Écoles. Les maires abandonnés face à une équation sans bonne solution

jeudi 7 mai 2020.
 

De nombreux édiles renoncent à rouvrir les établissements scolaires dès le 11 mai, faute de temps et de moyens. En Île-de-France, plus de 300 d’entre eux, dont Anne Hidalgo, maire de Paris, ont interpellé Emmanuel Macron sur le désengagement de l’État.

1) Les maires d’Île-de-France ne porteront pas la responsabilité de l’Etat dans une réouverture des écoles à marche forcée

Dans un texte publié en exclusivité par La Tribune, l’association des maires d’Ile-de-France demande "solennellement" au président de la République de repousser la réouverture des écoles à une date ultérieure au 11 mai.

https://www.latribune.fr/opinions/t...

Nous en publions ci-dessous un extrait :

"Tout cela ne s’improvise pas du jour au lendemain"

Les maires que nous sommes en ont fait la preuve : nous nous sommes mobilisés, à chaque étape de cette gestion de crise, pour rassurer, communiquer auprès de nos habitants et leur expliquer les nouvelles règles à respecter. Nous avons grâce à notre présence quotidienne sur le terrain, organisé la gestion de crise, trouvé des solutions pour le personnel soignant et pour l’accueil de leurs enfants, l’apport en masques, l’approvisionnement en produits de première nécessité des populations vulnérables... Au lendemain de votre intervention, nous nous sommes mis au travail pour organiser la réouverture des écoles à compter du 11 mai. La République doit rester forte et unie lorsqu’elle traverse les épreuves les plus difficiles.

Mais nous apprenons, dix jours avant la date de réouverture des écoles, qu’il appartiendrait aux maires de décider de la réouverture des écoles, et aux parents de décider du retour vers le chemin des classes de leurs enfants. Que le calendrier de la reprise progressive des niveaux de classes, initialement annoncé, n’est plus valable, s’agissant des GS, CP et CM2. Et que nous ne saurons que le 7 mai, à la veille d’un week-end de trois jours précédant la rentrée annoncée, si nos départements sont officiellement classés en zone rouge. Enfin, nombreux sont ceux qui n’ont pas encore d’informations sur les enseignants qui seraient disponibles pour nos écoles, sur le nombre d’animateurs qui pourront être disponibles pour le périscolaire, ni même des effectifs des élèves à accueillir. Nous recevons par ailleurs des instructions pour donner une dimension culturelle et civique au périscolaire. Tout cela ne s’improvise pas du jour au lendemain. "Comment choisir entre les enfants ?"

Nous ne comprenons pas comment il est possible de concilier l’objectif de volontariat et de pallier les inégalités sociales et territoriales. Comment choisir entre les enfants que les parents souhaitent remettre à l’école, ceux dont les parents doivent reprendre une activité professionnelle, et les autres enfants en situation de décrochage scolaire ?

2) L’opération com de Macron pour désamorcer la levée de boucliers

La meilleure défense, c’est l’attaque. Attendu sur son plan de déconfinement, cette fois présenté au Sénat, le premier ministre s’est fait donneur de leçons, ce lundi, à l’égard de maires très inquiets à l’approche de la réouverture des écoles. «  Ce n’est pas parce que cela ne peut pas être appliqué partout que cela ne doit être appliqué nulle part, chaque enfant de retour à l’école est une victoire  », a ainsi lancé Édouard Philippe, alors que la colère des élus est encore montée d’un cran ces derniers jours. Car, à la lecture du protocole sanitaire publié par les services du ministre de l’Éducation nationale, et face au risque de deuxième vague de l’épidémie, nombre de maires tirent la sonnette d’alarme. Pas moins de 329 d’entre eux, pour la seule Île-de-France, ont cosigné une lettre ouverte au président de la République, publiée dimanche en fin d’après-midi sur le site de la Tribune.

Pour tenter de déminer le terrain, Emmanuel Macron est lui aussi monté au créneau, lundi, pour appeler à aborder le 11 mai avec «  beaucoup d’organisation  », de «  calme  », «  de pragmatisme et de bonne volonté  », tout en renvoyant l’annonce des «  derniers détails  » à jeudi. Il devrait aussi se rendre ce mardi dans une école de Poissy (Yvelines), selon une information du Parisien. Le maire LR de la ville, Karl Olive, est l’un des rares à ne pas avoir signé le texte. Pas sûr, cependant, que l’opération com suffise à désamorcer la levée de boucliers, tant les griefs sont sérieux. «  L’État ne peut pas se désengager de sa responsabilité dans la réouverture des écoles le 11 mai  ; et ce calendrier est, dans la plupart de nos communes, intenable et irréaliste  », interpellent les maires, dont celle de Paris, Anne Hidalgo (PS). Les édiles fustigent «  un calendrier à marche forcée  », des «  directives mouvantes  » et demandent en premier lieu à «  repousser la date de réouverture des écoles s’agissant des départements classés rouge  ».

Attendu depuis l’annonce, le 13 avril, du début du déconfinement pour le 11 mai, le fameux protocole sanitaire à mettre en œuvre dans les établissements scolaires n’est arrivé que trois semaines plus tard. Et sa version définitive change encore la donne sur des éléments clés (lire notre article), comme le calcul du nombre d’élèves, le port du masque, le nettoyage ou encore la restauration. Un casse-tête pour les collectivités. «  En trois jours ouvrables – c’est ce qu’il nous reste, puisque vendredi est férié –, réunir la totalité des conditions requises, sur la base d’un document que nous n’avons eu que ce lundi, n’est pas possible  », résume André Laignel (PS), maire d’Issoudun (Indre) et premier vice-président de l’Association des maires de France (AMF). «  Ce sont les 63 pages du plan Blanquer qu’il faut analyser et appliquer en moins d’une semaine, c’est bien sûr impossible  », renchérit Philippe Bouyssou (PCF), maire d’Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) et signataire de la tribune.

Julia Hamlaoui, L’Humanité


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message