponse du gouvernement Libéral à la pression des marches canadiennes a été la promesse de planter deux milliards d’arbres en dix ans pour une somme de trois milliards $, comportant aussi certaines autres mesures, provenant des profits de l’oléoduc Trans Mountain nationalisé pour 4.5 milliards $ et dont le doublement du débit coûtera le double de ce montant. Plus cynique, tu meurs. Planter des arbres lesquels ne seraient pas une monoculture industrielle énergivore et polluante et dans le respect des droits territoriaux autochtones, ce qui n’est pas dit, et de ceux de la nation québécoise dont le gouvernement a la juridiction dans ce domaine fait certainement partie de la solution. Toutefois, le carbone ainsi retiré de l’atmosphère n’a pas vocation compensatoire vis-à-vis le développement du pétrole bitumineux mais doit contrebalancer la vitesse beaucoup trop lente de l’arrivée du jour où les hydrocarbures resteront dans le sol, revendication-phare de la jeunesse manifestante. Tout comme l’est le rejet du gazoduc Abitibi-Saguenay transportant le gaz de fracking de l’Ouest canadien pour être exporté en Europe et que promeut le gouvernement québécois. Au moins, le Premier ministre a eu la décence, tout comme le leader Conservateur canadien anti taxe carbone par tendance climato-sceptitique, de ne pas participer à la grande manifestation de Montréal contrairement au Premier ministre « blackface » du Canada.

On ne peut pas dire que les réactions centre-gauche du NPD et de Québec solidaire valent mieux. Le NPD réagit en promettant un minable investissement de 40 millions $ pour « la protection côtière au pays » sans commenter davantage sa valse-hésitation vis-à-vis les gazoducs tout comme vis-à-vis le pétrole bitumineux. Québec solidaire critique le gazoduc Abitibi-Saguenay mais ne fait pas de son rejet une revendication de sa campagne Ultimatum 2020 laquelle pourtant exige d’« [i]nterdire tout projet d’exploitation ou d’exploration pétrolière ou gazière sur le territoire du Québec » ce qui ne recèle aucune urgence alors que le gazoduc est l’enjeu de l’heure qui mobilise de plus en plus. Les deux partis promeuvent les subventions à l’auto électrique. Au moins le NPD spécifie-t-il que cette auto électrique doit être fabriquée au Canada, plus spécifiquement à l’usine que GM est en voie de fermer à Oshawa en banlieue de Toronto, pour que la subvention des Libéraux fédéraux soit triplée. Québec solidaire n’a même pas une excuse similaire.

Marc BONHOMME


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