Ma grève, notre grève

samedi 14 décembre 2019.
 

Cette grève s’annonce comme très suivie. Je pense que c’est parce que, enfin, elle est générale. Il faut dire que le gouvernement a fait ce qu’il fallait pour ça, puisque cette réforme va toucher chaque français. Et pour des résultats qui vont être globalement au détriment de ceux-ci, comme toutes les réformes qu’il a fait jusque-là. Mais, cette fois, c’est en grand format...

Pour une fois, je serai en grève jeudi. Mais c’est particulier, puisque je suis travailleur indépendant. D’habitude, donc, même si je suis en accord avec un mouvement de révolte sociale, je manifeste, mais je ne fais pas grève. Cette fois, si, malgré les difficultés que cela représente. J’ai donc, depuis que je connais cette date, déplacé mes rendez-vous et informé de mon absence à venir.

Pourquoi est-ce que cette fois j’ai barré mon agenda d’une grande zébrure verticale sans appel ? Franchement, cela n’a pas été réfléchi : c’était instinctif. En analysant les ressorts de cette décision, je pense que c’était la satisfaction de voir enfin un mouvement collectif d’opposition contre les réformes de ce gouvernement se mettre en place qui m’a rendu ce choix évident. Il n’était pas question que je ne participe pas, moi qui ai tenté de batailler contre le macronisme en marche avant même l’élection du Président.

Et quel cadeau à la convergence des luttes notre Président « ultra-néo-libéral » a-t-il fait avec ce projet de réforme des retraites ! Tout y est. Aucune vraie discussion possible, comme d’habitude, ni avec les syndicats, ni avec la population, alors qu’il n’y avait aucune nécessité de changer fondamentalement notre système qui est considéré généralement comme globalement satisfaisant. Des projections qui montrent que, évidement, ce sont les carrières hachées (donc les précaires) qui vont y perdre le plus. Et les femmes, bien sûr : toutes les études s’accordent sur le fait que leurs carrières, et donc leurs retraites, sont largement pénalisées par leurs maternités, mais le nouveau système va enlever les maigres avantages liés à cette parentalité pourtant fort nécessaire pour l’équilibre des enfants (les 8 trimestres par enfant vont être remplacés par un avantage de 5% par enfant qui représentera bien peu pour une petite pension). Et, bien sûr, la retraite à point va dépendre de la valeur du point. Dont on nous assure qu’il ne bougera pas alors que la portion du budget dévolue aux retraites sera fixe : on laissera donc le choix aux futurs retraités de travailler encore plus longtemps, ou de diminuer la valeur du point. Charybde et Scylla.

Cette réforme, en fait, se basant sur les cotisations de toute la vie, pénalisera ceux qui sont partis en bas de l’échelle, même s’ils ont réussi une brillante fin de carrière. En revanche les fils de famille, ceux à qui ont a payés les répétiteurs qu’il fallait et les écoles privées hors contrat, auront une retraite aussi riche que leurs débuts dans la vie. C’est scandaleux, mais ce n’est pas étonnant : toutes les réformes initiées par le Président vont dans le sens de favoriser les très riches et leur progéniture, y compris Parcoursup.

Pourquoi je serai en grève, et en manifestation, demain ? Parce que trop, c’est trop. Les mensonges et la manipulation qui ont abouti au fait que nombre de gens, trompés par un discours jeuniste et original, ont cru réellement que ce jeune Président une fois au pouvoir allait changer les choses, sans imaginer une seconde que ce changement consisterait en une contre-révolution réactionnaire, sont en train de revenir dans la figure du-dit Président. Et je trouve qu’il est plus que temps.

Car l’urgence est là : climatique, écologique, démocratique. Les jeunes du monde entier commencent à prendre conscience que le capitalisme a détruit une grosse partie de notre planète et de son équilibre, et que l’accélération de cette destruction est exponentielle. Les plus âgés sont obligés de constater que ce qui se passe est bien plus grave que ce qu’ils craignaient. Et que les dirigeants, élus souvent au nom du peuple, mentent à ce peuple pour continuer à s’enrichir et à profiter du travail de la population, dans une indifférence absolue aux conséquences à venir de leurs choix.

Mais la propagande commence à trouver ses limites. Les faux-semblants sont déjoués un à un : le climatoscepticisme, la culpabilisation des salariés, censés devoir être redevables aux patrons de leur trouver du travail (mais c’est quoi, une entreprise sans salariés ?), les personnes âgées, les malades, les chômeurs, censés être coupables d’être des assistés, alors qu’ils sont juste les bénéficiaires d’une solidarité collective qui est un des meilleurs concepts du monde.

Les milliards offerts pour rien aux entreprises, et presque rien pour les violences faites aux femmes. Les conditions d’attribution des aides sociales toujours plus réduites, alors qu’est mise en avant une augmentation qui cache mal le fait qu’il est de moins en moins possible d’additionner des aides pour simplement pouvoir vivre et se loger, etc.

Au lieu de peser sur les grands industriels pour que s’opère un changement rapide vers un autre modèle de société, ralentissant le réchauffement climatique et la destruction de la flore et de la faune (pensons aux abeilles et à la pression du gouvernement pour ne pas interdire les pesticides tueurs d’abeille, avec la gravité induite par l’absence de pollinisation) notre gouvernement, comme dans la plupart des autres pays, d’ailleurs, soutient au maximum ces industriels polluant et cette consumérisation à outrance destructrice (CETA, Mercosur…) pour que le système continue de permettre aux grands capitalistes de s’enrichir toujours plus. Toujours plus de transports, toujours plus d’échanges commerciaux, toujours plus de déforestation et de pollution...

Ainsi, la réforme des retraites, selon moi, cache mal ce pourquoi elle est faite. Outre, en effet, favoriser les carrières des nantis de la vie, je pense qu’elle est faite surtout pour que le système, quand tout va aller très mal (et c’est pour bientôt), soit déjà en place pour une retraite minimale pour tous, avec un point dont on nous expliquera qu’il ne peut qu’être diminué, sauf à travailler jusqu’à 80 ans. Donc une retraite pour tous, comme il y aura un revenu minimal pour tous. Mais il sera possible, et souhaitable, de cotiser pour une retraite par capitalisation, laquelle favorisera encore les plus riches, mais, surtout, alimentera le « marché » c’est-à-dire donnera encore plus d’argent, et donc de pouvoir, à ceux qui dirigent le monde, c’est-à-dire les financiers. Et sur le dos de qui ?

De ceux qui, comme moi, seront dans la rue demain, les moutons qui se rebiffent parce qu’ils ont compris ce vers quoi on veut les amener. Et qui braveront collectivement les risques de violence policière pour se faire entendre (d’ailleurs, même par rapport à ces risques il vaut mieux rester groupés).

Oui, on peut remercier ce gouvernement qui a pu démontrer, dans son obstination à maintenir ce projet de réforme des retraites, que l’avenir des citoyens n’était, pour le moins, pas sa préoccupation principale. Détenant, grâce à la majorité à la Chambre, quasiment un pouvoir absolu, cela l’indiffère de mécontenter autant les salariés du privé que les fonctionnaires, autant les précaires que les avocats. Tant d’aveuglement, une telle erreur politique, constituent une chance pour arrêter cette machine folle ultralibérale en marche. C’est de notre avenir, mais surtout de celui de nos enfants et du monde dans lequel ils vont vivre qu’il est question, tant cette réforme n’est qu’un des aspects d’une politique globale dramatiquement défavorable aux citoyens.


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