Droits des femmes : le gouvernement de la honte – Éric Dupond-Moretti Gérald Darmanin, Élisabeth Moreno, Barbara Pompili

vendredi 24 juillet 2020.
 

En nommant l’avocat Éric Dupond-Moretti à la justice, Gérald Darmanin à l’intérieur et Élisabeth Moreno aux droits des femmes, Emmanuel Macron inflige un camouflet à toutes celles et tous ceux qui promeuvent des rapports plus égalitaires et luttent contre les violences sexuelles.

Darmanin est évidemment présumé innocent. Et nul ne sait quel sera l’avenir de cette plainte. C’est simplement une question de principe, et d’éthique, quand on connaît le rôle crucial de la police dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, notamment dans la réception des plaintes et la conduite des enquêtes.

À l’Élysée, les conseillers du président semblent en tout cas déjà savoir quelle sera la décision des juges : lundi, l’un d’eux a déclaré, à propos de la plainte : « Il semble que les choses vont dans le bon sens ». Et elle n’a donc « pas fait obstacle » à sa promotion…

Par ailleurs, alors que la PMA pour toutes les femmes arrive en débat au Parlement en juillet, Gérald Darmanin fait partie de ceux qui ont défilé, sous le quinquennat précédent, avec la Manif pour tous.

Comme si cela ne suffisait pas, le ministère de plein exercice dédié aux droits des femmes, promis régulièrement, est une nouvelle fois passé par pertes et profits. Marlène Schiappa, qui espérait élargir son portefeuille, est réduite à devenir la supplétive de Gérald Darmanin à Beauvau, en s’occupant de la « citoyenneté »…

La nouvelle ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, Élisabeth Moreno, est certainement une brillante cheffe d’entreprise. Elle se dit d’ailleurs « mentor au sein de réseaux féminins » dans le monde entrepreneurial (lire la présentation des nouveaux ministres).

Mais sa vision de la lutte pour l’égalité est à la fois libérale, et imprégnée de la culture de la gauloiserie, qui sert souvent de prétexte au maintien de pratiques inégalitaires.

Lutter contre le sexisme en entreprise ? « Mon conseil serait de prendre davantage de responsabilités ! Plus vous montez dans la hiérarchie, moins vous êtes confrontée au sexisme », a-t-elle expliqué aux Échos en 2018. Et quand elle a été victime de sexisme dans son milieu professionnel très masculin ? « Quand vous prenez ce genre de situations sur le ton de la plaisanterie, cela passe toujours beaucoup mieux que lorsque vous entrez en guerre. »

Élisabeth Moreno défend la parité dans les entreprises et l’égalité professionnelle, mais partage en partie les réserves de ses nouveaux camarades du gouvernement – en plaidant pour « les blagues à la machine à café », dans un long entretien de 2018.

« Je ne veux surtout pas que les hommes se sentent gênés, car ils auraient le sentiment qu’il n’y en a que pour les femmes ! Les blagues à la machine à café sont très importantes, car il ne faut pas qu’on se sente verrouillé et qu’on ne puisse plus s’exprimer. Je ne veux pas d’un climat de défiance où le sexisme met tout le monde mal à l’aise et où chacun mesure constamment chaque mot qu’il utilise… Quand chacun se sent respecté, l’organisation fonctionne bien. »

Comme si cela ne suffisait pas, Emmanuel Macron a choisi de nommer à la Transition énergétique Barbara Pompili, une des rares femmes responsables politiques à avoir témoigné en faveur de Denis Baupin, lors du procès en diffamation que l’ancien vice-président de l’Assemblée nationale avait intenté contre Mediapart, France Inter, et les femmes qui l’avaient accusé de harcèlement et agression sexuels. Il avait finalement été condamné pour procédure abusive.

Bref, à des degrés divers, et avec des conséquences encore difficiles à mesurer, cette nouvelle équipe est une fin de non-recevoir radicale à la demande d’égalité qui parcourt la société, qui réunit des dizaines de milliers de personnes dans les rues lors des manifestations de novembre ou de mars, et qui voit de très jeunes femmes se mobiliser pour une société plus ouverte, plus libre, plus joyeuse.

Trois ans après avoir proclamé l’égalité femmes-hommes « grande cause du quinquennat », avec un bilan déjà bien maigre et des contradictions manifestes, ce gouvernement est une honte.

Lénaïg Bredoux


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