Municipales : à Limoges, l’union des gauches était presque parfaite

jeudi 28 novembre 2019.
 

Tous les partis de gauche et quelques listes citoyennes, tous unis (ou presque) pour mener la même campagne et reconquérir la mairie de Limoges...

Cela semblait pourtant bien parti. À Limoges, depuis des mois, toute la gauche est là, autour de la table des négociations : EELV, Génération.s, Place publique, Ensemble, le PS, le PCF, ADS, ainsi que quatre listes citoyennes, dont Vivons Limoges, une liste initiée par les insoumis. L’objectif est noble : récupérer la mairie de Limoges, ce bastion socialiste perdu au profit de la droite en 2014. Et pour ce faire, la gauche s’est montrée très ambitieuse pour mettre en oeuvre un vaste rassemblement, autour d’un projet écologique et social, mais aussi pour mettre sur pied une liste composée pour moitié de représentants des partis et pour moitié de membres de la société civile.

Ils y ont cru, à un accord les réunissant tous pour les prochaines municipales. « Il y a eu de la bonne volonté de chercher à faire l’union de la part de tous », raconte Yann Delmon-Plantadis, référent de Génération.s Limoges. Mais, au fur et à mesure des discussions, au fil des nombreuses réunions, quelques clivages sont apparus indépassables. Un notamment, qui oppose de façon très manichéenne les écologistes et les « productivistes ». Or, aux dires du porte-parole d’EELV Limousin Jean-Louis Pagès, « pour gagner, il faut l’union, avec un programme écologiste », l’un ne pouvant être concédé à l’autre, au risque de tout perdre. L’union sans les socialistes, EELV n’en voulait pas. Du moins au début.

Pour comprendre ce qui clive, il faut citer un exemple ou deux. Ainsi, quand certains proposent la gratuité des transports publics, d’autres veulent plutôt développer le réseau routier. Lors d’une réunion publique, l’un d’eux avance même l’argument suivant : il faut laisser les gens se déplacer afin qu’ils puissent consommer, rapporte Yann Delmon-Plantadis. Est-ce un problème générationnel ? « C’est un des éléments », répond le porte-parole d’Ensemble Limoges Stéphane Lajaumont, avant d’ajouter : « Il ne peut pas y avoir d’entre-deux sur l’écologie », comprendre qu’on ne peut vouloir réduire les gaz à effet de serre tout en amplifiant le trafic de l’aéroport. Deux gauches irréconciliables ?

Quand les clivages programmatiques deviennent trop forts, la question de la liste prend le pas. Comment couper un gâteau en 55 parts (le nombre de personnes sur la liste) pour que cela rassasie les onze organisations ? Avec cette règle du 50-50, il reste donc 27 places pour les partis. « Sachant que le PS veut au moins dix places », précise Yann Delmon-Plantadis. Et si les socialistes ont accepté de ne pas avoir la tête de liste, affichant ainsi leur bonne foi, une suspicion demeure : certaines listes citoyennes sont gérées soit par des anciens socialistes, soit par des gens très proches d’eux. Faut-il y redouter une contre-campagne ?

« La vieille garde du PS s’est pris quelques coups avec les élections récentes », abonde Stéphane Lajaumont. Et si tous font l’éloge de la première secrétaire fédérale du PS en Haute-Vienne Gulsen Yildirim, ils regrettent les manœuvres en coulisse de l’appareil socialiste. Celle-ci dément catégoriquement, voyant-là des velléités de « revanche », voire une « volonté d’humilier le PS ». Elle assure que ses militants, consultés à chaque étape des négociations, se sont montrés extrêmement ouvert au projet d’union, faisant toutes les concessions nécessaires tant sur le fond que sur la forme. Pour la socialiste, le problème ne vient pas du PS, mais d’une trop grande envie de leadership à gauche – les dernières européennes ont donné des ailes à EELV. « Les citoyens n’en ont rien à faire de ces histoires de divisions, l’enjeu politique nous dépasse, mais on ne peut trouver de consensus que si chacun fait un effort », s’agace-t-elle.

Seule certitude, « pour travailler avec autant d’organisations, il faut avoir confiance, il faut savoir à quelle place sont les gens », explique Jean-Louis Pagès. Le PS n’inspire pas confiance, bien que des personnalités comme Gulsen Yildirim lui permette de se moderniser. Sans compter sur l’effet repoussoir que le parti porte en lui, conséquence des innombrables concessions aux valeurs de la gauche qu’il a fait pendant le quinquennat Hollande, mais aussi localement. Les communistes, eux, ont choisi leur vaisseau-mère. Aux électeurs de trancher

Tout va trop lentement et le temps ne joue pas pour la gauche. Il est l’heure de faire campagne. Après avoir lancé une première fois l’alerte début novembre – faisant bien avancer les négociations –, EELV, Génération.s, Place publique et Vivons Limoges finissent par quitter la table. Il y a urgence de boucler le programme, la liste viendra après. Aux bonnes volontés de suivre, « la porte reste ouverte », souligne Didier Tescher, animateur de Vivons Limoges. Pour autant, Stéphane Lajaumont regrette cette séparation, estimant qu’il aurait été possible de « maintenir une dynamique ». Ensemble ne devrait pas tarder à les rallier [1], et potentiellement une autre liste citoyenne.

La gauche joue gros. On saura dans les semaines à venir si Limoges va vivre une ou deux unions de la gauche, avec le risque d’éparpillement que cela comporte. Et en même temps, deux listes, « ça veut aussi dire qu’au deuxième tour, la liste qui mène la danse peut bénéficier d’une réserve de voix et d’une nouvelle dynamique », assure Didier Tescher. En face, la majorité sortante met sur le tapis, elle aussi, la carte du rassemblement. Ce sera une liste LR-UDI-Modem-LREM. À moins que le parti présidentiel n’envoie un candidat bien à lui… Sur ce point, le suspense demeure.

Quoi qu’il arrive, LREM et la droite finiront bien par s’entendre pour le deuxième tour. À la gauche de faire mieux. D’ici là, les citoyens diront qui à la main : la social-démocratie ou la gauche radicale et écologiste. L’entre-deux-tours s’annonce déjà chaud.

Loïc Le Clerc


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