Le tracking, quelle aventure

jeudi 16 avril 2020.
 

Le tracking. Ton téléphone portable devient shérif-adjoint ! Tracking : un mot entre traque et crack. Angoissant et hallucinant. Une façon, parait-il, de « mieux protéger ». Évidemment, il s’agit de « libérer les énergies sur les territoires » en rassurant ceux qui en ont encore (de l’énergie). En effet c’est déjà assez compliqué d’obéir aux consignes du gouvernement et de rester confiné tout en allant au travail. Alors, si en plus on croise des malades sans le savoir ! Et si on doit travailler avec des gens malades sans en être informé ! Brrrrr…

Donc le tracking, une solution simple, tellement simple que même Castaner a compris. Et il se propose de l’appliquer. Il dit : « on y réfléchit ». Ca prouve qu’il le peut, donc c’est rassurant. Descartes y trouve son compte : « je réfléchi, donc je suis ». Castaner a une preuve de sa propre existence ailleurs que dans le regard excédé et navré du Président de la République. Mais disons que ce n’est pas vraiment rassurant : réfléchir avec le préfet Lallement et Nicole Belloubet, est-ce encore penser ? Ca va être un problème. Ni l’un ni l’autre n’aime la liberté des gens c’est évident. Tout ce qui en réduit l’exercice les réjouit et justifie leur raison d’être en poste. Mais l’un et l’autre pourront-ils alerter à temps Castaner ? Alerte Casta ! Le tracking ne sert strictement à rien du point de vue de la lutte contre le coronavirus. Pour que ça marche, il faudrait savoir qui est contaminé et qui ne l’est pas. Comment serait-ce possible puisque tout le monde n’est pas testé ? Il faudrait que tout le monde ait un téléphone portable. Il faudrait habiter tous dans les zones couvertes par le réseau. Rien de tout cela n’existe en France.

Là-dessus arrive un nigaud : « Il n’y a qu’a prendre les volontaires ». Ouh là là c’est grave ! Les volontaires ? Et tu leur donnes quoi en échange ? Un test pour vérifier s’ils sont contaminés ? Une place garantie à l’hôpital en réanimation quel que soit leur âge ? Et puis d’abord j’ai pas compris : quel est l’intérêt de suivre à la trace un gars qui est d’accord pour ça ? On ne peut pas lui demander de rester chez lui ? Ce n’est pas plus simple comme volontariat ? Pendant mes explications, le préfet Lallement sourit. Ça me fait peur ! Je l’entend penser et je vois des phylactères sortir de sa grosse casquette avec des émoticônes effrayants genre diable grimaçant . Ce gars en sait long. Le tracking c’était son rêve à Noël et il a dû se contenter d’avoir une panoplie de Dracula .

Le tracking, faut-il rappeler d’abord en quoi cela consiste dans les pays où c’est appliqué ? En examinant ces cas, on comprend ce qu’est le monde dont rêvent Castaner et Lallement. À Singapour, l’Etat et la police ont accès aux données de localisation des smartphones. Mais aussi aux données bancaires et aux éléments extractibles des caméra de vidéosurveillance. Les cas suspects doivent envoyer plusieurs fois par jour leurs coordonnées GPS. S’ils ne le font pas, leur passeport est confisqué. Il faut croire que ce n’est pas si payant que ça puisque malgré cette méthode, Singapour a été obligé de passer en confinement généralisé début avril.

Un autre exemple est cité souvent. Celui de la Corée du Sud. Les données de géolocalisation en temps réel des personnes testées positives sont accessibles à tous ! Cela semble logique dans presque tous les cerveaux malades. L’idée c’est que de cette façon, tout le monde peut se protéger en surveillant les déplacements des contaminés. On devine ce que ce contrôle mutuel généralisé a de totalitaire et d’humiliant. Du coup, une étude a montré que les Sud-Coréens avaient davantage peur de la stigmatisation sociale liée au virus que du virus lui-même.

Autre exemple, Taïwan. Le téléphone de tout cas suspect transmet en temps réel les données de géolocalisation à la police ! Celle-ci peut donc à tout moment permettre ou interdire ceci ou cela à l’intéressé. D’ailleurs la police intervient si la personne éteint son téléphone ou le met en « mode avion » ! Ce n’est pas tout. La police peut appeler la personne deux fois par jour sur son téléphone pour vérifier qu’elle est bien au même endroit !

Deux fois par jour le préfet Lallement au téléphone ! Lallement : « Allo ! c’est le préfet Lallement. Les mains en l’air ! ». Castaner :« Parlez devant le micro et dites nous pourquoi vous venez de sortir dans votre jardin ». Lallement : « J’ai dit les mains en l’air, première sommation : feu ! ». Castaner : « Il n’y a pas de “méémééé” qui tienne ! Répondez à la question ! Quoi ? Non, non, vous venez de perdre un œil ? Être alors n’avez pas besoin de vos deux yeux pour répondre ! ». Lallement « Quoi ? Quoi ? Outrage ! Outrage ! ». Belloubet : « Comparution immédiate par internet. Vous plaidez coupable pour être tranquille plus vite ? Non ? Comment non ? Rebellion ! Allez zou en détention provisoire prolongée ». « Allo, allo, c’est Construirama, le meilleur ami des jardiniers. Nos méta-données nous révèlent que vous avez un jardin et que vous n’y voyez plus clair depuis une bonne demie heure, vous êtes intéressé par une tondeuse automatique ? Quoi ? Comment ça c’est pas vous. Comment ça c’est le téléphone du papé et vous l’avez juste ramassé par terre au chevet de son lit ? ».

Le tracking, quelle aventure.


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