Droit de grève : de la manipulation de « l’intérêt général » (à l’intérêt de l’usager)

mercredi 18 juillet 2007.
 

Reconnaissons un mérite à la droite sarkozyenne : celui de la cohérence. Un jour, emportée par une frénésie dévorante, elle offre aux riches une fiscalité sur mesure, les exonérant du minimum de solidarité qu’ils devaient encore, jusqu’à présent, à la société. Le lendemain elle veut imposer une loi dont l’objectif non avoué est d’empêcher les salariés de se défendre.

Certes ce n’est pas ainsi que le gouvernement et ses soutiens médiatiques présentent le projet de loi examiné au Sénat. La main sur le coeur, ils jurent qu’ils ne veulent en rien s’attaquer au droit de grève. Ils affirment n’être animés que de la volonté de permettre aux usagers des transports en commun de pouvoir circuler les jours de grève.

La ficelle est un peu grosse mais la manoeuvre s’appuie sur les divisions entretenues par la droite, portées à leur paroxysme par Sarkozy durant la campagne électorale, entre le salarié grèviste, qui par définition « défend des intérêts corporatistes », et le passager du RER qui par définition est « pris en otage » par le premier. Il faut faire oublier que dans la plupart des cas, le voyageur du métro parisien ou des trains régionaux est aussi un salarié qui a des raisons d’être mécontent de ses conditions de travail ou de sa fiche de paie. Diviser entre elles les diverses catégories de salariés permet d’affaiblir le monde du travail dans son ensemble.

Au nom du « service minimum » dans les transports, la droite veut multiplier les obstacles à l’exercice du droit de grève. Exiger d’un salarié qu’il se déclare gréviste 48 heures avant le conflit est une atteinte à la liberté individuelle. Au nom de quel principe, une fois que les organisations syndicales ont déposé leur préavis de grève, pourrait-on empêcher un travailleur de prendre sa propre décision jusqu’au dernier moment ? Sauf à vouloir exercer sur lui une pression inacceptable et donner du temps à la direction de prendre les mesures qui limiteront au maximum l’effet de la grève.

Organiser un référendum au bout de huit jours de grève reviendrait à permettre à des salariés, même majoritaires, de priver d’autres travailleurs du droit de grève. On voit ici les manoeuvres auxquelles le patronat ne manquerait pas de se livrer.

Il faudrait être particulièrement naïf pour croire que ces limitations au droit de grève sont destinées à demeurer circoncrites aux transports publics. En l’occurrence le texte qui porte sur les trains et les bus est un cheval de Troie cherchant à s’introduire dans le droit du travail. Dans un premier temps les enseignants sont en ligne de mire des sénateurs de droite. Ils évoquent l’extension du service minimum à l’école sous le couvert de « l’accès au service public d’enseignement les jours d’examen ». Cela peut paraître à premier abord dénué de mauvaises intentions. C’est plus vraisemblablement un alibi pour étendre progressivement la loi à l’école. Avant de la généraliser à toutes les activités professionnelles.

Le danger est réel de voir notre pays reculer sur une question capitale des libertés publiques. Combien de morts ont jonché les pavés des cités ouvrières au 19è siècle, combien de vies ont été fauchées par les balles des lignards avant que le droit de grève fut reconnu, puis inscrit dans la Constitution comme lioberté fondamentale ? On ne touche pas impunément à un tel héritage. Alors la droite avance masquée sous le camouflage du « service minimum » qui existe déjà dans les faits, parle sans vergogne de la continuité du service public, tout en supprimant des dizaines de milliers de postes de fonctionnaires.

Tout se passe comme si le régime politique, dont Sarkozy a dessiné les contours la semaine dernière à Epinal, avait besoin de salariés muselés et de syndicats réduits à l’impuissance. Mais la messe n’est pas dite.


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