Liberté d’expression, plus sacrée que le sacré

dimanche 16 février 2020.
 

La haine sur les réseaux internet n’explique pas tout dans l’affaire Mila, cette jeune lycéenne qui a été l’objet de harcèlement et de menaces de mort telles qu’elle a été obligée de quitter son lycée. Son crime ? Avoir critiqué vertement l’islam, en réponse à des propos homophobe et sexistes. Elle avait également explicitement rejeté toute forme de racisme. C’est elle la première victime dans cette histoire et elle aurait dû recevoir immédiatement un soutien des autorités. Au lieu de cela le parquet avait engagé une poursuite à son encontre parallèlement à celle visant les auteurs de menaces. Le « en même temps » jupitérien ?

Nicole Belloubet a ajouté à l’ignominie en affirmant sur une antenne de radio que « l’insulte à la religion c’est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c’est grave ». En France il n’y a pas de délit de blasphème, et la critique, même virulente, de toutes les religions ou croyances demeure un droit inaliénable. La liberté de conscience, garantie par la Constitution et la loi de 1905 fait partie du socle républicain. Laisser entendre que la critique des religions porterait atteinte à la liberté d’opinion constitue un de ces sophismes par lesquels la sainte alliance des cléricaux entend précisément empêcher cette liberté fondamentale garantie par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses ». Lors de l’affaire des caricature de Muhammed des représentants des trois monothéismes s’étaient ouvertement élevés contre Charlie Hebdo. Les artistes peuvent présenter des pièces de théâtre même si elles déplaisent aux catholiques intégristes. Le blasphème ne concerne que ceux qui au sein de leur croyance peuvent avoir une définition du sacré qui leur appartient mais n’engage qu’eux.

Un sondage inquiétant, à l’initiative de Charlie a mis en évidence que l’opinion publique est hélas encore très partagée sur la question : à parts égales les sondés se disent pour ou contre « ce droit de critiquer, même de manière outrageante, une croyance, un symbole ou un dogme religieux ». Force est de constater que l’offensive menée depuis des années par celles et ceux qui prennent appui sur le scandale du racisme anti-musulmans pour dénoncer l’islamophobie, qui avec son ambiguïté sémantique semble s’étendre à la critique de la religion, marque des points. Raison de plus pour rappeler sans cesse chacun, jusqu’au sommet de l’État au respect de la laïcité, telle que définie par la Déclaration de 1789 et la loi de 1905. Vouloir accorder des dérogations de droits au nom des religions est toujours une atteinte à la liberté de conscience, à l’égalité des droits et à la neutralité de L’État. Le président Macron devrait s’en rappeler, lui qui a tant concédé aux cultes et voudrait aujourd’hui aménager la loi de 1905. Celle-ci appelle surtout à être renforcée et non dénaturée !

Benoît Schenckenburger


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