Confinement en confusion : achèvement d’un monde invivable

mardi 26 mai 2020.
 

Le capitalisme marchand a produit la technologie numérique pour rentabiliser tout ce qui existe sur Terre. La marchandisation du monde est gérée par son informatisation. Tout y est calculable comme valeur marchande, l’homme y compris. Tout est profitable aux plus puissants pour produire toujours plus de bénéfices. Les choix technologiques des industriels ont verrouillé les progrès scientifiques à venir, bloquant toute évolution sociétale humanisante par leur main mise mortifère. Notre société est un système machinique d’oppressions qui impose la dictature d’une économie mondialisée, dissimulée comme technique incontournable de gestion. L’exploitation par le travail disparaît derrière la nécessité irréfutable de la technologie. Le coût de la survie a beaucoup augmenté pour plus de la moitié de la population, durant ces 60 dernières années. Les prix des denrées de première nécessité et de l’alimentation ont grimpé, le pouvoir d’achat s’est progressivement effondré. Il n’y a que les nouveaux gadgets superflus qui ont vu leurs prix descendre en même temps que leur obsolescence s’est accrues. C’est le règne du gaspillage de camelotes éphémères. Une grande partie de la population s’est appauvrie dans une misère grandissante, pendant qu’une petite minorité d’affairistes amassait des fortunes titanesques, et ceci de plus en plus vite. Les plus fortunés paient très cher les gens de pouvoir pour qu’ils appliquent des politiques antisociales, et ceci très secrètement. C’est tout un système de corruption qui s’est généralisé. La Commission européenne, comme les ministres de chaque pays, et les élus locaux sont manipulés par les lobbies et les multinationales. La dictature économique est bien installée et bien rodée, qu’elle soit européenne, interministérielle ou mondiale.

Avec l’informatisation des affaires mondialisées, l’accumulation automatisée des profits s’accélère. L’argent produit de l’argent, et peut maintenant se multiplier automatiquement à l’infini, échappant aux contraintes de la production, par des spéculations financières opaques, dans des réseaux parallèles, en dehors de tout contrôle. Plus de 80 % des richesses du monde passent par des échanges immatériels entre ordinateurs qui se font sans entrave à la vitesse de la lumière, dans l’ombre de réseaux obscurs. Ceux qui gagnent vraiment beaucoup d’argent sont ceux qui investissent ce qu’ils ne possèdent pas, mais ce qu’ils ont emprunté pour rien afin de générer des rendements très élevés. Depuis dix ans aux États-Unis on est plus vraiment dans un système libéral, car en investissant en bourse on est sûr de gagner des fortunes. Les investissements abandonnent la production trop incertaine pour les jeux spéculatifs beaucoup plus lucratifs. C’est un casino où l’on ne peut que gagner, sauf en cas de crack, où là, seuls les plus fortunés et les plus informés ramassent le pactole.

La finance impose aux banques des taux d’intérêt à zéro pour cent, des prêts gratuits, aussitôt réinvestis en bourse. C’est la finance de l’ombre, un enchaînement sans fin de dettes spéculatives gigantesques qui gonflent sans cesse en une bulle disproportionnée, bien plus importante que tout ce que l’on a déjà connu. Ces richesses titanesques échappent aux statistiques, aux impôts, et disparaissent dans des circuits informatisés opaques. Suite au désastre de la crise, les États ont feint de régulariser l’incontrôlable. Les banques centrales achètent de plus en plus d’actions pour tenter de contrôler les bourses, mais les bourses de l’ombre ainsi que les transactions de gré à gré leur échappent totalement. La fin du secret bancaire n’a concerné que les millionnaires de la petite bourgeoisie. Les milliardaires, eux, anonymisent leurs gains en diversifiant leurs placements dans des trusts, dont les bénéfices sont concentrés dans un autre trust bien planqué dans un paradis fiscal, et dont les transactions échappent complètement aux bureaucraties officielles. Évidemment, tout le monde n’a pas accès à ces spéculations opaques en plein essor, et encore moins aux informations nécessaires pour gagner beaucoup à coup sûr. Ce terrain de chasse très lucratif est réservé à la haute bourgeoisie. Un investissement financier peut se multiplier par plus de 24 en 40 ans, les gains peuvent doubler tous les 2 ans. Dans les places financières de l’ombre, les bénéfices gonflent encore plus vite et les profits s’accélèrent vertigineusement selon une courbe exponentielle, dans une misère humaine grandissante, une planète dévastée et un monde en ruine. L’économie est pillée et ruinée par une haute finance opulente, surexcitée par l’abondance et la rapidité d’un gain trop facile, dévorant tout ce qu’il reste d’un monde en faillite.

La crise a été inventée pour permettre à une toute petite minorité de faire rapidement des affaires encore plus juteuses, et ainsi que rafler les revenus démesurés d’une spéculation sans limites. Ce qui rapporte le plus de nos jours ce sont les jeux sur les financements des dettes, des crédits et des obligations. La dette publique mondiale représente plus de deux fois le poids de l’économie du monde. Les dettes créent de l’argent en quantité, et c’est beaucoup trop de liquidités qui circulent dans les sphères de la haute finance. La crise est une escroquerie, une source de profit sans limites pour des milliardaires suicidaires qui ruinent l’avenir, pour toujours plus de gains raflés à des populations appauvries et asservies. Plus des trois quarts de l’argent des hyperriches servent à la spéculation. Ils parient sur un avenir incertain et à peu près n’importe quoi, sans même avoir les fonds nécessaires, multipliant les dettes, faisant gonfler des bulles financières qui leur rapporteront des fortunes lors de leur éclatement, tout en provoquant des désastres économiques planétaires sans précédent. Le futur a été pillé, la faillite du capitalisme s’accomplit dans l’illusion du bonheur. La gangrène se propage dans ce système machinique, en roue libre, et s’emballe dans une auto-destruction qui a déjà commencé.

La course effrénée aux profits, la frénésie incontrôlable des spéculations, l’enfer du travail compétitif, l’obsolescence et le gaspillage institués, l’exploitation mortifère de la nature et de l’homme démolissent une société fragilisée en ruinant la vie. La destruction des forêts, de nombreuses espèces végétales et animales, la disparition des insectes, dont une grande partie de pollinisateurs menacent les écosystèmes. La société marchande détruit peu à peu tout ce qu’elle exploite, puis dissémine ses déchets. Les pollutions chimiques, nucléaires et électromagnétiques risquent de se répandre et de s’accentuer dangereusement menaçant notre santé. La quantité d’eau potable a diminué de moitié en 50 ans. On a perdu en un demi-siècle un tiers des terres arables. L’érosion des sols et la désertification s’étendent dangereusement. L’épuisement des ressources naturelles et des métaux rares nécessaires à la fabrication de batteries et du matériel informatique menace déjà leur production. La nourriture et son pouvoir nutritif s’appauvrissent, la fertilité des sols se détériore, la biodiversité chute rapidement, les dérèglements écologiques, l’instabilité climatique et la dégradation générale de la nature mettent en danger l’agriculture et l’alimentation des populations. (...)

Lukas Stella, Double monde, confinement en confusion, démence sous air conditionné, mai 2020 (extrait).


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