L’assaut contre les retraites et la « Conférence de financement »  : quand Berger (CFDT) négocie la forme et la couleur des chaînes

lundi 20 janvier 2020.
 

Une mise en scène bien réglée.

Acte 1 : À la veille de la reprise de la « concertation » sur le projet de loi de réforme des retraites, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, lance l’idée d’une « conférence de financement » pour assurer l’équilibre du système, au moment de la mise en place de la réforme « par points », en 2027. Le but de cette proposition est de faire disparaitre du texte « l’âge pivot » (64 ans pour avoir une retraite complète) en explorant d’autres pistes.

Acte 2 : Le gouvernement affirme immédiatement son intérêt et organise une journée de « concertation » sur le sujet le 11 janvier.

Acte 3 : Le 12 janvier, Édouard Philippe annonce, dans un courrier aux « partenaires sociaux », le retrait provisoire de l’âge pivot, et l’organisation de la « conférence de financement ». Mais en prenant bien soin de fixer un cadre ne laissant aucune marge de manœuvre à la discussion.

La suite du scénario est connue

Acte 4 : La « conférence de financement » se déroulera pendant le débat parlementaire sur la loi et ses travaux devront être terminés avant l’adoption définitive du texte définitif. Si « l’âge pivot » de 64 ans pour une retraite complète est suspendu, les « partenaires sociaux » devront imaginer d’autres propositions pour aboutir au même résultat et deux pistes sont d’emblée écartées : la baisse des pensions et… l’augmentation du « coût du travail », c’est-à-dire les cotisations sociales dites « patronales ».

C’est donc sur les salariéEs que pèsera, d’une façon ou d’une autre, la « mise à l’équilibre » : augmentation ou maintien de taxes payées par les salariéEs (comme la CRDS) ou prolongation de la durée du travail. Si ce n’est pas sous la forme de « l’âge pivot », ce sera sous celle de l’allongement de la durée de cotisation, comme le préconisait Macron au mois d’août.

Acte 5 : Au terme de la conférence, le pouvoir reprendra de toute façon la main et fera passer sous forme d’ordonnances les résultats de celle-ci (s’il en est satisfait), ou alors, constatant l’absence d’accord entre « partenaires sociaux », imposera la solution qui lui convient, l’âge pivot par exemple ! C’est la méthode déjà utilisée avec succès lors des négociations sur ­l’assurance chômage…

Un avant-goût de la suite ?

La formule « Si l’on rétablissait l’esclavage, Berger négocierait le poids des chaînes » a fait fortune. Mais avec la « conférence de financement », ce n’est pas même le « poids des chaînes » sur les salariéEs que Berger et ses comparses « réformistes » s’apprêtent à négocier ; celui-ci ayant été fixé par le gouvernement, c’est tout au plus leur forme et leur couleur…

Cette pitoyable pantalonnade n’a d’autre but que de tenter d’affaiblir la grève et le soutien dont elle bénéficie au moment où elle s’ancre dans la durée. Elle mérite néanmoins qu’on lui prête attention, car la méthode mise en place le gouvernement est en réalité celle qui sera instaurée de manière définitive dans la future « retraite par points » si elle est adoptée.

Celle-ci met en place un système de pilotage automatique, garantissant un équilibre financier du système par une « règle d’or », dont « l’âge pivot » reste un des leviers fondamentaux. Le pouvoir en aura le contrôle, le rôle des « partenaires sociaux » se limitant à proposer les solutions susceptibles de garantir cet équilibre dans le cadre fixé. La « conférence de financement » est l’avant-goût grandeur nature du « pilotage » qu’entend imposer la réforme Macron. Une raison de plus de la combattre et d’imposer son retrait.

Jean-Claude Delavigne


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