7,6 milliards par an : les ristournes sur les contributions des Etats, face cachée du plan de relance européen

samedi 1er août 2020.
 

En même temps qu’il a acté un plan de relance de 750 milliards d’euros, l’accord européen annoncé mardi 21 juillet a approfondi les réductions de versements concédées à certains Etats, qui atteindront 7,6 milliards d’euros par an en 2021-2027. Un revirement, alors que ces "corrections" étaient fortement contestées.

C’est la victoire cachée des "frugaux". Plusieurs pays européens ont obtenu des rabais sur les montants qu’ils devront verser dans les caisses de l’UE entre 2021 et 2027, dans l’accord conclu mardi 21 juillet à l’issu du sommet de Bruxelles. Ces réductions leur permettront de payer un montant inférieur à celui prévu par les règles communes, qui fixent les redevances des pays membres en proportion de leur richesse nationale. Cinq pays sont concernés : les Pays-Bas avec 1,92 milliard de ristournes par an, le Danemark avec 377 millions, l’Autriche avec 565 millions, la Suède avec 1,07 milliard, et l’Allemagne avec 3,67 milliards. Ils cumulent ensemble un total de 7,6 milliards de réductions annuelles, qui devront être compensées par les autres Etats. Une forme de contrepartie au plan de relance de 750 milliards adopté par les 27, qui doit d’abord bénéficier aux pays les plus touchés par la crise. Dans le cas de l’avantage allemand, le texte adopté précise ainsi qu’il est concédé "dans le contexte du soutien à la reprise".

Parmi ces États, les Pays-Bas, la Suède et le Danemark bénéficiaient déjà d’un rabais sur la période 2014-2020. Tous le verront grimper dans le cadre du prochain budget : il augmentera de 1,23 milliard dans le cas hollandais (+176%), de 247 millions pour leurs homologues danois (+190%), et de 884 millions pour les Suédois (+478%). Ces "corrections" sont censées compenser des contributions jugées excessives par les pays concernés, qui considéraient qu’ils payaient trop par rapport à ce qu’ils recevaient du pot commun européen. Et ce même si "les contributions [sont] fondés (sic) sur des critères économiques objectifs", comme l’affirme la Commission européenne sur son site internet. Revirement

Afin de mieux mesurer l’importance de ces avantages, il est utile de les exprimer en pourcentage du PIB des pays concernés. Sous cet angle, les Pays-Bas s’en sortent le mieux avec une réduction à hauteur de 0,24% de leur production annuelle de 2019. Si l’on appliquait le même pourcentage à la France, on obtiendrait 5,75 milliards de ristournes annuelles. Soit plus que ce que les administrations publiques françaises dépensent chaque année pour notre système judiciaire (5,54 milliards en 2018). A l’inverse, malgré leur réduction en apparence plus élevée, l’avantage annuel de l’Allemagne s’élèvera à "seulement" 0,11% de sa richesse nationale en 2019.

Les hausses de ces ristournes représentent un revirement, alors qu’elles étaient fortement contestées ces dernières années. Et notamment par la France : "Nous en avons un peu assez de verser de l’argent qui soit ensuite redistribué en rabais aux autres pays autour de nous (...). Il faut que nous puissions voir ce mécanisme arriver à son terme", avait asséné Amélie de Montchalin, alors secrétaire d’Etat aux affaires européennes, en amont d’une réunion avec d’autres pays européens, en février 2020. Une position similaire a été adoptée par la Commission européenne, qui avait proposé une disparition progressive de ces avantages.

Mais cette évolution avait été enterrée à l’orée du dernier sommet : le cadre de négociations proposé quelques jours avant la rencontre par Charles Michel, le président du Conseil européen, prévoyait déjà une hausse des ristournes. Et elles ont encore vu leur montant grimper lors des négociations pour les Pays-Bas (+22% par rapport à la proposition initiale), l’Autriche (+138%), la Suède (+34%) et le Danemark (+91%). Ces quatre Etats ont un point commun : avec la Finlande, ils font partie du cercle des "frugaux", qui ont freiné des quatre fers contre un plan de relance trop ambitieux. Les rabais étaient-ils le prix à payer pour un "accord historique" ?


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