Édouard Philippe et Laurent Berger nous prennent-ils pour des imbéciles ?

vendredi 24 janvier 2020.
 

La CFDT crie victoire pendant que l’exécutif répète en boucle le terme compromis pour qualifier l’annonce du Premier ministre de suspendre l’âge pivot aux travaux d’une conférence sur l’équilibre et le financement des retraites. Pourtant à y regarder de près, il n’y ni réelle victoire ni réel compromis.

Un compromis « constructif et de responsabilité » pour Emmanuel Macron, « transparent et solide » pour Édouard Philippe, « qui revitalise le dialogue social » pour la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye. Cependant, il ne suffit pas de rabâcher le mot compromis pour qu’il devienne une réalité. Même s’il est vrai que sur ce point, le gouvernement a bien été aidé dans sa communication par la CFDT et l’UNSA. « Nous avons obtenu le retrait de l’âge pivot, une victoire pour la CFDT », a twitté Laurent Berger, son secrétaire général hier après-midi, sans scrupule vis-à-vis des salariés en grève depuis le 5 décembre.

Vraiment ? Certes, Édouard Philippe a annoncé dans son courrier aux syndicats du 11 janvier la mise en place d’une conférence sur l’équilibre et le financement des retraites, réclamée par la CFDT. D’ici la fin du mois, les partenaires sociaux sont invités à se réunir pour remettre leurs propositions avant la fin du mois d’avril. D’ici là, le Premier ministre dit faire un geste de confiance en retirant « la mesure de court terme (…) consistant à converger progressivement à partir de 2022 vers un âge d’équilibre de 64 ans en 2027 ». Il était question que chaque année à partir de 2022, quatre mois de travail supplémentaires soient requis pour bénéficier d’une retraite à taux plein, sans décote. Une mesure qui s’appliquait à l’ensemble des actifs partant à la retraite à partir de 2022.

Un âge pivot peut en cacher un autre

Pour autant, dans le même courrier, Édouard Philippe précise que « le projet de loi prévoira que le futur régime universel comporte un âge d’équilibre ». Ainsi pour le gouvernement, il n’y a pas un, mais deux âges pivots. Le premier représentant une mesure paramétrique dont l’objectif est d’arriver à l’équilibre financier en 2027, et s’appuyant sur les projections de déficit du Conseil d’orientation des retraites (COR), le second relevant d’un paramètre systémique dans le cadre du futur régime unique à points. Le « compromis » annoncé hier ne porte que sur le premier. De fait, avec le nouveau régime de retraite, il faudra travailler plus longtemps à l’avenir, comme l’ont martelé le chef de l’État et le Premier ministre tout au long de l’année 2019.

De quoi grandement relativiser la « victoire » de la CFDT qui avait dit que tout allongement de la durée de travail représentait pour elle une ligne rouge. D’autant qu’Édouard Philippe a clairement exclu, pour les mesures budgétaires de court terme, toute proposition alternative à l’âge pivot consistant à augmenter les cotisations ou à baisser les pensions. Ainsi, il ne reste plus beaucoup de leviers. Les dernières options sont des mesures consistant à reculer d’une façon ou d’une autre l’âge de départ à la retraite ou à utiliser une partie des 30 milliards d’euros du fonds de réserve des retraites. Mais même si gouvernement, patronat et syndicats favorables à la réforme s’accordaient sur le fait de vider les caisses pour éviter des mesures d’âges immédiates, un âge d’équilibre subsisterait dans le projet de loi final.

Le cadre est donc très contraint pour les discussions qui vont s’ouvrir à la fin du mois sur des mesures d’équilibre. Ce n’est pas sans rappeler la lettre de cadrage du gouvernement lors des négociations impossibles sur l’assurance chômage. Là aussi, en cas d’échec, le gouvernement reprendra la main. Le risque d’un retour intégral de l’âge pivot dès le mois de mai n’est donc pas totalement exclu. Depuis le rapport Delevoye en juillet dernier, l’exécutif tente de passer en force l’ensemble des éléments de sa réforme. Ce serait une déroute pour la CFDT.


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