En Espagne, cap à gauche, enfin !

samedi 15 février 2020.
 

Avec 167 voix, contre 165 et 18 abstentions, le socialiste Pedro Sánchez a été investi Premier ministre par le Parlement. Cela a été rendu possible par la signature d’un accord de gouvernement PSOE-Unidas Podemos et d’un accord du PSOE avec la Gauche républicaine catalane (ERC) qui a permis l’abstention des indépendantistes de gauche catalans (ERC) et basques (Bildu). Pour la première fois depuis la fin de la dictature, un gouvernement d’unité de la gauche se met en place avec la présence de deux ministres communistes et de deux ministres issus de Podemos – dont Pablo Iglesias qui devient vice-président du Conseil.

Ce gouvernement est un gouvernement minoritaire et sa longévité dépend en grande partie de la réussite du dialogue entre les gouvernements espagnol et catalan.

L’accord PSOE-Unidas Podemos

Il est clairement orienté à gauche et prévoit :

* une amélioration du niveau de vie des salariés, des retraités et des plus démunis :

Augmentation du SMIC qui doit atteindre 1200 euros d’ici la fin de la législature en 2023 (il était de 720 euros en 2018 et a été porté à 1020 euros aujourd’hui par le précédent gouvernement Sánchez).

Création d’un revenu minimum vital, équivalent du RSA.

Suppression du système d’adaptation des pensions à l’espérance de vie qui diminuait le montant initial de la retraite.

Hausse des pensions de retraite alignée sur l’inflation.

Suppression des franchises sur les médicaments.

Interdiction de couper l’alimentation en eau, gaz et électricité des familles ayant des difficultés de de paiement pour les personnes pauvres ou vulnérables.

Gratuité des livres, du matériel et de la cantine scolaires pour les enfants modestes dans le primaire et le secondaire.

* une hausse de l’impôt sur le revenu des plus riches et pour les grandes sociétés

Hausse de deux points pour les revenus supérieurs à 130 000 euros par an, et de quatre points au-delà de 300 000 euros.

Hausse de 4 points de l’impôt sur les revenus du capital de 140 000 euros et plus.

Instauration d’un taux minimum de 15 % pour l’impôt sur les sociétés (18 % pour la banque et le secteur énergétique).

* la limitation des augmentations de loyers et un plan de construction de logements sociaux

Instauration d’un plafond pour la hausse des prix de la location dans « les zones immobilières saturées ».

* l’abrogation des pans de la réforme de la loi du travail adoptée par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy en 2012.

Suppression de la possibilité de licenciement en raison d’absences liées à des arrêts maladie ou à des congés maternité.

Primauté donnée à nouveau aux accords de branche sur les conventions d’entreprise.

* la réduction de la fracture territoriale

Adoption d’un plan de lutte contre l’exode rural déployant la 3G et le haut débit sur tout le territoire et créant un réseau d’infrastructures radiales pour connecter zones rurales et villes moyennes

* l’extension des libertés démocratiques

Abrogation de la « loi bâillon » et son remplacement par une loi protégeant la liberté d’expression et de réunion.

Vote d’une loi sur la liberté de conscience garantissant la laïcité de l’État.

Légalisation de l’euthanasie.

* la mise en place de « politiques féministes »

Adoption d’une loi sur l’égalité hommes-femmes dans le monde du travail (qui devrait renforcer la transparence sur les salaires dans l’entreprise).

Mise en place des congés paternité et maternité « égaux (16 semaines chacun – ndlr), incessibles » et rémunérés à 100 % à partir de 2021.

* la rupture avec le franquisme

Création d’un jour d’hommage, le 31 octobre, aux victimes du franquisme.

Un programme d’exhumation des victimes du franquisme de leurs fosses communes.

Suppression des symboles franquistes dans l’espace public et création d’un délit d’exaltation ou d’apologie du franquisme.

L’accord PSOE-ERC

L’accord de gouvernement PSOE-Podemos prévoyait d’aborder le conflit politique catalan en impulsant la voie politique à travers le dialogue, la négociation et l’accord entre les parties permettant de dépasser la situation actuelle.

L’accord conclu entre le PSOE et les indépendantistes catalans, lui, a été ratifié à 96,6 %, par le conseil national de la Gauche républicaine catalane (ERC).

Son premier point, portant sur « la reconnaissance du conflit politique et l’activation de la voie politique pour le résoudre », est décisif, puisqu’il modifie du tout au tout l’approche du PSOE de ces trois dernières années. Il est rédigé de la sorte : « Nous partons de la reconnaissance de l’existence d’un conflit de nature politique par rapport à l’avenir politique de la Catalogne. Comme tout conflit de cette nature, il ne peut être résolu que par des voies démocratiques, par le dialogue, la négociation et l’accord, en surmontant sa judiciarisation ».

Cet accord prévoit la mise en place d’une commission bilatérale de négociation entre le gouvernement de l’État espagnol et le gouvernement de la Généralité de Catalogne dans les quinze jours qui suivront l’entrée en fonction de l’exécutif national.

Cette commission pourra échanger sur tous les sujets sans exclusive. Comme le dit le texte : « Toutes les parties apporteront en toute liberté leurs propositions détaillées sur l’avenir de la Catalogne. Et les positions concernant chaque proposition seront valorisées, débattues et argumentées ».

Et pour conclure l’accord, les décisions qu’elle adoptera seront soumises à une « validation démocratique à travers la consultation des citoyens catalans ».

Les discussions ne pourront éviter la question de la libération des prisonniers politiques catalans, emprisonnés pour avoir convoqué un référendum, et encore moins de la libération d’Oriols Junqueras, dirigeant de l’ERC qui purge une peine de treize ans de prison alors que la Cour européenne de justice considère qu’il bénéficiait de l’immunité parlementaire en tant que député européen.

Pierre Timsit


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